TikTok bientôt sous tutelle aux États-Unis : sous pression de Trump, l'entreprise signe des accords pour céder ses actifs américainsà un consortium dirigé par Oracle, un changement de gouvernance est prévu pour janvier
Après des années de tensions géopolitiques, de menaces d’interdiction et de bras de fer réglementaires, TikTok semble enfin sur le point de tourner une page décisive de son histoire aux États-Unis. Selon plusieurs sources concordantes, un accord de création d’une coentreprise américaine, impliquant notamment Oracle et le fonds d’investissement Silver Lake, doit être finalisé dès le mois de janvier. La date du 22 janvier est désormais évoquée comme le moment clé où TikTok U.S. changera officiellement de gouvernance, dans une opération valorisée autour de 80 milliards de dollars.
Ce dossier, suivi de près par les autorités américaines depuis l’administration Trump, est devenu emblématique des tensions entre Washington et Pékin sur la souveraineté numérique, la sécurité des données et le contrôle des grandes plateformes technologiques.
Contexte
Après des années de bras de fer réglementaire, ByteDance, la société mère chinoise de TikTok, a signé des accords contraignants pour céder le contrôle de ses activités américaines à un consortium dirigé par Oracle Corp., le géant du capital-investissement Silver Lake et le fonds d'investissement MGX d'Abu Dhabi. L'accord, qui doit être conclu le 22 janvier 2026, crée une nouvelle entité appelée TikTok USDS Joint Venture LLC, transférant un peu plus de 80 % des actifs américains de l'application à des propriétaires américains et évitant ainsi une interdiction nationale qui menaçait.
Le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a confirmé cette étape importante dans une note interne adressée au personnel dans laquelle il indique que ByteDance et TikTok ont signé avec les trois investisseurs gestionnaires. Oracle supervisera la protection et la sécurité des données, tandis que l'algorithme de recommandation sera réentraîné exclusivement sur les données des utilisateurs américains afin de répondre aux préoccupations en matière de sécurité nationale. Cette décision fait suite à d'intenses négociations sous l'administration du président Donald Trump, s'appuyant sur une loi de 2024 imposant la cession ou l'interdiction.
Genèse d'un accord géopolitique dans le domaine technologique
Les prémices de cet accord remontent à 2020, lorsque Donald Trump, qui en était à son premier mandat, a pour la première fois cherché à imposer une vente, craignant que le gouvernement chinois n'accède aux données des utilisateurs américains. Relancées sous son administration actuelle, les négociations se sont accélérées en septembre 2025, les premiers rapports faisant état d'une participation de 80 % pour Oracle, Silver Lake et Andreessen Horowitz. Les mises à jour ultérieures ont affiné la liste des investisseurs, élevant MGX, un véhicule du fonds souverain d'Abu Dhabi, au rang d'acteur clé aux côtés des entreprises américaines.
En septembre, les responsables de la Maison Blanche ont annoncé ce cadre, précisant que Trump signerait un décret confirmant le respect des exigences en matière de cession. Les publications sur X des observateurs du secteur ont fait écho à cette dynamique, soulignant le rôle d'Oracle dans le stockage des données sur les serveurs texans et le contrôle américain de l'algorithme. La structure du consortium garantit que six des sept sièges du conseil d'administration reviennent à des Américains, conformément aux informations communiquées précédemment.
Un accord signé pour céder ses actifs américains
TikTok a signé l'accord soutenu par le président Donald Trump visant à céder ses actifs américains afin de créer une nouvelle entité avec un groupe d'investisseurs principalement américains, a déclaré jeudi le PDG Shou Chew à ses employés dans une note de service.
Bien que la transaction ne soit pas encore finalisée, cette décision permet à TikTok de faire un pas de plus vers la sécurisation de son avenir à long terme aux États-Unis. Elle fait suite à une loi adoptée l'année dernière qui exigeait que la version américaine de l'application soit cédée par sa société mère, ByteDance, ou interdite aux États-Unis. Trump a reporté à plusieurs reprises l'application de la loi afin de conclure un accord visant à transférer le contrôle de l'application populaire à des propriétaires américains.
« Nous avons signé des accords avec des investisseurs concernant une nouvelle coentreprise TikTok aux États-Unis, permettant à plus de 170 millions d'Américains de continuer à découvrir un monde de possibilités infinies au sein d'une communauté mondiale dynamique », a déclaré Chew dans sa note.
