M. Gates a exprimé sa position lors d’un entretien avec Bloomberg. Au cours des échanges, il a déclaré qu'il est préférable de réglementer les grandes entreprises de la technologie, car pour lui, les démanteler conduira tout simplement faire en sorte que deux nouvelles entreprises adoptent un mauvais comportement.
« Je ne sais pas la dernière fois qu'une entreprise a été démantelée... mais il faut vraiment se demander si la meilleure chose à faire si l'on veut se débarrasser du comportement d'une entreprise, c'est de le faire. Ensuite, vous devriez simplement dire : " Hé, d'accord, c'est un comportement interdit " », a dit M. Gates. Il a ajouté que « Séparer une entreprise en deux et avoir deux entités qui font la mauvaise chose, vous savez que cela ne semble pas être une solution ».
En effet, s’agissant des lois antitrust, Bill Gates en sait quelque chose, car Microsoft a esquivé un désinvestissement forcé après ses batailles des années 1990 avec le ministère de la Justice. Aussi, la menace de voir son entreprise être dissoute comme AT&T en 1984 est réelle, un vaste examen antitrust de la Big Tech ayant été engagé par le ministère américain de la Justice en juillet.
Concernant l’expérience de son entreprise en 1990, Bill Gates a dit lors de l’interview : « J'étais naïf à ce sujet, mais c'était il y a longtemps et je n'avais pas réalisé qu'avec le succès de Microsoft, nous serions soumis à un examen minutieux et nous avons passé en revue nos activités dans les années 1990, ce qui nous a rendus plus réfléchis à ce genre d'activité ».
La précédente fois que le cofondateur de Microsoft a parlé publiquement de l'industrie du logiciel que son entreprise dominait autrefois plus complètement, c’était lors d’un entretien accordé à Village Global, une société de capital-risque. Exprimant son regret que Microsoft ait raté l'occasion de faire Android, il a déclaré en juin dernier que le monde du logiciel était un marché du « vainqueur-prend-tout ». Voici ce qu’il avait déclaré à ce propos :
« Dans le monde des logiciels, et en particulier dans celui des plateformes, les règles du « vainqueur-prend-tout » s’appliquent. Ainsi, ma plus grande erreur a été la mauvaise gestion du secteur de la téléphonie mobile, qui a conduit Microsoft à ne pas faire ce qu'Android est aujourd’hui… Nous y étions déjà avec de nombreuses applications, peut-être 90 % du total, et nous étions sur la bonne voie pour mener à bien la mission. Il y avait de la place pour créer et gérer une plateforme mobile de 400 milliards de dollars, chiffre qui aurait été attribué à Microsoft et non à Google ».
Cette dernière intervention de Bill Gates s’est fait dans un contexte où les géants de la technologie font l’objet d’un vaste examen anticoncurrentiel annoncé par le ministère de la Justice en juillet dernier. L’examen du DoJ porte sur « la question de savoir si et comment les plateformes en ligne, leaders sur le marché, ont acquis un pouvoir de marché et se livrent à des pratiques qui ont réduit la concurrence, étouffé l'innovation ou causé d'autres préjudices aux consommateurs », selon un communiqué du ministère.
50 États et territoires américains ont également annoncé, plus tôt ce mois, une vaste enquête antitrust sur Google concernant les pratiques commerciales de l’entreprise, leader mondial dans la recherche et la publicité en ligne. Un peu plus tôt, une coalition d’États a également annoncé une enquête contre Facebook pour enquêter sur le monopole et la domination de l’entreprise dans l'industrie des réseaux sociaux.
Lors de l’entretien avec Bloomberg, M. Gates a aussi dit qu’il revient aux entreprises de technologie qui font face à l'impact des médias sociaux d'exiger des changements et aux gouvernements de les mettre en œuvre. « Le gouvernement doit vraiment parler de ce que devraient être ces règles. On pourrait dire que je suis partial, mais je considère qu'il s'agit d'entreprises bien intentionnées et très innovatrices. C'est à la société de s'assurer que son innovation n'a pas d'effets secondaires négatifs », a-t-il dit.
Les appels au démantèlement des géants de la technologie durent depuis plusieurs mois
Elizabeth Warren, candidate à la présidence pour 2020 aux États-Unis, a proposé plus tôt cette année de démanteler les géants de la Silicon Valley au nom de la concurrence, une fois qu’elle sera élue, en mettant l'accent sur les acquisitions de Diapers.com et de Zappos par Amazon, et sur l'acquisition de DoubleClick et Nest par Google.
Selon Reuters, la proposition ambitieuse de la sénatrice imposerait de nouvelles règles à certaines plateformes numériques dont le chiffre d'affaires annuel s'élève à 25 milliards de dollars ou plus, ce qui forcerait Amazon et Google à se séparer de certaines parties de leurs entreprises et à abandonner leur contrôle écrasant sur le commerce en ligne. « Les géants n'ont pas le droit de racheter la compétition. La compétition a besoin d'avoir l'occasion de s'épanouir et de grandir », avait-elle dit en mars lors d’un événement de sa campagne.
Quelques semaines après l’annonce de la grande enquête antitrust lancée par le ministère de la Justice sur ces entreprises, le président de la FTC avait dit que démanteler une entreprise posait problème, mais qu'il pourrait être le bon remède pour maîtriser les entreprises dominantes et rétablir la concurrence. « Si vous devez le faire, vous le faites », avait déclaré Simons à propos de la dissolution des sociétés de technologie.
Tim Berners-Lee a aussi estimé que les géants de la technologie de la Silicon Valley tels que Facebook et Google étaient devenus tellement dominants qu’ils ont peut-être besoin d’être démantelés, à moins que des challengers ou des changements de goût ne réduisent leur influence. « Ce qui se produit naturellement, c’est que vous vous retrouvez avec une société qui domine le secteur. À travers l’histoire, il n’y a pas eu d’autre solution que de véritablement intervenir et casser des choses. Il y a un danger dans cette concentration », avait-il déclaré lors d’un entretien avec Reuters en novembre 2018.
M. Gates a aussi récemment déclaré au Financial Times que le désinvestissement des combustibles fossiles n'a eu aucun impact sur les émissions.
« Jusqu'à présent, le désinvestissement a probablement permis de réduire d'environ zéro tonne les émissions de gaz à effet de serre », a-t-il déclaré au quotidien britannique. « Ce n'est pas comme si vous aviez privé de capital les gens qui fabriquaient de l'acier et de l'essence », a-t-il dit avant d’ajouter que « Je ne connais pas le mécanisme d'action où le désinvestissement empêche les émissions d’augmenter chaque année. Je suis juste trop numérique ».
Reste à voir si cet appel, qui est juste venu au bon moment – pendant que les autorités ont décidé de passer au peigne fin les pratiques de la Big Tech –, sera entendu pour que Microsoft les autres restent en un seul morceau.
Sources : Vidéo Youtube
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