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Google échappe au démantèlement : un procès historique qui change peu de choses
Pourquoi la décision de justice renforce paradoxalement la domination de Google

Le , par Stéphane le calme

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Google échappe au démantèlement : un procès historique qui change peu de choses,
pourquoi la décision de justice renforce paradoxalement la domination de Google

Le procès antitrust le plus important intenté contre une entreprise technologique depuis plus de trente ans devait marquer un tournant. Pourtant, la décision du juge fédéral Amit Mehta, en rejetant les mesures les plus radicales proposées par le gouvernement américain, laisse Google largement intact. Derrière les concessions imposées au géant californien, c’est un statu quo qui se dessine, favorable à l’entreprise et à son allié Apple, mais aussi révélateur de la difficulté à réguler des acteurs devenus incontournables à l’ère numérique.

Depuis 2020, le ministère américain de la Justice et plusieurs États fédérés s’attaquent à Google, accusé d’avoir illégalement maintenu son monopole sur la recherche en ligne. Les arguments du gouvernement étaient clairs : en payant chaque année des milliards de dollars à des partenaires comme Apple ou Samsung pour être installé par défaut, Google aurait verrouillé le marché et empêché toute concurrence sérieuse.

Après un long procès de dix semaines en 2023 et plusieurs audiences en 2024, le juge Mehta avait déjà conclu que Google avait abusé de sa position dominante. Restait la question cruciale : quelles mesures correctives imposer ? Les autorités réclamaient des remèdes spectaculaires, allant jusqu’à exiger la vente du navigateur Chrome ou l’interdiction pure et simple de rémunérer des partenaires pour obtenir une place par défaut.

Or, la décision finale, rendue fin août 2025, a largement écarté ces scénarios radicaux. Google échappe à un démantèlement et conserve son modèle économique central, celui des paiements de distribution. Pour beaucoup d’observateurs, ce jugement ressemble davantage à un avertissement symbolique qu’à une véritable sanction.

Les concessions imposées à Google

La décision n’est pas totalement dénuée de contraintes. Le juge a exigé plusieurs ajustements censés rééquilibrer le marché. Google devra mettre fin à certaines clauses d’exclusivité qui empêchaient les constructeurs de proposer d’autres moteurs de recherche. L’entreprise sera aussi contrainte de partager une partie de ses données de recherche avec ses concurrents, une première dans l’histoire du numérique.

Ces données pourraient nourrir les efforts de rivaux comme Microsoft avec Bing, DuckDuckGo, ou encore les nouveaux entrants dans l’IA générative tels qu’OpenAI ou Perplexity. L’objectif affiché est de permettre à ces acteurs de développer des moteurs ou assistants capables de rivaliser.

Enfin, sur le terrain d’Android, Google ne pourra plus forcer les fabricants à préinstaller l’ensemble de ses applications pour avoir accès au Play Store. Une mesure qui pourrait ouvrir la porte à une diversification des écosystèmes mobiles.

Mais ces obligations restent limitées. Google conserve le droit de rémunérer ses partenaires pour rester le moteur par défaut, une pratique qui représente le cœur de sa domination.

« Google est tenu responsable », a déclaré Abigail Slater, responsable antitrust du ministère américain de la Justice, dans un message publié sur X. « Le tribunal n'a pas ordonné toutes les mesures que nous avions demandées, et nous évaluons actuellement nos options. Mais le tribunal a reconnu la nécessité de mesures correctives qui rétabliront la concurrence et réouvriront le champ de jeu numérique, stimulant ainsi les investissements et l'innovation qui permettront à l'Amérique de rester à la pointe de la technologie dans la prochaine ère. »


L’intelligence artificielle comme argument central

Le rôle de l’intelligence artificielle a profondément influencé le jugement. Le juge Mehta a reconnu que l’émergence des modèles génératifs bouleversait déjà l’équilibre du marché de la recherche. Des outils comme ChatGPT, Gemini ou Claude se rapprochent de plus en plus de fonctions de moteurs de recherche, capables de répondre directement aux requêtes des utilisateurs sans passer par des pages de résultats classiques.

Dans ce contexte, imposer un remède radical comme le démantèlement de Chrome aurait, selon le juge, risqué de freiner l’innovation et de désavantager les États-Unis dans une course technologique stratégique. Cette vision illustre un dilemme récurrent : comment sanctionner une position dominante sans entraver l’évolution d’un secteur où les mutations sont rapides ?

Google, de son côté, a salué une décision qui, selon lui, prend acte de cette transformation du marché. Mais la firme s’inquiète du partage de données, qu’elle présente comme un risque potentiel pour la confidentialité de ses utilisateurs.

Une victoire pour Apple, un revers pour Washington

L’un des grands bénéficiaires indirects du jugement est Apple. En maintenant la possibilité pour Google de continuer à payer pour une position par défaut, le juge sécurise une source majeure de revenus pour l’entreprise de Cupertino. Selon les estimations, ces accords rapportent environ 20 milliards de dollars par an à Apple, qui peut ainsi renforcer son segment « services », de plus en plus surveillé par les régulateurs mondiaux.