Une coentreprise américaine pour sortir de l’impasse politique
En vertu de cet accord, l'application américaine TikTok sera contrôlée par une nouvelle coentreprise, dont 50 % seront détenus par un consortium d'investisseurs composé de la société technologique Oracle, de la société de capital-investissement Silver Lake et de la société d'investissement MGX, soutenue par les Émirats arabes unis. Un peu plus de 30 % de la coentreprise sera détenue par « des filiales de certains investisseurs existants de ByteDance » et 19,9 % sera conservé par ByteDance, selon la note de service de Chew.
L’accord en cours de finalisation repose sur un schéma désormais familier. TikTok conserverait sa marque, son application et son algorithme, mais les activités américaines seraient logées dans une entité juridiquement distincte, contrôlée majoritairement par des investisseurs américains. ByteDance, la maison mère chinoise, verrait sa participation fortement diluée, afin de répondre aux exigences de sécurité nationale formulées par le gouvernement américain et le Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS).
Oracle jouerait un rôle central dans cette nouvelle architecture. Déjà partenaire technologique de TikTok pour l’hébergement des données américaines dans le cadre du projet Texas, le groupe de Larry Ellison renforcerait sa position en devenant un pilier industriel et financier de TikTok U.S. Silver Lake, de son côté, apporterait une expertise financière et stratégique, consolidant un consortium d’investisseurs jugés « politiquement acceptables » par Washington.
Ce montage vise à clore un feuilleton entamé en 2020, lorsque l’administration Trump avait tenté de forcer la vente des activités américaines de TikTok sous la menace d’une interdiction pure et simple.
Chew a déclaré dans sa note de service qu'il restait encore du travail à accomplir avant que l'accord ne soit finalisé, mais que les parties s'acheminaient vers une conclusion d'ici le 22 janvier 2026. ByteDance et TikTok ont tous deux accepté les termes de l'accord, a-t-il déclaré.
Une valorisation massive malgré un contexte sous tension
La valorisation évoquée, autour de 80 milliards de dollars pour l’entité américaine, confirme le poids stratégique de TikTok sur le marché publicitaire et culturel. Malgré les critiques, les enquêtes parlementaires et la méfiance persistante vis-à-vis de la Chine, TikTok reste l’une des plateformes les plus influentes au monde, en particulier auprès des jeunes générations.
Aux États-Unis, l’application dépasse largement les 150 millions d’utilisateurs actifs et s’est imposée comme un concurrent direct de YouTube, Instagram et Snapchat. Son efficacité publicitaire, fondée sur un algorithme de recommandation redoutablement performant, explique pourquoi les investisseurs sont prêts à engager des montants aussi élevés, même dans un contexte réglementaire incertain.
Cette opération envoie également un signal fort au marché. Elle montre que, malgré la pression politique, les actifs numériques stratégiques conservent une valeur considérable, dès lors qu’un compromis institutionnel est trouvé.
Oracle, de fournisseur cloud à gardien stratégique
Le rôle d’Oracle dépasse largement celui d’un simple investisseur financier. En hébergeant les données des utilisateurs américains et en participant à la gouvernance de TikTok U.S., l’entreprise devient un acteur clé de la sécurisation et de la conformité réglementaire de la plateforme.
Ce positionnement est particulièrement intéressant pour Oracle, souvent perçu comme un géant du logiciel d’entreprise plus que comme un acteur grand public. En s’associant à TikTok, Oracle renforce sa crédibilité dans les infrastructures cloud à grande échelle et se place au cœur d’un dossier hautement stratégique, mêlant technologie, politique et soft power numérique.
Pour Washington, cette présence constitue une garantie supplémentaire. Elle permet d’affirmer que les données des citoyens américains sont soumises à des standards de gouvernance et de contrôle compatibles avec les exigences de sécurité nationale.
ByteDance contraint, mais pas totalement évincé
Si l’accord marque un recul évident pour ByteDance, il ne s’agit pas pour autant d’une expropriation totale. Le groupe chinois conserverait une participation minoritaire et continuerait d’influencer, au moins partiellement, l’évolution technologique de la plateforme.
