Mark Zuckerberg est en visite en Europe où il était présent à la conférence sur la sécurité à Munich samedi dernier. Le PDG de Facebook a également été reçu par la nouvelle Commission européenne lundi. Après une brève rencontre entre Zuckerberg et le commissaire européen à l'industrie lundi, Thierry Breton a déclaré que c'était à Facebook de s'adapter aux normes européennes, et non l'inverse, en critiquant les règles proposées par le géant américain des médias sociaux, qu'il jugeait insuffisantes, a rapporté Reuters.
Ces commentaires sans détour du commissaire européen à l'industrie sont intervenus et deux jours avant que l’exécutif européen ne présente la première d'une série de règles destinées à freiner les géants technologiques américains et les entreprises chinoises aidées par l'État, notamment sa stratégie sur l’intelligence artificielle, ainsi que le "Digital service act", la législation sur les services numériques. La visite à Bruxelles du fondateur du géant des réseaux sociaux, qui détient également Instagram et Whatsapp, survient également quatre semaines après celle du patron d’Alphabet, société mère de Google, Sundar Pichai, qui avait appelé l’UE à une "approche proportionnée" pour réglementer l’intelligence artificielle.
Alors que Zuckerberg avait auparavant déclaré aux journalistes qu'il avait eu une bonne et large conversation avec Breton, M. Breton, ancien PDG de l'opérateur de télécommunications français Orange et de la société technologique française Atos, a déclaré aux journalistes après la réunion : « Ce n'est pas à nous de nous adapter à cette entreprise, c'est à cette entreprise de s'adapter à nous », selon Reuters.
M. Breton a également déclaré qu'il déciderait d'ici la fin de l'année s'il fallait adopter des règles strictes dans le cadre de la loi sur les services numériques pour réglementer les plateformes en ligne et définir leurs responsabilités. Il a aussi contesté lundi un document de discussion publié par Facebook qui rejette ce qu'il appelle une réglementation intrusive et suggère des règles plus souples selon lesquelles les entreprises feraient des rapports périodiques sur le contenu et publieraient des données sur l'application de la loi, a rapporté Reuters.
Les mesures prises à ce stade par le plus grand réseau social mondial « ne sont pas suffisantes », a déclaré M. Breton, ajoutant que Facebook avait omis de mentionner sa position dominante sur le marché et avait également omis de préciser ses responsabilités. Depuis plusieurs années, les géants du numérique (Facebook, Google, Amazon...) sont dans le collimateur de la Commission européenne qui s'inquiète de leur domination écrasante sur le commerce en ligne, de la protection des données personnelles ou encore de leur emprise sur le marché publicitaire.
Facebook a reporté le déploiement de son service de rencontres (Facebook Dating) dans l'UE, qui lui demande des gages de protection de la vie privée via le régulateur irlandais. Ce lancement était prévu pour le 13 février dernier, après le déploiement effectif au Canada en novembre 2018, mais le service ne remplissait pas certaines conditions. En effet, les entreprises technologiques doivent procéder à une évaluation de l'impact du traitement des données (DPIA), en vertu des règles en vigueur dans l'UE, avant de lancer un produit ou un service susceptible d'avoir un impact sur les données de leurs clients.
Le PDG de Facebook tente de montrer sa bonne volonté aux nouveaux responsables de l’Union européenne. Dans une tribune, parue lundi dans le quotidien économique et financier The Financial Times, Mark Zuckerberg soulignait que « les géants de la tech ont besoin de plus de régulation […] Je ne pense pas que les entreprises privées devraient prendre seules autant de décisions lorsqu’elles touchent aux valeurs démocratiques fondamentales ». Et de rappeler que l’année dernière, il avait « appelé à une réglementation dans quatre domaines : les élections, les contenus préjudiciables, la vie privée et la portabilité des données ».
Mais la DPC (Commission de protection des données) irlandaise, à qui incombe le contrôle de l’application par Facebook de la réglementation européenne sur la protection des données (RGPD), s’est dite très préoccupée par le lancement de la nouvelle application.
« Facebook ne peut pas repousser toutes les responsabilités »
Vera Jourova, chef de la justice européenne, qui a également eu un entretien avec Zuckerberg, a été tout aussi catégorique dans ses commentaires sur le rôle de Facebook dans la lutte contre les discours haineux, la désinformation et la manipulation des élections en ligne. Dans une déclaration, après la rencontre, elle a dit :
« Facebook ne peut pas repousser toutes les responsabilités. Facebook et M. Zuckerberg doivent répondre eux-mêmes à la question "qui veulent-ils être" en tant qu'entreprise et quelles valeurs ils veulent promouvoir ». « Il ne reviendra pas aux gouvernements ou aux régulateurs de s'assurer que Facebook veut être une force du bien ou du mal », a-t-elle ajouté. Au cours de ce mois, Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne avait exprimé le souhait de sévir contre les réseaux sociaux véhiculant des messages de haine et évoqué la possibilité de rendre les plateformes responsables du contenu mis en ligne.
En avril dernier, le Parlement de l'UE a approuvé son projet de loi pour obliger les médias sociaux à supprimer les contenus terroristes dans un délai d’une l'heure. Le Parlement a également approuvé le projet de loi qui prévoit pour les entreprises du numérique de lourdes sanctions financières pouvant aller jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial en cas de « manquement systématique » à leurs obligations. La nouvelle loi cible essentiellement les entreprises comme Facebook, Google et Twitter qui ne parviennent toujours pas à supprimer les contenus extrémistes dans l'heure qui suit.
En ce qui concerne une taxe commune pour les géants du numérique, les Etats membres de l'Union européenne n'étaient par ailleurs pas parvenus à un accord : faut-il les taxer là où ils ont des usagers, ou bien là où ils ont leur siège social ? Les pays de l'OCDE, cette fois, réfléchissent à un mécanisme, et Mark Zuckerberg se dit favorable à des réglementations plus strictes, même si son groupe doit payer plus d'impôts.
Bruxelles envisage depuis peu de renforcer sa réglementation et M. Breton annoncera mercredi des propositions visant à exploiter la mine de données industrielles de l'UE et à contester la domination de Facebook, Google et Amazon. Il annoncera également des règles régissant l'utilisation de l'intelligence artificielle, qui affecteront également des entreprises telles que Facebook, a rapporté Reuters.
En évoquant la possibilité que l'UE puisse tenir les entreprises Internet pour responsables des discours haineux et autres discours illégaux publiés sur leurs plateformes, Facebook a déclaré dans son document de discussion que cela ignorait la nature d'Internet, selon Reuters. Pour la société, la meilleure façon de contrôler les discours haineux et la désinformation sur les plateformes est de s'assurer que les plateformes mettent en place des systèmes pour combattre ce type de discours et ne pas les tenir pour responsables du discours lui-même.
« Les lois sur la responsabilité des éditeurs qui punissent la publication de discours contraires à la loi ne sont pas adaptées à Internet », est-il expliqué dans le document. Facebook a exhorté les régulateurs à comprendre les capacités et les limites de la technologie dans l'évaluation des contenus et à donner aux entreprises Internet la flexibilité nécessaire pour innover.
Source : Reuters
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Et non l'inverse
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Le , par Stan Adkens
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