
Des rapports récents révèlent une conséquence inattendue de la nouvelle législation sur la vérification de l'âge : les sites web qui mettent en œuvre ces contrôles avec diligence connaissent une baisse significative de leur trafic, tandis que ceux qui ne respectent pas les règles voient leur nombre de visiteurs augmenter. Cette tendance, particulièrement évidente au Royaume-Uni, soulève des questions sur l'efficacité et l'équité des mesures de sécurité en ligne actuelles.
Le paysage numérique britannique connaît une transformation majeure. Conformément au « Kids Online Safety Act » (Loi sur la sécurité en ligne des enfants, ou KOSA) de 2023, le Royaume-Uni met en œuvre des mesures de vérification d'âge parmi les plus strictes au monde pour l'accès aux contenus pornographiques en ligne. Cette nouvelle législation, qui est entré en vigueur le 25 juillet 2025, vise à protéger les enfants des contenus préjudiciables, en imposant une obligation rigoureuse aux sites web et plateformes concernés.
La France avait déjà proposé un mécanisme de certification numérique pour obliger les sites pornographiques à contrôler efficacement l'âge des spectateurs sur leurs sites à partir de septembre. Les personnes souhaitant consulter ces sites devront installer sur leur téléphone portable une application de certification numérique agréée par le gouvernement pour prouver qu'elles ont au moins 18 ans. Les sites qui ne s'y conforment pas risquent d'être interdits de publication en France.
La Chine vient également de lancer une nouvelle identité numérique pour contrôler encore plus les activités de ses citoyens en ligne. Ce pays connu comme la matérialisation de la fiction Big Brother de 1984 apparaît désormais comme un exemple pour bon nombre d’autres en matière de surveillance de masse. En effet, de l’Australie au Canada en passant par l’Europe, on assiste à une multiplication d’initiatives allant dans le sens de vérifier l’âge des internautes avec pour motif de protéger les plus jeunes contre les abus sexuels en ligne.
Cependant, ces mesures présentées comme nécessaires pour lutter contre les contenus illégaux et préjudiciables, suscitent de vives inquiétudes parmi les défenseurs des libertés numériques et des droits humains. Les critiques soulignent que les définitions floues de ce qui constitue un contenu « nuisible » pourraient ouvrir la voie à une censure excessive, limitant la liberté d'expression. De plus, les startups et plateformes indépendantes pourraient ne pas avoir les moyens de se conformer aux nouvelles règles
Des rapports récents révèlent une conséquence inattendue de la nouvelle législation sur la vérification de l'âge : les sites web qui mettent en œuvre ces contrôles avec diligence connaissent une baisse significative de leur trafic, tandis que ceux qui ne respectent pas les règles voient leur nombre de visiteurs augmenter. Cette tendance, particulièrement évidente au Royaume-Uni, soulève des questions sur l'efficacité et l'équité des mesures de sécurité en ligne actuelles.
Au Royaume-Uni, les internautes sont de plus en plus souvent confrontés à des demandes de vérification de l'âge dans le cadre des dispositions de la loi sur la sécurité en ligne. Si certaines mesures ont un impact sur les plateformes de réseaux sociaux, exigeant une vérification même pour les messages directs, les changements les plus spectaculaires en matière de trafic web sont observés sur les sites web véritablement destinés aux adultes.
Les conséquences imprévues de la conformité
Selon un rapport du Washington Post, qui a analysé les données de Similarweb, le trafic web vers les sites pornographiques qui ont mis en place la vérification de l'âge au Royaume-Uni a chuté. À l'inverse, 14 des 90 sites pour adultes les plus visités qui n'ont pas encore déployé ces contrôles d'âge par « scan du visage » ont vu leur trafic provenant d'utilisateurs basés au Royaume-Uni tripler par rapport à l'année précédente.
Si l'utilisation de VPN peut potentiellement fausser les données de localisation, l'ampleur de ce changement de trafic suggère une nette préférence des utilisateurs pour contourner la vérification de l'âge. Cet afflux de visiteurs sur les sites non conformes se traduit directement par une augmentation des revenus publicitaires, créant un avantage financier substantiel par rapport à leurs homologues conformes.