C’est là toute l’ambiguïté du compromis trouvé. Les autorités américaines obtiennent une séparation juridique et capitalistique suffisante pour désamorcer les risques politiques immédiats, sans pour autant démanteler un produit devenu central dans l’écosystème numérique mondial. ByteDance, de son côté, accepte une perte de contrôle afin de préserver l’accès au marché américain, crucial pour la croissance et la valorisation globale du groupe.
Cette solution intermédiaire pourrait servir de modèle pour d’autres plateformes technologiques étrangères confrontées à des exigences similaires sur le sol américain ou européen.
Un précédent lourd de conséquences pour la tech mondiale
Au-delà du cas TikTok, cet accord crée un précédent majeur. Il consacre l’idée que l’accès à certains marchés stratégiques peut être conditionné à une restructuration profonde de la gouvernance et de l’actionnariat, au nom de la sécurité nationale.
Pour les professionnels de l’informatique et de la tech, ce dossier illustre la montée en puissance des considérations géopolitiques dans les architectures numériques. Hébergement des données, contrôle des algorithmes, localisation des infrastructures et nationalité des actionnaires deviennent des paramètres aussi déterminants que la performance technique ou l’innovation produit.
La finalisation attendue en janvier sera donc scrutée bien au-delà de TikTok. Elle pourrait annoncer une nouvelle ère, où les grandes plateformes mondiales devront composer avec des exigences de souveraineté de plus en plus strictes, quitte à fragmenter encore davantage l’Internet global tel qu’il a été conçu à l’origine.
Janvier, mois décisif pour l’avenir de TikTok aux États-Unis
Si le calendrier est respecté, le 22 janvier marquera la fin officielle de plusieurs années d’incertitude pour TikTok aux États-Unis. Pour les utilisateurs, le changement sera probablement invisible. Pour les investisseurs, les régulateurs et l’ensemble de l’industrie technologique, il s’agira en revanche d’un tournant majeur.
Ce dossier rappelle une réalité désormais incontournable. La technologie n’évolue plus dans un vide politique. TikTok, en devenant un actif américano-compatible à 80 milliards de dollars, incarne parfaitement cette nouvelle ère où innovation, capital et souveraineté avancent désormais sous haute surveillance.
L'administration Trump a déclaré en septembre qu'elle avait conclu un accord avec la Chine pour transférer le contrôle des activités américaines de TikTok à un groupe d'investisseurs principalement américains. Le président a signé un décret stipulant que l'accord constitue une cession qualifiée et reportant l'application de la loi d'interdiction ou de vente de 120 jours afin de permettre la conclusion de la transaction.
La loi américaine, qui est techniquement entrée en vigueur en janvier, interdit TikTok à moins que ByteDance ne cède environ 80 % de ses actifs américains à des investisseurs non chinois.
La nouvelle entité rééduquera l'algorithme de TikTok sur les données des utilisateurs américains et Oracle supervisera le stockage des données des Américains, comme l'ont précédemment déclaré des responsables de la Maison Blanche. La coentreprise américaine sera également responsable de la modération du contenu pour les utilisateurs américains. Cependant, la note de service de M. Chew suggère que l'entité mondiale TikTok contrôlée par ByteDance continuera à gérer le commerce électronique, la publicité et le marketing sur la nouvelle plateforme américaine.
Source : note de TikTok
Et vous ?
La création d’une coentreprise majoritairement américaine change-t-elle réellement la nature de la plateforme ou s’agit-il avant tout d’un habillage juridique destiné à satisfaire les autorités politiques sans toucher au cœur technologique du produit ?
Peut-on sérieusement parler de sécurité nationale si l’algorithme de recommandation, principal actif stratégique de TikTok, reste conçu, entraîné ou mis à jour sous influence étrangère, même indirecte ?
En endossant un rôle de garant des données et de la conformité, Oracle ne franchit-il pas une nouvelle étape où les fournisseurs cloud deviennent des instruments de politique industrielle et géopolitique ?
L’accord TikTok peut-il servir de précédent pour d’autres acteurs non américains, notamment chinois ou européens, ou s’agit-il d’un cas exceptionnel dicté par la popularité massive de l’application ?
Le prix payé pour TikTok U.S. est-il justifié par ses revenus et son potentiel publicitaire, ou intègre-t-il une prime liée à la résolution d’un risque réglementaire devenu insoutenable ?
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