
Mais l’administration Trump envisage d’ajouter un nouveau frais de 100 000 USD par année pour chaque visa H-1B. Ce montant s’appliquerait à chaque H-1B – aussi bien pour les nouvelles demandes que pour les renouvellements. Une mesure qui a incité certaines grandes entreprises technologiques à avertir les titulaires de visas de rester aux États-Unis ou de revenir rapidement. Ce changement pourrait porter un coup dur au secteur technologique, qui dépend fortement des travailleurs qualifiés originaires d'Inde et de Chine.
Comprendre le visa H-1B
Le visa H-1B est un permis de travail temporaire délivré par les États-Unis. Il est conçu pour permettre aux entreprises américaines de recruter des travailleurs étrangers hautement qualifiés dans des domaines dits « spécialisés ».
Dans les grandes lignes du H-1B, nous pouvons citer :
- la durée : initialement 3 ans, renouvelable jusqu’à un maximum de 6 ans.
- l'employeur sponsor : ce n’est pas l’individu qui demande le visa, mais l’entreprise qui « sponsorise » le candidat, en prouvant qu’il est nécessaire à son activité.
- les domaines concernés : technologie, ingénierie, finance, médecine, mathématiques, sciences… mais dans les faits, la majorité des bénéficiaires sont des ingénieurs logiciels, spécialistes en cloud, data scientists et experts en cybersécurité.
- le quota annuel : environ 85 000 nouveaux visas H-1B sont attribués chaque année via un système de loterie, car la demande est bien supérieure à l’offre.
Pourquoi ce visa est stratégique pour la tech ?
La Silicon Valley dépend massivement des H-1B, car les États-Unis n’ont pas assez de diplômés en STEM pour répondre à la demande explosive dans l’IA, le cloud ou la cybersécurité. Par exemple, de nombreux ingénieurs indiens et chinois travaillent dans des postes clés chez Google, Meta, Amazon ou Microsoft grâce à ce visa.
Deux visions s'affrontent :
- Pour les partisans : le H-1B est indispensable pour maintenir l’avance technologique des États-Unis et combler les pénuries de talents.
- Pour les opposants : il mettrait en concurrence directe les travailleurs américains, en faisant pression sur les salaires locaux, et profiterait surtout aux grandes entreprises qui l’utilisent massivement.
Trump veut imposer 100 000 $ par an pour chaque visa H-1B
Vendredi, Trump a signé un décret exigeant que les entreprises paient des frais de 100 000 dollars pour chaque demande de visa H-1B. Le décret, qui entrera en vigueur le 21 septembre à 00 h 01 (heure de l'Est), empêche effectivement les travailleurs titulaires d'un visa H-1B de rentrer dans le pays après cette date limite, à moins que leur employeur ne s'acquitte des frais requis.
Pour les entreprises IT, le H-1B est devenu une voie royale pour recruter des talents introuvables localement en IA, cybersécurité ou cloud. Mais il est aussi critiqué par certains politiques américains qui estiment qu’il exerce une pression à la baisse sur les salaires des développeurs locaux.
La proposition de Donald Trump d’imposer 100 000 $ par an et par visa H-1B bouleverse donc complètement cet équilibre. En pratique, ce surcoût annuel équivaut au salaire d’un ingénieur junior dans la Silicon Valley. Pour une entreprise qui emploie plusieurs centaines ou milliers de titulaires H-1B, l’addition se chiffre en centaines de millions de dollars.
« Il faut en finir avec ce système qui permettait à des gens d’obtenir ces visas presque gratuitement »
Dans un échange devant un parterre de journalistes, Trump a déclaré : « Nous avons besoin de travailleurs. Nous avons besoin de grands travailleurs. Et cette mesure garantit en grande partie que c’est bien ce qui va se passer. Sean, tu es d’accord ?
Howard Lutnick, secrétaire au Commerce, de renchérir :
« Eh bien, le principe est simple : 100 000 dollars par an. L’idée, c’est que désormais, les grandes entreprises de la tech ou d’autres secteurs ne pourront plus former des travailleurs étrangers sans contrepartie. Elles devront d’abord payer 100 000 dollars au gouvernement, puis le salaire de l’employé. Ce n’est tout simplement pas économique.
