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WPEngine contre Automattic : la justice écarte l'antitrust mais laisse planer la menace d'une condamnation pour diffamation et ingérence
WordPress sort partiellement victorieux mais reste fragilisé

Le , par Stéphane le calme

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WPEngine contre Automattic : la justice écarte l’antitrust mais laisse planer la menace d’une condamnation pour diffamation et ingérence,
WordPress sort partiellement victorieux mais reste fragilisé

La bataille judiciaire entre WPEngine et Automattic, maison mère de WordPress, vient de franchir un tournant. Si le tribunal a balayé les accusations les plus explosives (comportements anticoncurrentiels, extorsion et abus de position dominante) il a maintenu des griefs lourds de conséquences pour les agences, intégrateurs et hébergeurs : diffamation, interférence contractuelle et enrichissement injustifié. Une décision qui redessine le rapport de force dans l’écosystème WordPress et soulève une question centrale : jusqu’où une communauté open source peut-elle être gouvernée par une société privée sans fragiliser les acteurs qui en dépendent ?

L’origine de ce bras de fer remonte à 2024. Fin septembre, WordPress.org a pris une décision radicale en interdisant à WP Engine, un fournisseur d’hébergement bien connu, d’accéder à ses ressources. Cette décision a été annoncée par Matt Mullenweg, co-créateur de WordPress et PDG d’Automattic, sur le site officiel de WordPress.

Selon Matt Mullenweg, WP Engine aurait tenté de contrôler l’expérience WordPress de ses utilisateurs en mettant en place son propre système de connexion utilisateur et en verrouillant certaines fonctionnalités essentielles de WordPress pour en tirer profit. En conséquence, WordPress.org a décidé de bloquer l’accès de WP Engine à ses ressources, y compris les thèmes, les plugins, et les mises à jour de sécurité.

WordPress est un système de gestion de contenu open source très populaire, utilisé par plus de 65 millions de sites web. Mullenweg est l'un des deux créateurs du logiciel et le PDG d'Automattic, qui exploite WordPress.com, un service d'hébergement de sites web WordPress.


WP Engine propose également un service d'hébergement pour les sites WordPress, mais comme l'a affirmé Mullenweg dans un billet de blog, « WP Engine n'est pas WordPress ». Il avance que WP Engine, financé par la société de capital-risque Silver Lake, vide de sa substance le monde de l'open source en profitant de WordPress sans rendre à la communauté ce qu'elle lui a donné.

Mullenweg souligne que WP Engine, tout en réalisant « environ un demi-milliard de revenus sur WordPress », sponsorise des développeurs qui passent au total 40 heures par semaine à travailler sur le développement de WordPress. Dans le cadre du parrainage d'Automattic, les développeurs passent près de 4 000 heures par semaine. Le PDG d'Automattic affirme également que la décision de WP Engine de désactiver les révisions de WordPress par défaut reflète le désintérêt de l'entreprise pour le contenu des clients.

« Ils désactivent les révisions parce que cela leur coûte plus cher de stocker l'historique des modifications dans la base de données, et ils ne veulent pas dépenser cet argent pour protéger votre contenu », a écrit Mullenweg. Mullenweg a réitéré ce point au WordCamp US 2024 la semaine dernière. « Silver Lake se fiche éperdument de vos idéaux en matière d'open source », a-t-il déclaré. « Il veut juste un retour sur investissement ».

En réponse à cela, WP Engine a déposé une plainte contre Automattic Inc. et son PDG Matthew Charles Mullenweg devant le Tribunal de Première Instance des États-Unis pour le District Nord de la Californie. La plainte, déposée le 2 octobre 2024, fait état d'une tentative d'extorsion, d'une ingérence dans les relations d'affaires et d'une utilisation abusive des marques WordPress, entre autres.

L'une des allégations les plus surprenantes de la plainte concerne la WordPress Foundation. WP Engine affirme qu'alors que Matt Mullenweg a annoncé publiquement le transfert des marques déposées de WordPress à la Fondation, il s'est simultanément arrangé pour qu'Automattic reçoive une licence exclusive et libre de redevances sur ces marques déposées. Cet arrangement n'aurait pas été divulgué dans les déclarations fiscales de la Fondation ou au public.

