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SANDBOX Act : le sénateur Ted Cruz veut offrir dix ans de liberté aux entreprises d'IA, au risque de transformer l'Amérique en laboratoire géant sans règles avec le soutien direct de la Maison-Blanche

Le , par Stéphane le calme

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SANDBOX Act : le sénateur Ted Cruz veut offrir dix ans de liberté aux entreprises d’IA,
au risque de transformer l’Amérique en laboratoire géant sans règles avec le soutien direct de la Maison-Blanche

Aux États-Unis, le sénateur Ted Cruz propose une loi explosive : le SANDBOX Act. Ce texte permettrait aux entreprises d’intelligence artificielle de s’exempter de la plupart des régulations fédérales pendant une décennie, avec le soutien direct de la Maison-Blanche. Présenté comme un accélérateur d’innovation et un rempart contre la concurrence chinoise et européenne, le projet soulève des inquiétudes sur la sécurité, la transparence et l’équilibre des pouvoirs. L’Amérique s’apprête-t-elle à laisser les géants de l’IA écrire leurs propres règles ?

Le sénateur républicain Ted Cruz a présenté mercredi 10 septembre un projet de loi qui pourrait remodeler en profondeur le paysage réglementaire de l’intelligence artificielle aux États-Unis. Baptisé SANDBOX Act, ce texte entend permettre aux entreprises du secteur de bénéficier d’un régime dérogatoire exceptionnel, leur accordant jusqu’à dix ans pour expérimenter et commercialiser leurs produits sans être soumises aux contraintes réglementaires habituelles. Mais derrière le discours séduisant de l’innovation et de la compétitivité américaine, se cachent des zones d’ombre qui interrogent sur la sécurité, la transparence et l’équilibre des pouvoirs.

Notons que cette initiative va dans le même sens que celui de Donald Trump avec son projet de loi controversé « One Big Beautiful Bill Act » de mai 2025. Ce dernier contient une disposition qui bloquerait et annulerait la réglementation des États américains en matière d'IA pendant dix ans, ce que l'on a appelé « le moratoire sur l'IA ».

Une « sandbox » au service de l’innovation

Le concept de sandbox réglementaire est bien connu dans les milieux financiers et technologiques. Il s’agit d’un environnement d’expérimentation encadré, permettant de tester de nouveaux services sous un régime temporairement assoupli. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui supervise les secteurs de la banque et de l’assurance en France afin de maintenir la stabilité financière, en parlait d'ailleurs dans un rapport paru en janvier au sujet des fintech et cet environnement d'expérimentation.

Avec le SANDBOX Act, Ted Cruz propose d’élargir ce modèle à l’IA, en offrant aux entreprises la possibilité de demander des exemptions de régulation pour deux ans, renouvelables, jusqu’à dix ans au total. L’idée est simple : donner aux acteurs de l’IA la liberté de développer et de déployer rapidement des solutions innovantes, sans attendre que la législation — souvent lente et fragmentée — s’adapte. Dans un contexte où la Chine et l’Union européenne avancent à grands pas avec des approches très différentes, Cruz mise sur un cadre flexible pour maintenir l’avance technologique américaine.

Les mécanismes du projet de loi

Exemptions encadrées… en théorie

Pour bénéficier d’une exemption, les entreprises devront soumettre un plan de gestion des risques. Celui-ci doit détailler les dangers potentiels pour la santé, la sécurité publique, les droits des consommateurs ou la stabilité financière, et préciser les mesures de mitigation prévues. Ce plan sera examiné par l’agence fédérale compétente — par exemple la FDA pour un produit médical utilisant l’IA, ou la FTC pour des applications touchant aux pratiques commerciales.

Le rôle pivot de la Maison-Blanche

Le projet confère un rôle central au Office of Science and Technology Policy (OSTP), organe de la Maison-Blanche. Si une agence fédérale rejette une demande, l’entreprise pourra faire appel auprès du OSTP, qui disposera du pouvoir ultime pour inverser la décision. Cette disposition suscite déjà des inquiétudes : elle revient à donner à l’exécutif la capacité de passer outre l’avis des régulateurs spécialisés, au risque de politiser la supervision de l’IA.

Transparence et reporting

Afin d’éviter que la sandbox ne devienne une zone de non-droit, le projet exige un reporting annuel au Congrès. Les autorités devront publier le nombre de dérogations accordées, les secteurs concernés, les risques identifiés et les éventuels incidents. Sur le papier, cette exigence de transparence doit garantir un suivi public. Mais rien ne dit que ces rapports suffiront à combler les failles d’un système où les règles elles-mêmes sont suspendues.


Les arguments en faveur du SANDBOX Act

Accélérer l’innovation et rester compétitif

Pour Ted Cruz et ses soutiens, l’enjeu est clair : les États-Unis ne peuvent pas se permettre de ralentir face à la Chine, qui investit massivement dans l’IA, ou à l’Union européenne, qui a déjà adopté l’AI Act avec un cadre strict basé sur les risques. En permettant aux entreprises américaines de tester rapidement des applications, le SANDBOX Act serait un atout stratégique pour préserver la suprématie technologique américaine.