« Si vous voulez former quelqu’un, formez plutôt un diplômé récent issu de nos grandes universités. Formez des Américains. Arrêtons de faire venir des gens de l’étranger pour prendre nos emplois. Voilà la politique : 100 000 dollars par an pour les visas H-1B. Et toutes les grandes entreprises sont d’accord. Nous leur avons parlé de cette “gold card”. Elles adorent ça. Elles trouvent que c’est nécessaire. »
Un journaliste lui a demandé : « Les visas H-1B sont parfois utilisés par des personnes déjà présentes légalement aux États-Unis avec un autre statut, par exemple étudiant. Est-ce que la mesure s’applique aussi à eux, aux renouvellements, ou seulement aux premières demandes depuis l’étranger ? »
Lutnick a répondu :
« Elle s’applique aussi bien aux renouvellements qu’aux premières demandes. L’entreprise doit décider : est-ce que cette personne vaut 100 000 dollars par an pour le gouvernement ? Si oui, elle reste. Sinon, elle rentre chez elle et l’entreprise recrute un Américain.
« Le principe, c’est que cette taxe est annuelle et peut durer jusqu’à six ans maximum. Soit l’employé est vraiment précieux pour l’entreprise et pour l’Amérique, soit il part et la société embauche un Américain. Voilà le but de cette politique d’immigration : embaucher des Américains et réserver l’accès aux étrangers les plus talentueux. Il faut en finir avec ce système qui permettait à des gens d’obtenir ces visas presque gratuitement. Le président est très clair : seules les personnes vraiment utiles et talentueuses doivent pouvoir rester en Amérique. »
La tech et la finance en état d’urgence
Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Les directives internes d'Amazon, publiées vendredi peu avant 21 h (heure du Pacifique) sur son portail RH, avertissaient les employés : « Si vous avez le statut H-1B et que vous vous trouvez aux États-Unis : restez dans le pays pour l'instant, même si vous avez prévu de voyager dans un avenir proche. » Les directives indiquaient également : « Si vous avez le statut H-1B ou H-4 et que vous vous trouvez en dehors des États-Unis : essayez de revenir avant la date limite de demain si possible. »
La note d'Amazon ajoutait que toute personne ne pouvant pas rentrer à temps devait éviter de tenter de revenir aux États-Unis « jusqu'à ce que de nouvelles directives soient fournies ».
Selon des documents fédéraux, Amazon employait près de 15 000 travailleurs titulaires d'un visa H-1B au cours de l'exercice 2024.
Quelques heures après la signature du décret par Donald Trump, les employés de Microsoft, Meta et JPMorgan Chase ont reçu des instructions similaires, ont déclaré des employés à Business Insider.
Plusieurs employés de Microsoft ont partagé avec le quotidien une note interne demandant aux titulaires de visas aux États-Unis de rester sur place « dans un avenir prévisible » et conseillant à ceux qui se trouvent à l'étranger de tout mettre en œuvre pour rentrer avant la date limite. « Nous savons que cela peut perturber vos projets de voyage. Mais l'essentiel est de rester aux États-Unis afin d'éviter de se voir refuser la réadmission », indique la note, selon cinq employés de Microsoft.
Elle reconnaissait que cette décision soudaine « ne laissait peut-être pas beaucoup de temps pour organiser le voyage », mais encourageait les employés à « faire de leur mieux pour rentrer ».
La note cherchait également à apaiser l'inquiétude des employés : « Nous savons que ces événements sont source d'incertitude pour beaucoup d'entre vous. Bien que nous n'ayons pas toutes les réponses pour l'instant, nous vous demandons de donner la priorité aux recommandations ci-dessus. »
Les startups et PME technologiques, grandes perdantes
L'urgence de ces avis souligne les perturbations massives que la décision de Trump pourrait entraîner dans le secteur technologique américain, qui dépend fortement des ingénieurs, développeurs et autres travailleurs qualifiés étrangers titulaires d'un visa H-1B. Les grandes entreprises technologiques, notamment Amazon, Microsoft, Alphabet, Meta et Apple, figurent parmi les principaux sponsors de ces visas, utilisant ce programme pour pourvoir des postes techniques spécialisés dans un contexte de concurrence féroce pour les talents.
Les responsables de l'administration ont déclaré que ce changement visait à garantir que les entreprises n'embauchent que des travailleurs étrangers jugés « très précieux » et à les inciter à former des Américains à la place.
Si les GAFAM ont les moyens de payer la facture, il n’en va pas de même pour les startups et les PME technologiques. Un éditeur SaaS en phase de croissance ou une scale-up spécialisée en cybersécurité ne pourra pas supporter un tel surcoût sans revoir son modèle économique.
On peut s’attendre à un déplacement des centres de R&D vers le Canada, l’Europe ou l’Asie, où les régimes de visas sont plus favorables et les coûts maîtrisés. Cette fuite des cerveaux serait une opportunité pour d’autres hubs technologiques, mais un revers pour la Silicon Valley.
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