L'Assemblée nationale a voté jeudi l'obligation pour les plateformes internet et moteurs de recherche de retirer en 24 heures les contenus haineux signalés par des utilisateurs, mesure clé d'une proposition de loi LREM, selon un rapport de Kulture Geek. Les députés ont adopté par 31 voix contre six et quatre abstentions l'article 1er du texte de Laetitia Avia, qui fait obligation de retrait ou le déréférencement des contenus « manifestement » illicites à Facebook, Google et les autres sous 24 heures, sous peine d'une condamnation à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros. Cet article a été inspiré d'une mesure prise en janvier 2018 par le voisin allemand qui a décidé d’appliquer une loi qui exige que les réseaux sociaux agissent rapidement pour supprimer les discours de haine, les fake news et les contenus illégaux de leur plateforme.
La loi française contre la haine en ligne vise les incitations à la haine, la violence, les discriminations, les injures à caractère raciste ou encore religieux. Une fois adoptée, elle bannira également les messages, vidéos ou images constituant des provocations à des actes de terrorisme, faisant l’apologie de tels actes ou comportant une atteinte à la dignité de la personne humaine. Sont visés aussi par cette loi les contenus constitutifs de harcèlement, proxénétisme ou pédopornographie.
Les plateformes et moteurs de recherche concernés par la nouvelle législation seront ceux dont l’activité sur le territoire français dépassera des seuils déterminés par décret. La proposition de loi prévoyait initialement un seul seuil, mais les députés ont souhaité en fixer plusieurs, pour viser également des petits opérateurs. A la veille du vote à l’Assemblée nationale, les députés ont mis en exergue dans le texte de loi le « respect de la dignité humaine » et la lutte contre l'apologie des crimes contre l'humanité, mais n'ont pas étendu le champ d'application au négationnisme, ce qui a entrainé un débat.
Les contenus haineux prospèrent dans une relative impunité en France depuis longtemps. Pour rappel, en juillet dernier, dans une note signée « ;Elders of the Internet ;», le Network Working Group de l’IETF (l’organisme chargé de l’élaboration et la promotion des standards Internet) s’est excusé pour les dérives qui ont été constatées ces dernières années sur Internet et via les médias sociaux, précisant qu’il a été « ;pris au dépourvu quand Internet est devenu l’évier pour chaque argument mal réfléchi ;».
« ;Récemment, vous avez peut-être remarqué une augmentation spectaculaire du nombre d’opprobres, d’indignations, de discours de haine et d’amertume générale sur votre média social préféré. Les Anciens de l’Internet s’excusent sans réserve pour cette perturbation ;», ont-ils écrit dans leur publication.
Le gouvernement français a décidé d’agir contre ce phénomène et le ton a été donné en mars 2018, lorsque Édouard Philippe, l’actuel Premier ministre français, a profité d’un discours au Musée national de l’histoire de l’immigration à Paris pour annoncer son plan d’action contre la diffusion de contenus à caractère haineux, raciste et antisémite sur Internet.
Le Président de la République a confié ensuite une mission sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet à Karim Amellal, écrivain et enseignant à Sciences-Po Paris, Laetita Avia, députée du parti La République en Marche LREM, et Gil Taiëb, vice-Président du Crif. Après une année de concertations, la députée LREM Laetitia Avia a remis sa proposition de loi de lutte contre la cyberhaine à son groupe politique. Annoncé le 20 février devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) par Emmanuel Macron, le texte a été examiné au mois de mai à l'Assemblée. Et dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 juillet, l’Assemblée nationale a achevé l’examen de la proposition de loi contre les propos haineux en ligne.
La nouvelle loi proposée par l’élue Lætitia Avia fait obligation aux entreprises du Web plateformes (YouTube, Facebook, etc., qualifiés par le texte d’«accélérateurs de contenus») de retirer les contenus problématiques en ligne sous peine d’amende et prévoit de punir plus sévèrement les auteurs de ces contenus. Le texte veut également fluidifier le signalement des contenus problématiques, à l’aide d’un bouton unique pour toutes les plateformes, et faciliter le blocage de sites illicites.
Selon Kulture Geek, les élus du parti LREM et du Parti socialiste ont voté jeudi pour la loi contre la haine en ligne, les centristes du MoDem majoritairement aussi, tandis que les élus de la droite se sont abstenus. Les autres groupes ont voté contre (LFI, PCF, UDI, Libertés et territoires).
Un amendement communiste qui visait à sanctionner les plateformes visées par la loi en cas de « retrait abusif » d'un contenu a été rejeté par l’Assemblée. « Pour qu'elles se protègent au maximum, le risque est grand qu'elles ratissent large », a estimé le député du parti communiste Stéphane Peu.
Philippe Latombe de MoDem a soutenu la proposition, jugeant qu'il y avait dans ce texte « une difficulté avec la liberté d'expression ». Mais Laetitia Avia a assuré que des « garde-fous » étaient prévus, qui vont être renforcés notamment par une obligation pour les plateformes de « mettre en œuvre les moyens et procédures pour s'assurer de l'absence de retraits injustifiés ». En effet, sur proposition d’un amendement du groupe Libertés et territoires, il a été prévu que les contenus illicites supprimés devront être conservés un an maximum, pour être mis à la disposition de la justice en cas de besoin.
Les députés ont également adopté hier un amendement du gouvernement qui vise à « spécialiser un parquet et une juridiction en matière de lutte contre la haine en ligne, en l'adossant au déploiement de la future plateforme de dépôt de plainte en ligne » prévue dans le cadre de la réforme de la justice. Un tribunal de grande instance sera désigné par décret pour exercer cette compétence.
Selon la ministre de la Justice Nicole Belloubet, cet amendement « vient en quelque sorte concrétiser l'édifice » construit par la proposition de loi de Laetitia Avia. En effet, la proposition était contenue dans le texte que l’élue LREM a soumis à examen, mais « va également au-delà », a souligné la ministre. Le parquet disposera d'une « compétence concurrente » sur ces sujets, a poursuivi la ministre, soulignant que les actes de cyber-haine publics comme les actes privés (SMS, etc.) pourront être concernés.
Espérons que la définition de la haine en ligne soit claire, très bien comprise et bien appliquée par les internautes, les autorités ou les tiers de confiance chargés du signalement afin de ne pas enfreindre la liberté d’Expression en ligne.
Source: Kulture Geek
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Le , par Stan Adkens
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