Après les travaux de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, le texte élaboré sera examiné en séance publique à partir du 29 mars prochain. Mais un groupe d’élus veut s’attaquer à une question d’actualité : l'empreinte carbone de l’offre de streaming vidéo en croissance exponentielle. Des députés MoDem ont déposé cette semaine un amendement visant à faire en sorte que l’empreinte carbone de chaque vidéo visionnée par les utilisateurs en ligne soit affichée clairement par les plateformes qui les hébergent. YouTube, Netflix ou encore Disney+ seraient évidemment les premières concernées.
Il revient au Conseil supérieur de l’audiovisuel de promouvoir des codes de bonne conduite en matière environnementale. Ils auront notamment pour objet « de réduire de manière significative les communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement, en particulier en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation des ressources naturelles sur l’ensemble de leur cycle de vie ».
Quant à l’autorité de régulation des communications électroniques (Arcep), elle se voit chargée de rédiger, en lien avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, « un rapport annuel mesurant l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande ». Ce rapport aura « vocation à renforcer l’information des consommateurs sur la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de contenus audiovisuels ».
Il faut noter que l’article 9 du projet de loi vient inverser la logique actuelle de la publicité dans les boites aux lettres physiques. En effet, à titre expérimental, dans certaines collectivités, et pour une durée de trois ans, « la distribution à domicile d’imprimés en plastique, en papier ou cartonnés à visée commerciale non adressés, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier, est interdite ».
Dans son article 4, la future loi va interdire « la publicité en faveur de la vente des énergies fossiles ». Les contrevenants seront soumis à une peine d’une amende de 30 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.
Afficher l’empreinte carbone de chaque vidéo en ligne
Mais avant la discussion en séance publique, trois députés LREM – Sophie Mette, Florence Lasserre et Nadia Essayan – veulent ajouter des obligations sur le numérique dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Par un amendement déposé le jeudi dernier, ces parlementaires souhaiteraient que les plateformes affichent « l’empreinte carbone de chaque vidéo en ligne ».
« Les diffuseurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, les distributeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande et les plateformes de partage de vidéos font figurer en accompagnement de chaque contenu proposé au visionnage sur le territoire français un indice d’impact environnemental de cette vidéo », lit-on dans la proposition. Un indice d’impact serait calculé à partir des données de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
Avant l’examen de la loi par la commission spéciale à partir du 8 mars, des élus Modem et ceux d’autres bords politiques ont partagé le même constat dans leurs amendements déposés entre le 26 février et le 2 mars, celui d’une croissance rapide des offres de streaming vidéo. Mais ces amendements avaient tous été rejetés par la commission spéciale chargée de l’examen de ce texte.
Là où l’amendement du groupe socialiste ne visait qu’à « instaurer un comité scientifique chargé d’étudier la possibilité de faire figurer, en accompagnement de chaque vidéo proposée au visionnage, un indice relatif à son impact environnemental », l’amendement porté par la droite ambitionnait plus directement « d’informer le consommateur de l’impact carbone du visionnage de vidéo en ligne », à l’image de ce que propose déjà, par exemple, l’interface de la plateforme française MyCanal.
Depuis septembre 2020, MyCanal affiche des mentions environnementales à côté du choix de la qualité de la vidéo (480p, 720p ou 1080p/4K). En prenant le 720p par exemple, le flux vidéo serait 35 % plus économe en émission de CO2 que le flux en qualité maximale. Le service affiche 70 % avec le 480p.
Dans leur premier amendement, Florence Lasserre et Sophie Mette de MoDem avaient indiqué avoir conçu leur proposition en s’inspirant des propositions du think tank The Shift Project. À l’été 2019, une analyse de ce groupe de réflexion qui « œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone » alertait en effet sur les niveaux de pollution considérables générés par l’utilisation des nouvelles technologies, flux vidéo en tête. D’après les estimations du think tank, près de 4 % des émissions de carbone mondiales sont liées chaque année « à la production et à l’utilisation du système numérique ».
C’est plus que les 2 % habituellement attribués au transport aérien civil, et cette part pourrait même doubler d’ici 2025 pour atteindre 8 %. Des chiffres impressionnants mais contestés, dont certains experts de l’AIE (Agence internationale de l’énergie) jugent par exemple qu’ils sont surestimés (en juin 2020, The Shift Project avait répondu à cette critique en appelant « à la poursuite de la discussion scientifique »).
Reste à voir si cette dernière proposition passera. Par ailleurs, si un tel amendement était adopté, faudrait-il vraiment s’attendre à une baisse significative des émissions liées au numérique ? Rien ne permet, pour l’instant, de l’affirmer. Sur un sujet annexe, la loi relative à la lutte contre le gaspillage, qui obligera à partir de 2022 les fournisseurs d’accès à Internet à informer leurs clients « non seulement du volume de données qu’ils consomment, mais également de l’empreinte carbone que cela représente », pourrait de ce point de vue faire office de test « grandeur nature ».
Dans un autre amendement au projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, un député LREM veut interdire le prélèvement de la redevance pour copie privée sur les biens reconditionnés, jusqu’au 1er janvier 2028. Selon le député Alexandre Freschi, « si les produits numériques reconditionnés devaient être soumis à cette redevance, le coût supplémentaire serait supporté par les consommateurs eux-mêmes et pourrait favoriser l’achat de produits neufs à faible coût, mais de moindre qualité technique et de plus fort impact environnemental plutôt que l’achat de produits reconditionnés en Europe ».
Paula Forteza aimerait pour sa part que les vendeurs autorisent les consommateurs à rétablir l’ancienne version lorsqu’il fait une mise à jour non nécessaire à la conformité du bien. « Pour les biens comportant des éléments numériques, le vendeur veille à ce que le consommateur ayant installé une mise à jour non nécessaire à la conformité du bien puisse rétablir la version antérieure du logiciel concerné ».
Cet amendement vise à contribuer à un allongement de la durée de vie des produits comportant des éléments numériques, compte tenu des matériaux rares qui les composent et des quantités associées. Espérons que l’affichage de l’empreinte carbone va modifier le comportement des consommateurs en les rendant plus écolos.
Sources : Amendements (1 & 2)
Et vous ?
Que pensez-vous de cette proposition pour obliger les plateformes comme YouTube à afficher l’empreinte carbone de chaque vidéo ?
Si l’amendement passe, pensez-vous qu’il poussera les utilisateurs à moins ou ne pas du tout visionner les vidéos à forte empreinte carbone ?
Voir aussi :
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France : des députés MoDem veulent obliger les plateformes comme YouTube à afficher l'empreinte carbone de leurs vidéos,
Lorsque les utilisateurs les visionnent
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Le , par Stan Adkens
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