L'Assemblée nationale a approuvé ce mercredi une disposition clé du projet de loi justice donnant la possibilité aux services de renseignement d'activer à distance des téléphones portables pour écouter et filmer à leur insu des personnes visées dans certaines enquêtes. Les députés ont approuvé l'article par 80 voix contre 24. Les députés du camp présidentiel, de LR et du RN ont voté pour. Ceux de la Nupes ont voté contre, comme le président du groupe Liot, Bertrand Pancher.
Le Sénat avait déjà adopté en première lecture, mercredi 7 juin 2023, ce texte porté par le groupe Les Républicains. Cette mesure est autorisée pour les enquêteurs dans deux cas possibles : soit pour géolocaliser une personne, soit pour réaliser des captations de sons et d’images (des écoutes).
La géolocalisation est autorisée sur requête du procureur de la République, ou du juge d’instruction, pour des affaires relatives à un crime ou à un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement, tandis que les écoutes pourront être autorisées par un juge dans des enquêtes relevant du terrorisme ou du crime organisé.
Le Sénat, lors de son vote, a voulu circonscrire cette mesure aux crimes et délits passibles de 10 ans d'emprisonnement, mais l'Assemblée nationale est revenue à la version du gouvernement.
La gauche a tenté sans succès de supprimer totalement ou partiellement des dispositions jugées « disproportionnées ». « L’atteinte est particulièrement grave, car la captation concerne aussi des personnes tierces. Le suspect va prendre son portable dans le métro. Toutes les conversations autour seront alors captées. Pareil, s’il va au restaurant. Toute conversation dans l’espace public est alors sous écoute », avait averti le sénateur écologiste, Guy Benarroche en défendant un amendement de suppression de ces dispositions. C'est « la porte ouverte à une surveillance généralisée», a-t-il affirmé.
Toutefois, pour le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, il n'y a pas de raison de s'affoler vu qu'il s'agit de techniques déjà autorisées. Il affirme que les forces de l’ordre utilisent déjà des techniques de surveillance et de mise sur écoute, comme la pose de balises sous une voiture ou de mouchards sur les suspects. Mais « la crainte d’attirer l’attention des délinquants faisant l’objet d’enquête pour des faits de criminalité organisée, de révéler la stratégie établie ou tout simplement parce qu’elle exposerait la vie des agents chargée de cette mission » justifie la mise en place de ces nouveaux outils. « L’idée est de faire prendre le moins de risques possible aux officiers de police judiciaire, de les protéger », a-t-il argumenté.
D'ailleurs, ces mesures sont « entourées de garanties importantes », a assuré le ministre, Éric Dupond-Moretti. Il a également rappelé que ces techniques étaient subordonnées à l’autorisation d’un juge.
En commission, les députés ont essayé de renforcer ces « garde-fous » avec davantage de professions « protégées » de ces techniques d’enquête : médecins et journalistes s’ajoutant aux avocats, magistrats et parlementaires. La France insoumise (LFI), si opposée à la mesure dans son ensemble, a toutefois fait retirer par amendement les huissiers et notaires des professions « protégées », estimant qu’il n’y avait pas de raison valable qu’elles le soient, et pas le reste de la population.
Si l'examen du projet de loi poursuit son cours jusqu'à la fin de la semaine prochaine, il n'y aura probablement pas de surprise en ce qui concerne son adoption définitive. Malgré les protestations de la gauche contre un risque d’écoute généralisée, la majorité des parlementaires estime qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter de cette disposition controversée du projet de loi de programmation pour la justice.
Source : Assemblée nationale
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