Pour aggraver encore la situation, les sites qui respectent les nouvelles réglementations sont non seulement confrontés à une perte de revenus publicitaires, mais doivent également supporter le coût supplémentaire lié à la mise en œuvre et à la maintenance des services de vérification de l'âge requis par la loi.
Contrôle réglementaire et opinion publique
L'autorité britannique de régulation des communications, l'Ofcom, a déjà pris note de la situation. Elle a ouvert une enquête sur « quatre sociétés qui gèrent collectivement 34 sites pornographiques » afin de déterminer si ces fournisseurs ont mis en place « des contrôles d'âge hautement efficaces pour protéger les enfants ». L'avenir des sites qui enfreignent les exigences de vérification de l'âge de la loi sur la sécurité en ligne reste incertain, d'autant plus que des sites clones et miroirs pourraient voir le jour en réponse à l'application de la loi.
L'opinion publique est divisée sur ces mesures. Si de nombreux Britanniques soutiennent largement le concept de vérification de l'âge, une partie importante estime que sa mise en œuvre est imparfaite. Ce sentiment est partagé par certains sites web conformes qui ont ouvertement critiqué la loi, en renvoyant vers une pétition demandant son abrogation. Malgré plus de 500 000 signatures, le gouvernement britannique a déclaré qu'il n'avait « pas l'intention d'abroger la loi sur la sécurité en ligne ».
Selon l'Electronic Frontier Foundation (EFF), une organisation qui défend les libertés civiles dans le monde numérique, rapporte que les internautes de tous âges au Royaume-Uni sont contraints de prouver leur âge avant de pouvoir accéder à des millions de sites web en vertu de la loi britannique sur la sécurité en ligne (OSA). L'EFF qualifie notamment les actions pour promouvoir la loi de "dernières tentatives malavisées visant à protéger les enfants en ligne" et affirme que le Royaume-Uni doit faire mieux.
Un défi mondial : la vérification de l'âge au-delà du Royaume-Uni
Le Royaume-Uni n'est pas le seul à être confronté à ces questions complexes. Des lois similaires sur la vérification de l'âge voient le jour dans le monde entier. Par exemple, l'État américain du Mississippi a promulgué une loi obligeant les sites à vérifier l'âge des utilisateurs et à obtenir le consentement parental pour les mineurs connus. Cette loi exige également que des « efforts commercialement raisonnables » soient déployés pour protéger les utilisateurs mineurs contre les contenus préjudiciables, ce qui représente un défi de taille pour toute plateforme en ligne.
En réponse à la loi du Mississippi, des plateformes telles que Bluesky ont choisi de bloquer les utilisateurs de cet État. Mastodon suit le mouvement, invoquant un manque de ressources pour mettre en œuvre efficacement la vérification de l'âge. Parallèlement, l'Australie a mené des études sur les technologies de vérification de l'âge et a conclu qu'elles pouvaient être déployées « de manière privée, efficace et efficiente ».
En outre, l'adoption de réglementations visant à empêcher l'accès des mineurs aux contenus pour adultes en ligne à travers la vérification de l'âge a des répercussions inattendues sur le marché des applications VPN. De nombreux rapports signalent que la demande pour les services VPN connaît une hausse sans précédent aux États-Unis comme en Europe. L'un de ces rapports indique que la demande de services VPN a bondi de 275 % en mars 2024, le jour même où Pornhub a bloqué l'accès au Texas. La demande aurait augmenté de 210 % le lendemain de l'entrée en vigueur d'une loi similaire en Louisiane l'année dernière. La France n'est pas étrangère à ces tendances.
Alors que les mesures de vérification de l'âge continuent de se multiplier dans le monde entier, l'internet tel que nous le connaissons pourrait connaître une transformation importante, conduisant potentiellement à une expérience en ligne plus fragmentée et « réduite » pour de nombreux utilisateurs.
Sources : The Washington Post, Similarweb
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