La plainte dénonçait notamment une tentative d’imposer à WPEngine des paiements jugés abusifs pour l’usage des marques WordPress et WooCommerce, ainsi que des pressions exercées via la plateforme WordPress.org. Automattic a répliqué en qualifiant ces accusations d’infondées et en rappelant que la protection de ses marques relevait de son droit.

Le différend a rapidement dépassé le cercle des professionnels pour toucher à des questions de gouvernance open source : qui décide vraiment des règles dans un projet collaboratif utilisé par des millions de sites dans le monde ?


Rendez-vous à 11: 21

Les arguments rejetés : un soulagement stratégique pour Automattic

La décision rendue en septembre 2025 par la juge Araceli Martinez-Olguin a coupé la plainte en deux.

Le tribunal a estimé que les accusations d’antitrust et de monopolisation ne tenaient pas la route, car WPEngine n’a pas réussi à définir correctement un « marché pertinent ». Dans le droit de la concurrence américain, il ne suffit pas d’affirmer qu’une entreprise détient trop de pouvoir. Il faut démontrer, données à l’appui, quel est le marché concerné (par exemple « CMS open source », « hébergement WordPress », « gestion de plugins ») et pourquoi l’entreprise accusée y exerce un pouvoir anticoncurrentiel. En l’absence de cette précision, les juges rejettent presque systématiquement ce type de plainte.

L’accusation d’extorsion liée à la marque a aussi été écartée. WPEngine soutenait qu’Automattic avait tenté d’obtenir des paiements abusifs sous menace de perdre des accès à l’écosystème WordPress. Or, le tribunal a rappelé que la défense des marques, même dans un projet open source, est un droit légalement reconnu, et qu’une telle demande ne constitue pas en soi une extorsion.

En clair, Automattic échappe au spectre d’un procès qui aurait pu l’exposer à des dommages financiers massifs et à une obligation de revoir entièrement son modèle de gouvernance. Concrètement, cela veut dire que le procès continue. Automattic a évité le spectre d’un procès antitrust qui aurait pu créer un précédent pour d’autres projets open source, mais elle devra se défendre face à des accusations plus subtiles, liées aux conséquences pratiques de ses décisions et de ses prises de parole.

Les accusations plus ciblées sur la réputation et les relations d’affaires restent valides

Les chefs de diffamation, d’enrichissement injustifié et d’interférence contractuelle sont en revanche maintenus. Et c’est là que la partie se complique.

Pour la diffamation, il suffira à WPEngine de démontrer que certaines déclarations publiques de Matt Mullenweg ou d’Automattic ont dépassé le cadre de l’opinion pour nuire directement à sa réputation commerciale. En droit américain, la distinction entre opinion protégée par le premier amendement et affirmation factuelle diffamatoire est cruciale. Si Mullenweg a affirmé que WPEngine « trompait » ses clients ou « violait » certaines règles, le tribunal devra décider si ces propos relèvent d’un jugement de valeur ou d’une assertion factuelle mensongère.

L’enrichissement injustifié repose sur l’idée qu’Automattic aurait profité de ressources communautaires ou d’une position dominante sans compensation équitable, au détriment de WPEngine. C’est une plainte plus ouverte, souvent utilisée pour forcer une compensation financière ou un règlement.

L’interférence contractuelle est peut-être le plus dangereux pour Automattic, car il suffit de prouver que ses actions ont sciemment poussé des partenaires, développeurs ou clients de WPEngine à rompre ou modifier leurs contrats. Le blocage du plugin ACF ou la suppression d’accès à certaines API pourraient, si WPEngine démontre un lien de cause à effet, être retenus comme des ingérences intentionnelles.

Implications pour les entreprises utilisatrices de WordPress

Pour une société qui bâtit ses activités sur WordPress – agences web, hébergeurs, intégrateurs – cette affaire est un signal d’alarme. Elle montre que l’écosystème WordPress, malgré son vernis open source, est juridiquement encadré par Automattic, qui n’hésite pas à défendre agressivement ses marques et à imposer ses conditions.