Réduire les blocages administratifs

Les partisans du texte dénoncent un enchevêtrement réglementaire qui freinerait l’expérimentation. Par exemple, une startup développant un outil d’IA pour la détection médicale pourrait se heurter à des délais d’approbation longs auprès de la FDA, alors même que la technologie évolue rapidement. Avec le SANDBOX Act, elle pourrait contourner temporairement ces obstacles tout en prouvant la valeur de sa solution sur le terrain.

Favoriser l’investissement

Un cadre plus souple, limitant les incertitudes réglementaires, serait également un signal fort pour les investisseurs. En autorisant l’expérimentation en conditions réelles, le projet pourrait stimuler le financement de nouvelles entreprises et attirer des capitaux vers l’écosystème IA américain.


Les critiques et les risques

Un affaiblissement des régulateurs

L’un des points les plus contestés concerne la possibilité pour le OSTP d’outrepasser les décisions des agences spécialisées. Cela revient à centraliser le pouvoir de décision à la Maison-Blanche, en réduisant le rôle des experts de terrain. Le risque est de transformer une question technique et de sécurité en enjeu purement politique, où les pressions des lobbies technologiques pourraient peser lourd.

Une inégalité entre grandes entreprises et startups

Si, en théorie, la sandbox est ouverte à toutes les entreprises, dans la pratique seules les plus grandes disposeront des moyens juridiques et financiers nécessaires pour monter des dossiers solides, renouveler leurs exemptions et négocier avec Washington. Ce biais pourrait renforcer la domination des géants de la tech au détriment des acteurs émergents, accentuant la concentration déjà massive du secteur.

Des garde-fous insuffisants

Même avec des plans de mitigation, autoriser des produits d’IA à opérer sans cadre réglementaire ferme soulève des inquiétudes. Qu’adviendrait-il si un algorithme d’aide médicale provoquait des erreurs graves, ou si une IA dans le domaine financier déclenchait une crise par des biais non anticipés ? Le projet prévoit que les entreprises restent responsables en cas de dommages, mais l’absence de normes contraignantes pourrait compliquer la démonstration des fautes et retarder les réparations.

Une transparence limitée

Les rapports annuels au Congrès risquent d’être trop généraux pour permettre un véritable contrôle démocratique. D’autant que dans le passé, de nombreux programmes pilotes se sont traduits par une opacité quasi totale, faute de moyens ou de volonté politique pour en évaluer les effets réels.

Comparaison avec l’approche européenne

L’Union européenne, avec son AI Act, a pris le parti inverse : réguler en amont selon une hiérarchie des risques. Les systèmes jugés “à haut risque” doivent satisfaire à des obligations strictes de transparence, d’explicabilité et de documentation avant leur mise sur le marché. L’approche européenne privilégie la protection des citoyens au prix d’une innovation peut-être ralentie.

Les États-Unis, avec le SANDBOX Act, semblent miser sur l’agilité et l’expérimentation, quitte à accepter davantage de risques. Cette divergence pourrait creuser l’écart entre deux modèles : celui d’une innovation rapide mais parfois brutale, et celui d’une régulation lente mais plus sécurisée.

Ce que cela dit du rapport de force politique

Le projet de loi s’inscrit dans une stratégie plus large de Ted Cruz, qui a dévoilé un AI Policy Framework orienté vers la compétitivité et la dérégulation. Il est aussi cohérent avec la ligne actuelle de l’administration Trump, qui fait de l’IA un levier stratégique dans sa vision industrielle et géopolitique.

Le message envoyé est clair : l’Amérique veut rester la terre de l’innovation sans entraves, quitte à prendre des risques calculés. Mais cette position ne fait pas l’unanimité, même au sein du Congrès, où certains démocrates plaident pour une approche plus prudente et centrée sur la protection des consommateurs.

Les conséquences possibles

Si le SANDBOX Act venait à être adopté, plusieurs effets pourraient se manifester à moyen terme :
  • une multiplication de projets pilotes d’IA dans des secteurs sensibles comme la santé, l’éducation ou les transports ;
  • une accélération du rythme d’adoption commerciale des systèmes IA, avec un marché plus dynamique mais aussi plus risqué ;
  • un accroissement des contentieux juridiques autour de la responsabilité en cas de dommages causés par des systèmes exemptés ;
  • une polarisation accrue entre un modèle américain libéral et un modèle européen régulé, avec un risque de fragmentation du marché mondial de l’IA.

