Aux États-Unis, TikTok se retrouve une nouvelle fois au centre d'une controverse majeure. Des législateurs américains, préoccupés par des questions de sécurité nationale, ont récemment demandé à Apple et Google de prendre des mesures drastiques contre l'application de vidéos courtes. Ils souhaitent que ces géants de la technologie soient prêts à retirer TikTok de leurs boutiques d'applications à partir du 19 janvier si l'entreprise ne se conforme pas à certaines exigences. La semaine dernière, une cour d'appel fédérale américaine a confirmé la légitimité de la loi obligeant la société chinoise ByteDance à céder TikTok aux États-Unis sous peine d'interdiction.
Les origines du conflit
TikTok, détenu par la société chinoise ByteDance, fait l'objet de préoccupations constantes au sein du gouvernement américain. Les législateurs craignent que l'application puisse collecter des données sensibles sur ses utilisateurs et transmettre ces informations au gouvernement chinois, en raison des lois strictes sur la cybersécurité en Chine.
En réponse, TikTok a insisté sur le fait qu'il a pris des mesures importantes pour protéger les données des utilisateurs américains, notamment en stockant ces informations sur des serveurs basés aux États-Unis. Cependant, ces assurances n'ont pas suffi à calmer les inquiétudes des responsables politiques.
Une nouvelle pression sur Apple et Google
En avril 2024, le président américain Joe Biden a signé le projet de loi qui oblige le chinois ByteDance à vendre TikTok à une entreprise américaine sous peine d'interdiction aux États-Unis. ByteDance avait jusqu'au 19 janvier 2025, mais l'entreprise a contesté la législation devant les tribunaux. Le PDG de TikTok, Shou Chew, avait appelé ses utilisateurs à agir pour soutenir l'application face aux législateurs américains qui cherchent à l'interdire.
Le 6 décembre 2024, la cour d'appel du district de Columbia a confirmé la validité de la loi obligeant la société mère de TikTok, ByteDance, à vendre la plateforme à un propriétaire non chinois, sous peine d'interdiction nationale. Ainsi, TikTok est donc proche d'une interdiction potentielle aux États-Unis après avoir perdu sa tentative de renversement de la législation visant les propriétaires chinois de l'application.
Aussi, dans une lettre adressée à Tim Cook (PDG d'Apple) et Sundar Pichai (PDG de Google), plusieurs membres du Congrès américain ont réclamé que les entreprises établissent un plan d'action clair pour retirer TikTok de leurs plateformes. Selon eux, TikTok représenterait une menace immédiate pour la vie privée des citoyens américains et la sécurité nationale. Ils citent notamment des rapports qui affirment que les données des utilisateurs restent accessibles depuis la Chine, malgré les garanties offertes par ByteDance.
Le représentant John Moolenaar, républicain et président de la commission, et le principal démocrate de la commission, le représentant Raja Krishnamoorthi, ont séparément exhorté le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, à vendre l'application de vidéos courtes utilisée par 170 millions d'Américains.
« Le Congrès a agi de manière décisive pour défendre la sécurité nationale des États-Unis et protéger les utilisateurs américains de TikTok contre le Parti communiste chinois. Nous demandons instamment à TikTok de procéder immédiatement à une cession qualifiée », ont écrit les législateurs.
De son côté, le ministère de la Justice a déclaré mercredi que si l'interdiction prenait effet le 19 janvier, elle « n'interdirait pas directement l'utilisation continue de TikTok » par les utilisateurs d'Apple ou de Google qui ont déjà téléchargé TikTok. Mais il a admis que l'interdiction de fournir une assistance « finira par rendre l'application inutilisable ».
TikTok a répondu jeudi que la loi, en l'absence d'une décision de justice, signifiait que TikTok disparaîtrait des magasins d'applications mobiles le 19 janvier et serait « indisponible pour la moitié du pays qui n'utilise pas encore l'application ». L'arrêt des services d'assistance « paralysera la plateforme aux États-Unis et la rendra totalement inutilisable ».
Le sénateur républicain Josh Hawley a déclaré dans une interview qu'il espérait que ByteDance vendrait TikTok parce que la loi ne laisse aucune marge de manœuvre. « La loi est ce qu'elle est », a déclaré Hawley. « Le principal problème est qu'elle [TikTok] est soumise à la surveillance de la Chine, de Pékin, et c'est bien là le problème ».
Cette demande intervient dans un contexte où les tensions entre Washington et Pékin s’intensifient. Pour de nombreux législateurs américains, bannir TikTok serait une étape cruciale pour limiter l'influence de la Chine sur le marché numérique américain.
Les implications pour Apple et Google
Si Apple et Google sont obligés de se conformer à ces demandes, cela pourrait avoir des répercussions importantes. TikTok compte des millions d'utilisateurs aux États-Unis, et son retrait des App Store pourrait provoquer une réaction de mécontentement de la part du public, en particulier parmi les jeunes générations qui utilisent massivement la plateforme.
De plus, ces entreprises devront faire face à des questions complexes concernant la régulation des contenus et leur rôle en tant que gardiens des écosystèmes numériques. Un précédent pourrait également être créé, ouvrant la porte à de nouvelles pressions pour bannir d'autres applications.
TikTok estime qu'une injonction éviterait d'énormes pertes aux parties prenantes
TikTok affirme que la loi obligeant ByteDance à céder l'activité américaine de l'application viole le premier amendement de la constitution, mais a perdu son combat juridique. Selon l'application, l'octroi de l'injonction temporaire garantirait que « TikTok et les entreprises américaines ne subissent pas de dommages irréparables du fait d'une interdiction temporaire si la Cour suprême des États-Unis annule la loi ou si Donald Trump décide de ne pas l'appliquer ».
