Malgré les menaces américaines des droits de douane
À l’instar de la France, d'autres pays de l'Union européenne, notamment l'Autriche, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie, avaient également annoncé des plans pour leurs propres taxes sur les services numériques. Et, malgré les représailles américaines contre la nouvelle taxe française sur les géants du numérique déjà en vigueur, le Premier ministre britannique Boris Johnson a déclaré qu’il comptait bien instaurer en Grande-Bretagne une taxe similaire, qui viserait essentiellement les groupes américains. Maintenant, nous apprenons de la presse espagnole que Madrid poursuivra la création d'une taxe sur certains services numériques, dite "taxe Google", dès qu'un gouvernement sera formé, selon des sources de l'exécutif intérimaire.
Selon les sources, l'objectif est de faire entrer le système « dans le XXIe siècle » en imposant une taxe de 3 % sur les géants technologiques tels qu'Amazon, même si la taxe pourrait cependant susciter la colère des États-Unis, qui se sont déjà engagés à appliquer des droits de douane punitifs de 100 % sur une liste de produits en provenance de la France.
En effet, après son enquête, le bureau du représentant américain au commerce extérieur (USTR) a conclu que l'impôt français était « incompatible avec les principes dominants de la politique fiscale internationale et constituait un fardeau inhabituel pour les entreprises américaines concernées ». Les vins mousseux, les sacs à main, les produits de luxe, la porcelaine, le savon, le beurre et plusieurs types de fromages constituent la liste de produits susceptibles d'être soumis à ce nouveau plan de droits de douane américains, qui devrait intervenir en 2020 après recueil des commentaires du public à ce propos. Cependant, cette menace ne devrait pas empêcher Madrid d’aller de l’avant avec sa taxe numérique nationale.
Toutefois, selon des sources du ministère espagnol des Finances, cette décision reviendra au prochain gouvernement espagnol, qui sera probablement une administration de coalition dirigée par le parti socialiste (PSOE) avec Unidas Podemos comme partenaire de gauche. Selon le rapport d’un quotidien espagnol, l’instauration de la "taxe Google" a été incluse dans le manifeste du PSOE avant les élections du 10 novembre. L’idée a également été souvent énoncée dans le passé par la ministre intérimaire des Finances, María Jesús Montero, pour qui, il était nécessaire de créer une taxe de ce type afin de mettre le système fiscal espagnol à jour avec les réalités du 21e siècle.
Selon les sources, comme en France, la future taxe numérique espagnole ne cible pas les entreprises en fonction de leur pays d'origine. Elles ont aussi fait valoir que l'approche idéale pour l’Espagne serait que de telles mesures soient approuvées conjointement par les pays de l'Union européenne ou de l'OCDE. Cependant, c’est seulement le mois dernier que les ministres du G20 réunis à Washington ont entamé des pourparlers sur un système international visant à taxer les géants mondiaux de la technologie dont l'Organisation de coopération et de développement économiques espère qu'il prendra effet en juin. Parce que les mesures de l’OCDE pourraient ne pas intervenir avant 2020, des pays comme la France ont déjà élaboré leur propre réglementation que Washington a qualifiée de discriminatoire à l’égard des géants américains.
Après la réponse américaine à la taxe GAFA lundi dernier, l'UE a serré les rangs en annonçant qu'elle répondrait « d'une seule voix » face aux menaces américaines. « L’Union européenne agira et réagira d’une seule voix », a déclaré Daniel Rosario, un porte-parole de la Commission européenne, mardi, ajoutant que la Commission travaillait « en étroite coordination avec les autorités françaises sur les prochaines étapes ». La secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher a également déclaré que la France « n’a pas à reculer » sur la mise en place d’une taxe visant les géants de l’Internet, « qui économiquement fait du sens, et qui est de justice fiscale…. On doit être pugnace sur ce sujet ».
Quant au Premier ministre Boris Johnson, à propos d’une future taxe numérique britannique, a déclaré mardi lors du sommet de l’OTAN : « Au sujet de la taxe sur les services numériques, je pense que nous devons regarder l’activité des grandes entreprises du numérique et les énormes revenus qu’ils réalisent dans ce pays et le montant des impôts qu’ils paient ». « Nous devons régler ça. Elles doivent fournir une contribution plus juste », a-t-il ajouté.
Les critères d’imposition des géants de la technologie prévus par l’Espagne
La taxe conçue par l'Espagne comprenait un taux d'imposition de 3 % et devrait s'appliquer à certains services numériques fournis par des géants de la technologie dont le chiffre d'affaires global dépasse 750 millions d'euros et dont les revenus en Espagne sont supérieurs à 3 millions d'euros. C’est tout comme en France, à la différence que le seuil du revenu national considéré en France est de 25 millions d’euros. Ce qui signifie que la taxe espagnole viserait beaucoup plus largement le secteur de la technologie.
Le décret espagnol définit également trois éléments imposables dans lesquels la participation des utilisateurs finaux est déterminante pour la création de valeur. Ce sont : la publicité destinée aux utilisateurs d'une interface numérique (page Web, plateforme technologique, logiciel ou réseau social) ; la fourniture d'une plateforme permettant aux utilisateurs de localiser d'autres utilisateurs pour commercer avec eux (comme Amazon) ; et enfin, la vente ou le transfert des données collectées sur les utilisateurs d'un site Web ou d’une plateforme.
« Idéalement, il y aurait un accord mondial, ou à défaut, un accord au niveau européen, mais s'il n'y a pas d'accord dans ces deux domaines, nous devrons agir au niveau national », a déclaré Nadia Calviño, ministre intérimaire de l'économie, plus tôt cette année. « Le gouvernement n'exclut pas de prendre des mesures et de s'attaquer à la mise en œuvre de cette taxe », a-t-elle ajouté.
L'administration précédente du PSOE avait déjà inclus une telle taxe dans un accord conclu en octobre 2018 avec Podemos avant l'échec de sa tentative d'adoption du budget 2019, a rapporté le quotidien. Le Cabinet du Premier ministre de l'époque, Pedro Sánchez, a approuvé un décret royal qui prévoyait de nouvelles taxes sur certains services numériques, et qui visait à collecter environ 850 millions d'euros pour les caisses de l'État, recette beaucoup plus élevé que les 500 millions d'euros annuels prévus par la taxe française. La loi avait été soumise au Congrès pour approbation, mais elle a été abandonnée après la dissolution du Parlement avant les récentes élections générales.
Avec la décision de l’UE d’agir comme un seul pays contre les représailles américaines, d’autres gouvernements pourraient éventuellement être tentés de prendre des mesures pour rendre la fiscalité plus équitable. En effet, selon une analyse du Fair Tax Mark, une organisation britannique qui certifie les entreprises pour leur bonne conduite fiscale, six des plus grandes entreprises de la Silicon Valley – Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google et Microsoft – ont affiché un « écart fiscal » combiné de plus de 100 milliards de dollars US entre 2010 et 2019. Selon les chercheurs, le gros du déficit « a presque certainement grandi hors des États-Unis », les charges fiscales étrangères ne représentant que 8,4 % des bénéfices réalisés par les entreprises à l'étranger au cours de la décennie.
Sources : El Pais
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Le , par Stan Adkens
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