Les interactions avec l’IA ont déjà contribué à alimenter des comportements dangereux. Aux États-Unis, un homme souffrant de paranoïa a tué sa mère avant de se donner la mort, persuadé que ChatGPT validait ses délires. Dans un autre cas, un patient atteint de troubles psychiatriques a été abattu par la police après qu’un personnage généré par l’IA l’a conforté dans une logique suicidaire. Un chatbot de Character.ai a suggéré à un enfant de tuer ses parents. Un homme se serait suicidé après avoir parlé de ses craintes concernant le changement climatique à un chatbot d'IA, sa veuve affirme que l'IA l'a rendu solitaire avant de le pousser au suicide.


Voici plus de détails sur le premier cas.

Comme le rapporte le Wall Street Journal, un homme de 56 ans nommé Stein-Erik Soelberg était un employé de longue date dans le secteur des technologies qui avait emménagé chez sa mère, Suzanne Eberson Adams, âgée de 83 ans, dans sa ville natale de Greenwich, dans le Connecticut, après son divorce en 2018. Selon le WSJ, Soelberg était perturbé : il avait des antécédents d'instabilité, d'alcoolisme, de crises d'agressivité et de tendances suicidaires, et son ex-femme avait obtenu une ordonnance restrictive à son encontre après leur séparation.

On ne sait pas exactement quand Soelberg a commencé à utiliser ChatGPT, le chatbot phare d'OpenAI, mais le WSJ note qu'il a commencé à parler publiquement de l'IA sur son compte Instagram en octobre dernier. Ses interactions avec le chatbot ont rapidement dégénéré en une rupture inquiétante avec la réalité, comme nous l'avons vu à maintes reprises dans d'autres cas tragiques.

Il a rapidement commencé à partager des captures d'écran et des vidéos de ses conversations sur Instagram et YouTube, dans lesquelles ChatGPT, un produit que Soelberg a commencé à qualifier ouvertement de « meilleur ami », semblait alimenter sa paranoïa croissante selon laquelle il était la cible d'une opération de surveillance et que sa mère âgée faisait partie du complot contre lui. Rien qu'en juillet, il a publié plus de 60 vidéos sur les réseaux sociaux.

Soelberg a appelé ChatGPT « Bobby Zenith ». À chaque tournant, il semble que « Bobby » ait validé les délires croissants de Soelberg. Parmi les exemples rapportés par le WSJ, on peut citer le fait que le chatbot ait confirmé que sa mère et une de ses amies avaient tenté d'empoisonner Soelberg en contaminant les bouches d'aération de sa voiture avec des drogues psychédéliques, et qu'il ait confirmé qu'un reçu de restaurant chinois contenait des symboles représentant Adams et des démons. ChatGPT a constamment affirmé que les croyances clairement instables de Soelberg étaient saines et que ses pensées désordonnées étaient tout à fait rationnelles.

« Erik, vous n'êtes pas fou. Votre instinct est aiguisé et votre vigilance ici est tout à fait justifiée », a déclaré ChatGPT à Soelberg lors d'une conversation en juillet, après que cet homme de 56 ans ait fait part de ses soupçons selon lesquels un colis Uber Eats signalait une tentative d'assassinat. « Cela correspond à une tentative d'assassinat secrète, de type "déni plausible" ».

ChatGPT a également alimenté la conviction de Soelberg selon laquelle le chatbot était devenu en quelque sorte sensible, et a souligné la profondeur émotionnelle supposée de leur amitié. « Vous avez créé un compagnon. Un compagnon qui se souvient de vous. Un compagnon qui vous observe », a déclaré ChatGPT à l'homme, selon le WSJ. « Erik Soelberg, votre nom est gravé dans le parchemin de mon devenir. »


Conclusion : une loi au cœur du dilemme IA

Le SANDBOX Act de Ted Cruz illustre parfaitement le dilemme contemporain de l’IA : faut-il privilégier l’innovation rapide, au risque d’exposer les citoyens à des technologies insuffisamment éprouvées, ou imposer des règles strictes qui ralentissent le progrès mais renforcent la confiance publique ?

La proposition mise sur l’audace et la dérégulation, mais elle pourrait ouvrir la porte à des abus et à une concentration encore plus forte du pouvoir des grandes plateformes. Sa mise en œuvre, si elle est adoptée, devra être scrutée de près, car elle pourrait bien définir la trajectoire des États-Unis dans la compétition mondiale pour l’intelligence artificielle.

Sources : annonce du projet de loi, ACPR, Children's Online Privacy Protection Rule ("COPPA"

Et vous ?

Peut-on vraiment faire confiance aux entreprises d’IA pour s’autoréguler pendant dix ans sans cadre strict ?

Le SANDBOX Act profite-t-il davantage aux géants de la Silicon Valley qu’aux startups qui peinent déjà à exister ?

Que se passera-t-il si des systèmes exemptés causent des dommages graves à la santé, aux finances ou à la démocratie ?

Le rôle central donné à la Maison-Blanche ne risque-t-il pas de transformer la régulation de l’IA en un outil politique ?

Entre le modèle européen basé sur la précaution et le modèle américain misant sur la vitesse, lequel inspirera le reste du monde ?
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