Entre-temps, selon TikTok, les États-Unis ne seraient pas confrontés à une « menace imminente » de préjudice, car ils ont déjà fait traîner « arbitrairement » la mise en œuvre de la loi en fixant un délai de 270 jours avant de l'appliquer. Les États-Unis se disent prêts à s'opposer à l'injonction. Dans une lettre, le ministère américain de la Justice (DOJ) a expliqué que « la Cour avait déjà définitivement rejeté les revendications constitutionnelles des requérants ».
Le ministère américain de la Justice ajouté qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre la procédure avant de rejeter la demande injonction. Si le tribunal rejette la demande d'injonction, TikTok a déclaré qu'il prévoit de demander immédiatement une injonction à la Cour suprême des États-Unis. C'est en partie pour cette raison que TikTok souhaite que le tribunal de première instance accorde cette injonction, par respect pour la juridiction supérieure.
TikTok affirme : « à moins que cette Cour n'accorde une mesure provisoire, la Cour suprême sera contrainte de résoudre une demande d'injonction d'urgence sur cette question constitutionnelle importante dans quelques semaines seulement (et pendant les vacances, qui plus est) ». Le DOJ, quant à lui, a fait valoir que c'est précisément la raison pour laquelle le tribunal de première instance devrait rapidement rejeter la demande d'injonction de TikTok.
« Une décision rapide de cette Cour rejetant les requêtes des pétitionnaires, sans attendre la réponse du gouvernement, serait appropriée pour maximiser le temps disponible pour l'examen des soumissions des pétitionnaires par la Cour suprême », indique le DOJ.
La position de Donald Trump sur le sujet reste floue
Le réseau social a prévenu qu’une interdiction américaine aurait non seulement un impact sur les utilisateurs américains de TikTok, mais aussi sur « des dizaines de millions » d’utilisateurs dans le monde dont le service pourrait être interrompu si TikTok devait couper les utilisateurs américains. Et une fois que TikTok aura perdu ces utilisateurs, il est impossible de savoir s’ils reviendront un jour, même si TikTok remporte une bataille juridique qui s’éternise.
Pour les utilisateurs de TikTok, une injonction accordée à ce stade offrirait une lueur d’espoir quant à la survie de TikTok en tant que plateforme privilégiée pour la liberté d’expression et source irremplaçable de revenus. Mais pour TikTok, l’injonction serait probablement un tremplin, car le chemin le plus rapide pour assurer son avenir semble consister de plus en plus à faire appel à Donald Trump.
Donald Trump a donné une réponse obscure à la question de Kristen Welker, de la chaîne NBC, qui lui demandait s'il protégerait TikTok contre une interdiction lors de l'interview Meet the Press. Il n'a pas dit qu'il sauverait TikTok d'une interdiction, mais il a semblé laisser entendre que ByteDance devrait la vendre.
Kristen Welker a demandé à Donald Trump ce qu'il comptait faire après l'échec de l'appel de ByteDance : « un tribunal fédéral a confirmé une loi qui pourrait entraîner l'interdiction de TikTok. Vous avez dit que vous alliez sauver TikTok dès votre entrée en fonction. Allez-vous prendre des mesures pour le protéger ? ».
Donald Trump a fait l'éloge de l'utilisation de TikTok par sa campagne avant de détourner la question. Sa position est floue depuis qu'il a commencé à se positionner à l'opposé du soutien de l'administration Biden en faveur d'une interdiction, une mesure qu'il avait préconisée lors de son dernier mandat.
Les prochaines étapes
TikTok pourrait encore chercher à négocier avec les autorités américaines pour éviter une interdiction totale. ByteDance a récemment proposé des initiatives, comme le projet "Texas", visant à renforcer la sécurité des données des utilisateurs américains en collaboration avec des entreprises locales. Cependant, les législateurs restent sceptiques face à ces efforts.
En attendant, les yeux sont rivés sur Apple et Google, qui devront prendre une décision difficile. Le retrait de TikTok pourrait être un tournant majeur dans la manière dont les applications sont régulées à l'avenir, non seulement aux États-Unis, mais aussi dans d'autres démocraties préoccupées par la cybersécurité et la souveraineté numérique.
Conclusion
La bataille entre TikTok et le gouvernement américain reflète des enjeux bien plus larges : la rivalité technologique et économique entre les États-Unis et la Chine, et la question de la souveraineté numérique à l'ère des données. Alors que la date du 19 janvier approche, les acteurs impliqués devront naviguer dans une situation politiquement et économiquement délicate. Cette affaire pourrait bien redéfinir les règles du jeu dans le monde numérique.
Source : lettres aux PDG de TikTok, Apple et Google suite à la décision de la DC Circuit Court
Et vous ?
Les préoccupations de sécurité nationale invoquées contre TikTok sont-elles justifiées ou exagérées ?
Si TikTok est banni, cela ouvrira-t-il la voie à des restrictions similaires pour d'autres applications étrangères ?
Cette demande des législateurs américains est-elle une décision motivée par des raisons de sécurité ou par la rivalité économique avec la Chine ?
Quel serait l’impact économique d’une interdiction de TikTok sur ByteDance, mais aussi sur les créateurs de contenu et les entreprises qui dépendent de la plateforme ?
Le bannissement de TikTok pourrait-il inciter la Chine à adopter des mesures de rétorsion contre des entreprises américaines opérant en Chine ?
Les législateurs américains demandent à Apple et Google d'être prêts à retirer TikTok des magasins d'applications le 19 janvier
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Les législateurs américains demandent à Apple et Google d'être prêts à retirer TikTok des magasins d'applications le 19 janvier
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Le , par Stéphane le calme
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