Le projet de législation de l'Union européenne soulève la possibilité que les applications préinstallées par les sociétés technologiques comme Google et Apple soient limitées en Europe. Les consommateurs se verraient plutôt offrir la possibilité de les installer, ce qui créerait des conditions plus équitables entre ces géants et les développeurs tiers proposant des applications concurrentes. L'idée est de limiter la manière dont ces entreprises utilisent leur pouvoir existant pour favoriser leurs propres services, les règles proposées devant obliger les géants de la technologie à partager leurs données avec leurs rivaux, selon le quotidien le Financial Times.
Google, Facebook, Amazon, Apple et d'autres géants américains de la technologie pourraient se voir interdire de favoriser leurs services ou de forcer les utilisateurs à s'abonner à un ensemble de services en vertu d'un projet de règles européennes visant à limiter leur pouvoir.
Baptisée "Digital Services Act", cette nouvelle loi obligera ces entreprises à partager des données clients avec d'autres entreprises technologiques, tant qu'elles voudront les utiliser pour leurs propres besoins commerciaux. La loi limitera également la quantité de données que les entreprises seront autorisées à collecter et à utiliser auprès des utilisateurs professionnels. Par exemple, une plateforme publicitaire ne sera pas autorisée à utiliser les données des clients pour autre chose que ses services publicitaires.
Le changement le plus important, si la loi est adoptée, sera la limitation de l'autorisation donnée aux plateformes de préinstaller des applications sur leurs téléphones et ordinateurs. Bien que ce projet n'en soit qu'à ses débuts et que sa forme finale puisse être différente, un tel changement pourrait signifier que les fabricants de smartphones, d'ordinateurs et même de consoles ne seraient pas autorisés à préinstaller des logiciels ou seraient contraints d'autoriser la désinstallation de leurs logiciels préinstallés.
Comme l’a publié le Financial Times : « Le projet recommande d'interdire aux grandes entreprises technologiques de favoriser leurs propres services sur leurs sites Web ou plateformes, au détriment de leurs concurrents, qui ne devraient pas être autorisés à préinstaller leurs propres applications sur des gadgets matériels, tels que des ordinateurs portables ou des téléphones, ou de forcer d'autres entreprises à préinstaller uniquement leurs logiciels.
Par ailleurs, Bruxelles souhaite que les grandes plateformes permettent aux utilisateurs de désinstaller toute application préinstallée sur des gadgets tels que les téléphones portables et les ordinateurs, selon le projet, qui en est encore à ses débuts ».
Thierry Breton, commissaire français au marché intérieur, aurait informé le Financial Times au début de ce mois que l'UE préparait une liste noire de comportements que les plateformes dites "gatekeeper" (gardiennes) seraient tenues d'éliminer de leurs pratiques de services.
Les "gatekeeper", ces entreprises qui exercent un pouvoir considérable puisqu'elles gèrent les sites Web ou les marchés que d'autres utilisent pour opérer, devraient pouvoir utiliser les données qu'elles recueillent pour des fonctions étroites. « Les gatekeepers ne doivent pas utiliser les données reçues des utilisateurs professionnels pour des services de publicité à d'autres fins que le service de publicité », selon le projet vu par le Financial Times.
La Commission européenne adopte une ligne dure à l'égard des géants technologiques américains, en partie à cause des affaires d'antitrust qui ont abouti à des décisions qui n'ont pas réussi à stimuler la concurrence en raison de la longueur du processus qui prend généralement plusieurs années. L'affaire est maintenant devenue urgente en raison de la dépendance de milliers d'entreprises européennes à l'égard de ces géants américains pour leurs activités.
Cette loi pourrait changer à jamais le mode de fonctionnement des téléphones Apple et Google
La nouvelle législation de l’UE vise à freiner la domination des grandes entreprises technologiques sur leurs propres plateformes, mais on peut imaginer qu'elles n'en seraient pas satisfaites. De nombreux appareils, tels que le Google Pixel, sont principalement achetés par des clients en raison de leur expérience des logiciels de première main. Le fait de ne pas être autorisé à préinstaller leurs propres applications et services n'inciterait guère de nombreuses entreprises à investir autant dans leurs plateformes.
