La France et l'Union européenne ont déploré mardi les menaces de sanctions américaines sur des produits français, en réponse à l’instauration d’une taxe française sur les géants du numérique. L’UE a fait savoir hier qu’elle « agira d’une seule voix » et qu'elle était prête à riposter si le président américain Donald Trump mettait en exécution ses plans d'imposer des droits allant jusqu'à 100 % sur les importations de champagne, de sacs à main et d'autres produits français pour une valeur de 2,4 milliards de dollars, a rapporté Reuters.
L’annonce faite par les autorités américaines d’imposer des droits punitifs sur les produits de luxe, les vins mousseux et autres produits français, lundi soir, fait suite à une enquête ouverte en juillet dernier par le représentant américain au Commerce (USTR) concluant que cette législation française dite taxe Gafa (en référence aux géants américains Google, Apple, Facebook et Amazon) porte préjudice aux entreprises américaines. Le rapport d’enquête a aussi révélé que l’impôt français sur les services numériques était « incompatible avec les principes dominants de la politique fiscale internationale », nuirait aux entreprises technologiques américaines et aggraverait un conflit commercial entre l'Europe et les États-Unis.
Lors du sommet de l’OTAN qui s’est tenu mardi à Londres, les présidents américain et français ont déclaré qu'ils espéraient pouvoir aplanir leurs divergences concernant la taxe sur les services numériques.
« Ce sont des entreprises américaines. Ce sont des sociétés de technologie. Ce ne sont pas mes gens préférés, mais c'est bon, je m'en moque, ce sont des entreprises américaines. Et nous voulons taxer les entreprises américaines. Ce n'est pas à quelqu'un d'autre de les taxer », a dit M. Trump. « Donc, soit ça va marcher, soit nous allons trouver une taxe mutuellement avantageuse », a-t-il ajouté, en faisant référence à la menace américaine de prélèvement sur les produits français. « Et la taxe sera substantielle. Je ne suis pas sûr qu'on en arrivera là, mais c'est possible ».
Le président américain a menacé pour la première fois de taxer les vins français en juillet, après la publication dans le journal officiel de la taxe numérique française. Il avait déclaré dans un tweet : « La France vient d'imposer une taxe numérique à nos grandes entreprises technologiques américaines. Si quelqu'un les taxe, cela devrait être leur pays d'origine, les États-Unis. Nous annoncerons sous peu une action réciproque substantielle sur la folie de Macron. J'ai toujours dit que le vin américain était meilleur que le vin français! »
Depuis New York, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a déclaré à Reuters que l'impôt français était « une notion très radicale, mettant une taxe sur les revenus par opposition à une taxe sur les bénéfices » et visait à augmenter les revenus français pour aider ses déficits budgétaires.
« D'autres pays feraient mieux d'essayer de développer leur propre technologie, plutôt que d'essayer de pénaliser les entreprises américaines pour leurs succès », a-t-il dit à Reuters, ajoutant que c'était une pratique « étrange et peut-être dangereuse » de taxer les revenus plutôt que les bénéfices.
Selon Reuters, cette crise marque un nouveau tournant dans les relations déjà tendues entre Trump et Macron, qui ont été en désaccord sur l'approche unilatéraliste des Américains à l'égard du commerce, du changement climatique et de l'Iran. Par ailleurs, Reuters a rapporté que M. Trump a critiqué les alliés européens, un peu plus tôt mardi, en pointant du doigt le président Macron pour ses commentaires « très désagréables » décrivant l'alliance de l'OTAN comme étant « en état de mort cérébrale ».
L’Union européenne « agira d’une seule voix » face aux menaces américaines contre les produits français
La France et l’Union européenne ne comptent pas laisser les Américains mettre à exécution leurs menaces en début 2020 sans rien faire.
« L’Union européenne agira et réagira d’une seule voix », a déclaré Daniel Rosario, un porte-parole de la Commission européenne, mardi, ajoutant que la Commission travaillait « en étroite coordination avec les autorités françaises sur les prochaines étapes ». La Commission européenne, l'exécutif de l'UE, a ajouté que le meilleur endroit pour régler les différends était l'Organisation mondiale du commerce.
Pour rappel, le mois dernier, les ministres du G20 réunis à Washington ont entamé des pourparlers sur un système international visant à taxer les géants mondiaux de la technologie dont l'Organisation de coopération et de développement économiques espère qu'il prendra effet en juin. Par ailleurs, Washington et Paris avaient trouvé un compromis en août, lors d'un sommet du G7 en France, pour que la France rembourse aux entreprises américaines la différence entre l'impôt français et le nouveau mécanisme en cours d'élaboration par l'OCDE.
Paris a également réagi à la menace américaine en exprimant l’espoir d’une « riposte forte » européenne. Le ministre des Finances Bruno Le Maire a promis une « forte » riposte européenne en cas de sanctions, face à la menace des Etats-Unis de surtaxer certains produits français. « Le simple projet, qui pourrait s’appliquer d’ici 30 jours, de nouvelles sanctions contre la France, c’est inacceptable », a affirmé M. Le Maire sur Radio Classique. « Ce n’est pas le comportement que l’on attend des Etats-Unis vis-à-vis de l’un de ses principaux alliés, la France, et d’une manière générale l’Europe », a continué le ministre.
En octobre dernier, les États-Unis avaient déjà imposé des droits de 25 % sur les vins et fromages français dans le cadre de leur réponse après la sanction de l'OMC contre les subventions illégales accordées par l'UE aux avions. Et si ces dernières menaces sont mises en œuvre, elles pénaliseraient les consommateurs américains tout en nuisant gravement aux producteurs français.
Assis à côté du président Trump lors du sommet, le président Macron a déclaré : « Je suis déterminé à défendre les intérêts de mon pays et de l'Europe ».
Les actions des entreprises françaises visées par les droits de douane ont chuté
L'USTR a déclaré qu'elle recueillerait les commentaires du public jusqu'au 14 janvier sur sa liste de tarifs proposée ainsi que l'option d'imposer des frais ou des restrictions aux services français. Une audience publique est prévue pour le 7 janvier. Ce qui signifie que les produits français visés par la liste ne seront pas confrontés à des tarifs douaniers dans l'immédiat. Cependant, l’annonce de la menace tarifaire contre le champagne, les sacs à main, les fromages et les produits de maquillage français a entrainé la chute des actions des entreprises françaises de luxe.
Hermes, société française de produits de luxe a baissé d'environ 2,8 %, tandis que LVMH et Kering, aussi dans l’industrie de l'industrie du luxe, ont baissé respectivement de 1,7 % et 2,8 %. Le producteur de champagne Vranken Pommery a baissé de 2,4 %.
Mais la France « n’a pas à reculer » sur la mise en place d’une taxe visant les géants de l’Internet, a déclaré la secrétaire d’Etat à l’Economie Agnès Pannier-Runacher sur Sud Radio. « Il est très clair que nous n’avons pas à reculer par rapport à un sujet qui économiquement fait du sens, et qui est de justice fiscale (…) on doit être pugnace sur ce sujet », a-t-elle indiqué, tout en rappelant que cette taxe « n’est pas dirigée contre les plateformes numériques américaines », mais s’applique également aux plateformes françaises.
Sources : Reuters
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Le président Trump a dit que c’est aux USA d’imposer les entreprises américaines de technologie, et non à quelqu’un d’autre. Qu’en pensez-vous ?
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Le , par Stan Adkens
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