Cela signifie que les entreprises dépendantes de WordPress doivent intégrer un facteur de risque juridique et commercial : un accès à l’écosystème peut être restreint, certaines extensions peuvent être bloquées, et les règles de marque peuvent évoluer. La « liberté » du logiciel libre a ici une limite concrète : la gouvernance centralisée exercée par Automattic et ses fondateurs.

Automattic : victoire d’étape mais pas de triomphe

Le blog de Matt Mullenweg a présenté la décision comme une victoire pour l’open source en général, affirmant que le rejet des accusations les plus lourdes protège la liberté des mainteneurs. C’est vrai dans une certaine mesure : Automattic évite un procès antitrust qui aurait pu faire jurisprudence contre d’autres projets open source avec un fort volet commercial.

Mais la bataille n’est pas gagnée. Si WPEngine parvient à prouver la diffamation ou l’interférence contractuelle, Automattic pourrait être condamné à verser des compensations financières significatives et, surtout, à revoir certaines de ses pratiques. Les preuves à venir – emails internes, échanges entre équipes, communications avec la communauté – pourraient être déterminantes.

Citation Envoyé par Matt Mullenweg
Je viens d'apprendre que le tribunal a rejeté plusieurs des accusations les plus graves portées par WP Engine et Silver Lake : les accusations d'entente illicite, de monopole et d'extorsion ont été rejetées ! Il s'agissait de loin des accusations les plus importantes et les plus lourdes de conséquences dans cette affaire, et la décision d'aujourd'hui réduit considérablement la portée de celle-ci. C'est une victoire non seulement pour nous, mais aussi pour tous les contributeurs et responsables de maintenance open source. Un grand merci à l'équipe de Gibson et d'Automattic qui a travaillé sur cette affaire.

En ce qui concerne les autres plaintes, nous sommes convaincus que les faits démontreront que nos actions étaient légales et dans le meilleur intérêt de la communauté WordPress.

Cette décision est une étape importante, mais notre objectif reste le même : construire un écosystème WordPress libre, ouvert et florissant, et soutenir les millions de personnes qui en dépendent chaque jour.
Ce que cela signifie pour l’open source au sens large

Cette affaire illustre une tension fondamentale : les projets open source ne vivent pas dans un vide juridique. Quand un projet est piloté par une société privée qui monétise une partie de l’écosystème, des conflits d’intérêts surgissent inévitablement. Les tribunaux deviennent alors les arbitres, en transposant des concepts comme la diffamation, l’ingérence contractuelle ou l’enrichissement injustifié dans un monde conçu à l’origine sur la base de la collaboration et de la transparence.

La leçon pour d’autres projets est claire : clarifier dès le départ les règles de gouvernance, de marque et de gouvernance communautaire. Sinon, le mélange entre idéaux open source et intérêts commerciaux crée un terrain fertile aux litiges.

La bataille continue

Matt Mullenweg a célébré la décision comme une victoire pour l’open source, arguant que le rejet des accusations d’antitrust protège tous les mainteneurs de projets libres contre des attaques disproportionnées. Mais la bataille judiciaire continue. Si WPEngine réussit à démontrer des faits de diffamation ou d’ingérence, Automattic pourrait être contrainte à des compensations financières et à une plus grande transparence dans ses pratiques.

En attendant, la communauté open source retient son souffle. Car ce procès, au-delà du duel entre deux géants du web, illustre une tension fondamentale : comment concilier les idéaux de liberté et de collaboration avec les réalités d’un écosystème devenu une véritable industrie mondiale.

Sources : décision de justice, Matt Mullenweg

Et vous ?

L’écosystème WordPress peut-il rester perçu comme “libre” alors que ses mécanismes de contrôle deviennent un enjeu judiciaire ?

Les agences et hébergeurs doivent-ils préparer des plans de continuité pour se protéger des décisions unilatérales de WordPress.org ?

La défense agressive des marques par Automattic est-elle une protection légitime du projet ou une barrière à la concurrence ?

Quelles leçons les autres communautés open source (Linux, Drupal, Apache) devraient-elles tirer de ce conflit ?

Les clients finaux, souvent inconscients de ces batailles juridiques, ne deviennent-ils pas les premiers otages en cas de rupture d’accès ou de blocage de plugin ?
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