De précédents rapports avaient fait état du travail des enfants dans les mines du cobalt de la République démocratique du Congo (RDC), dont celui du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Cependant, il n’y avait pas encore eu de procès contre les grandes entreprises de la technologie qui utilisent ce minéral essentiel dans la production des batteries lithium-ion qui alimentent la plupart des appareils électroniques. Toutefois, depuis cette semaine, un groupe international de plaidoyer a intenté une action en justice contre certaines des plus grandes sociétés de technologie du monde pour les décès et les blessures d'enfants mineurs dans les mines de cobalt congolaises, a rapporté CBC.ca, le site Web de la société Radio-Canada.
Le procès a été intenté devant le tribunal de district américain de Washington D.C. par l'organisation à but non lucratif International Rights Advocates, au nom de 14 familles de la République démocratique du Congo. La plainte accuse les géants de la technologie d'avoir « sciemment tiré profit de l'utilisation cruelle et brutale de jeunes enfants de la RDC pour extraire du cobalt, et d'avoir aidé et encouragé cette utilisation », et exige un procès par jury pour les demandeurs, qui comprennent des enfants mineurs mutilés et les familles d'autres personnes tuées dans les mines de cobalt. Les défendeurs nommés dans la poursuite comprennent Apple, Microsoft, Dell, Tesla et Alphabet, la société mère de Google.
Selon CBS News dont une équipe a fait une visite dans ces mines l’an dernier, Terry Collingsworth, avocat spécialisé dans les droits de la personne de International Rights Advocates, a déclaré à CBS News que son organisation « a retracé la chaîne d'approvisionnement depuis la mine où les enfants ont été tués ou mutilés et l'a remontée jusqu'à ces sociétés ».
Siddharth Kara, chargé de cours en politique publique à la Harvard Kennedy School, étudie également depuis des années la situation dans les mines de cobalt congolaises, a rapporté CBC.ca. Dans un entretien, au sujet de ses recherches, avec Carol Off, animatrice d'As It Happens, une émission diffusée sur CBC Radio One, M. Kara livré ce qu’il a vu lors de son enquête. Selon CBC.ca, qui a publié une partie de la conversation, les recherches de Kara sont à la base du procès.
Carol Off a voulu savoir s’il y avait des preuves que le cobalt extrait par les enfants dans ces mines en question se retrouve dans la chaîne d'approvisionnement de produits fabriqués par Apple, Microsoft, Dell et Tesla. Kara a répondu que « Nous n'aurions pas intenté de poursuite si nous n'avions pas eu la preuve définitive que ces enfants sont demandeurs et que des milliers d'autres enfants et de pauvres au Congo étaient en train d'extraire et de souffrir du cobalt dans des zones minières directement liées aux chaînes d'approvisionnement des plus grands fabricants de technologies et d'automobiles dans le monde ».
« Vous voyez, les deux tiers de l'approvisionnement mondial en cobalt proviennent du Congo. Donc déjà, là, vous ne pouvez pas éviter le cobalt congolais », a-t-il ajouté. Toutefois, Kara a reconnu que la chaîne d'approvisionnement est opaque et complexe. L'enquête de CBS News a également montré l’an dernier à quel point il est compliqué de retracer le cobalt extrait par des enfants dans la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Les conditions de travail des enfants dans les mines de cobalt
En racontant quelques histoires au sujet des enfants qui travaillent dans des mines de cobalt en RDC, Kara a dit :
« La population paysanne, et les enfants en particulier, sont en train de vivre une existence sous-humaine, couverts de saletés toxiques et de crasse alors qu'ils exploitent le cobalt qui est utilisé dans chaque batterie rechargeable au lithium-ion de la planète ». « Et je pense que les pires histoires que j'ai entendues – et j'en ai entendu beaucoup trop – concernaient de jeunes enfants et de jeunes hommes qui creusaient des tunnels pour trouver les plus gros gisements de cobalt, certains jusqu'à 30 mètres de profondeur, et puis ces tunnels s'écroulaient et enterraient tous vivants », a-t-il ajouté.