Comme l’a noté 9to5Mac, Apple a rendu impossible la suppression des applications préinstallées pendant des années, mais a finalement cédé en 2017 avec la sortie de l'iOS 11. Les propriétaires d'iPhone et d'iPad peuvent maintenant supprimer la plupart des applications Apple en stock, tant que cela n'affecte pas les fonctionnalités fondamentales de l'appareil, comme la suppression de l'App Store. Apple a également ajouté une nouvelle fonctionnalité dans iOS 14 qui permet aux utilisateurs de modifier les applications de messagerie et de navigation par défaut.
Il n'est pas certain que ces concessions soient suffisantes pour satisfaire à la potentielle législation, mais il semble que le fait d'obliger Apple (ou tout autre fabricant d'appareils) à livrer un téléphone, une tablette ou un ordinateur sans aucune application ni service pourrait être tout aussi problématique pour l'utilisateur final que pour l'entreprise en question. Bien sûr, avoir plus de choix serait bien, mais cela revient à dire que votre prochain iPhone sera livré sans l'App Store par défaut.
Bien que la nouvelle loi rende le marché plus équitable pour les développeurs tiers, Apple fera bien sûr valoir que les applications préinstallées font partie de l'expérience iPhone et qu'une grande partie des raisons pour lesquelles les gens choisissent les appareils Apple est l'étroite intégration entre le matériel et les logiciels.
Par ailleurs, l’UE parle de ces règles alors qu'Apple et Google se disputent avec les développeurs sur la façon dont ils exploitent leurs boutiques d'applications, deux énormes marchés pour les entreprises tierces. Le dernier combat juridique en cours concernant Apple l’oppose à Epic Games, l’éditeur du jeu populaire Fortnite, concernant la formule de paiement in-app et la commission de 30 % du magasin en ligne du fabricant d’iPhone. De nombreuses autres sociétés, comme Facebook, Microsoft, Spotify se sont plaints des pratiques commerciales d’Apple.
Jusqu'à présent, les développeurs pouvaient éviter la commission de 30 % qui accompagne l'utilisation du système de paiement intégré de Google en demandant aux utilisateurs de saisir directement sur leur propre site Web les détails de leur carte. Mais Google a déclaré dans un billet de blog à la fin du mois dernier qu'il allait combler une lacune qui permet aux grands développeurs comme Netflix et Spotify d'éviter de payer cette commission à partir de l’option de paiement intégré du propriétaire de Play Store.
Une autre clause de la législation interdirait aux gatekeepers de bloquer les rivaux qui proposent leurs produits à des clients en dehors de la plateforme ou des services des gatekeepesr, une mesure qui affecterait Apple et Google avec leurs règles restrictives de l'app store et de paiement. Les règles soumettraient également les gatekeepers à des audits annuels de leurs mesures publicitaires et de leurs pratiques de reporting.
Les régulateurs européens seraient également préoccupés par le fait que les actions antitrust contre les géants de la technologie pourraient avoir un impact limité. Ils affirment que certaines entreprises sont « trop grandes pour s'en soucier » et qu'elles se contenteront de faire traîner les litiges pendant des années, sachant qu'elles n'auront probablement pas à faire de concessions majeures.
Dans sa phase actuelle, la loi est également vague quant à l'impact qu'elle pourrait avoir sur la capacité de ces entreprises à inclure leurs propres méthodes de distribution d'applications dans leur magasin en ligne, étant donné qu'il s'agit également de logiciels techniquement préinstallés. L'UE a ouvert une longue consultation publique destinée à déterminer les priorités de la législation. Les consommateurs et les entreprises peuvent y répondre.
« Tout devrait être désinstallable. Même les applications de première partie, puisque vous pouvez toujours aller les retélécharger », selon un commentateur. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Sources : The Financial Times, Consultation publique
Et vous ?
Que pensez-vous de cette nouvelle législation de l’UE ?
Pensez-vous que tout devrait être désinstallable sur les téléphones et ordinateurs ?
Pensez-vous que l’UE parviendra à imposer aux géants de la technologie l’ensemble des mesures proposées dans le projet de loi ?
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L'UE veut limiter les applications qu'Apple et Google préinstallent sur votre téléphone,
De sorte que vous ayez le choix de les installer vous-mêmes
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Le , par Stan Adkens
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