Selon Kara, un tunnel s’est écroulé pendant qu’il faisait ses recherches sur un site, engloutissant 63 personnes. CBS News a rapporté aussi avoir vu, lors de l’enquête de son équipe, « des enfants d'à peine 10 ans transporter de lourds sacs de cobalt pour les laver dans les rivières. Même ceux qui sont trop jeunes pour travailler ». Les responsables de la RDC ont nié l'existence du travail des enfants, mais pour l'équipe de CBS News, c'était évident à voir. Et selon les sources de CBS News en RDC, les conditions de vie des enfants ne se sont pas améliorées depuis leur visite dans le pays.
Mais ce qui est encore inadmissible, selon Siddharth Kara, c’est que malgré ces conditions difficiles dans les mines, les enfants, même les adultes, gagnent à peine entre 80 cents et peut-être 2 dollars par jour, selon le genre de travail qu'ils font. « Quand on ajoute à cela le contexte dans lequel ils produisent ce cobalt utilisé dans les gadgets vendus par des entreprises qui valent des centaines de milliards de dollars, voire plus d'un billion de dollars, dirigés par des dirigeants ou des milliardaires, cette quantité de richesse et de revenu complètement dégradante et avilissante qui est partagée au bas de la chaîne par les dirigeants est inadmissible », a dit Kara.
Les géants de la technologie déclarent ne pas être associés au travail des enfants en citant leur code de conduite fournisseur
Le procès intenté contre les géants américains est la première action en justice intentée contre les sociétés de la technologie. Les recherches de l’UNICEF ont estimé qu'en 2012, environ 40 000 enfants travaillaient dans les mines de la RDC. Dans des communiqués, les entreprises ont nié être liées aux travaillent des enfants dans les mines.
Dell Technologies a déclaré à CBS News qu'elle s'est engagée à « l'approvisionnement responsable des minéraux », et qu'elle travaillait avec ses fournisseurs pour gérer les programmes d'approvisionnement de façon responsable. Dell a ajouté qu'elle mène actuellement une enquête sur ces allégations et qu'elle a informé la Responsible Minerals Initiative dans le cadre de son mécanisme de grief.
Dans sa déclaration à CBS News, Apple a aussi défendu ses « normes les plus strictes pour nos fournisseurs ». La société a déclaré qu’elle publie chaque année depuis 2016 une liste complète des affineurs de cobalt, qui font tous l’objet de vérifications par des tiers. « Si une raffinerie ne peut ou ne veut pas satisfaire à nos normes, elle sera retirée de notre chaîne d'approvisionnement », a dit Apple, ajoutant qu'elle a retiré six raffineries de cobalt en 2019.
Comme Apple et Dell, un porte-parole de Google a défendu le code de conduite des fournisseurs d’Alphabet. « Nous nous engageons à nous approvisionner de manière éthique et à éliminer l'exploitation minière des enfants dans les chaînes d'approvisionnement mondiales », a déclaré le porte-parole à CBS News. « En tant que membre actif de la Responsible Minerals Initiative, nous travaillons de concert avec nos fournisseurs, d'autres entreprises et des groupes de l'industrie pour stimuler les efforts en RDC et ailleurs ».
Le procès intenté par International Rights Advocates allègue que les enfants au nom desquels les plaignants ont intenté des poursuites ont travaillé illégalement dans des mines en RDC appartenant à la société britannique Glencore. Le cobalt provenant des mines de Glencore serait vendu à Umicore, une société de négoce de métaux et de minéraux en Belgique, qui vend du cobalt affiné aux sociétés accusées par l’action en justice. Selon les documents du tribunal, les enfants travaillent également dans des mines appartenant à la société chinoise Zhejiang Huayou Cobalt, qui fournit au moins trois des sociétés désignées dans le procès.
Selon le rapport de CBS News, Glencore a déclaré dans une communication qu'elle « ne tolère aucune forme de travail des enfants, forcé ou obligatoire ». Le procès appelle les compagnies à prendre la responsabilité des enfants mineurs dans leurs chaînes d'approvisionnement et à changer la façon dont elles s'approvisionnent en métal. Toutefois, espérons que le tribunal soit disposé à considérer l'achat du cobalt sur le marché mondial comme le fait de tirer « sciemment profit de l'utilisation cruelle et brutale de jeunes enfants » et d’avoir « aidé et encouragé cette utilisation ».
Sources : IRAdvocates, CBC.ca
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Des géants de la technologie poursuivis en justice au sujet de la mort d'enfants qui exploitent du cobalt,
Apple, Microsoft, Dell, Tesla et Alphabet cités dans le procès
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Le , par Stan Adkens
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