Pour le gouvernement américain, en revanche, c’est un coup dur. La décision est perçue comme un échec dans la volonté de mettre au pas les géants de la Silicon Valley. Après des revers face à Microsoft dans le rachat d’Activision Blizzard ou à d’autres entreprises devant la FTC, l’exécutif accumule les défaites. Certains analystes parlent même d’une stratégie antitrust en déroute, incapable de contrer les tactiques de domination des Big Tech.

Des critiques se sont rapidement élevées. Gabriel Weinberg, fondateur de DuckDuckGo, estime que les mesures imposées « ne vont pas assez loin » et permettent à Google de continuer à exploiter son avantage historique. Pour de nombreux observateurs, l’image d’un « coup de règle sur les doigts » résume bien l’impression générale.


Une réaction enthousiaste des marchés

Les investisseurs, eux, n’ont pas attendu pour applaudir la décision. Dès l’annonce du jugement, l’action Alphabet a grimpé de près de 6 % en préouverture, tandis qu’Apple gagnait plus de 3 %. Pour les marchés financiers, le message est clair : le modèle économique qui fait la force de Google n’est pas remis en cause.

Cette réaction traduit la conviction que le statu quo perdure. En protégeant les flux financiers entre Google et ses partenaires, la justice rassure les actionnaires sur la continuité d’une mécanique bien huilée.


Plusieurs concurrents de Google ont critiqué cette décision, estimant qu'elle n'allait pas assez loin

L'un d'eux est DuckDuckGo qui s'est exprimée via son PDG. Voici un extrait de son billet :

De nombreuses idées visent à contrer l'avantage de Google en matière de distribution, mais nous pensons qu'il est tout aussi important de s'attaquer à son avantage en termes d'échelle. Les accords de distribution exclusifs de Google signifient que l'entreprise traite beaucoup plus de requêtes que ses concurrents, ce qui lui confère un avantage en termes d'échelle. L'avis de la cour quantifie cette disparité :

Plus d'utilisateurs signifie plus d'annonceurs, et plus d'annonceurs signifie plus de revenus... La taille de Google signifie non seulement qu'il voit plus de requêtes que ses concurrents, mais aussi plus de requêtes uniques, appelées « requêtes à longue traîne ». Pour illustrer ce point, le Dr Whinston a analysé 3,7 millions de phrases de requêtes uniques sur Google et Bing, montrant que 93 % des phrases uniques n'étaient vues que par Google, contre 4,8 % vues uniquement par Bing.
Google utilise ce flux d'informations pour améliorer continuellement ses résultats en menant des expériences à grande échelle d'une manière dont aucun concurrent ne peut se prévaloir, car nous sommes en quelque sorte aveuglés. Google déduit les meilleurs résultats en se basant sur les requêtes qu'il a déjà vues. Si un moteur de recherche voit moins de requêtes similaires, voire aucune, ces déductions sont moins efficaces.

Comme le décrit le tribunal, l'avantage de Google en termes d'échelle alimente une puissante boucle de rétroaction de différents effets de réseau qui garantissent un « déficit perpétuel en termes d'échelle et de qualité » pour ses concurrents, ce qui renforce l'avantage de Google.

Le moyen le plus efficace et le plus rapide d'uniformiser les règles du jeu consiste pour Google à donner accès à ses résultats de recherche via des API (interfaces de programmation d'applications) en temps réel, à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND). Cela signifie que pour toute requête pouvant être saisie dans un moteur de recherche, un concurrent aurait accès aux mêmes résultats de recherche : tout ce que Google afficherait sur sa propre page de résultats de recherche en réponse à cette requête. Si Google était contraint d'accorder des licences pour ses résultats de recherche de cette manière, cela permettrait aux moteurs de recherche existants et aux nouveaux entrants potentiels sur le marché de s'appuyer sur les différents modules et index de Google et d'offrir aux consommateurs des alternatives plus compétitives et innovantes.

Une deuxième préoccupation potentielle est que les résultats à longue traîne sur les principaux moteurs de recherche pourraient être similaires dans certains cas, mais il s'agit là d'une caractéristique et non d'un bug. L'avantage de Google en termes d'échelle lui permet de déterminer quels liens obscurs devraient être mieux classés. Nous devons donc nous attendre à ce que certains résultats deviennent plus similaires lorsque des moteurs de recherche plus petits intègrent ces informations. Cependant, l'octroi de licences selon les conditions FRAND devrait également permettre aux moteurs de recherche concurrents de reclasser et de mélanger les résultats avec d'autres contenus, ce qui leur permettra de produire des algorithmes de classement différents à partir des mêmes résultats de recherche de haute qualité.

Une troisième préoccupation concerne le fait que les index des concurrents pourraient devenir trop dépendants de Google. Cependant, si tous les résultats obtenus via les API peuvent également être utilisés pour créer des index de recherche, cela garantirait la viabilité et l'indépendance à long terme des concurrents. Pour notre part, nous irions encore plus loin dans cette voie. Ce processus pourrait être accéléré si les API donnaient également accès aux signaux de classement anonymes de Google (par exemple, la fréquence et la rapidité avec lesquelles les utilisateurs cliquent en retour après avoir visité un lien), ce qui permettrait d'ajuster encore plus rapidement les index des concurrents et d'améliorer les algorithmes de reclassement en temps réel. Cela dit, nous reconnaissons que l'octroi de licences pour les résultats de recherche de Google doit être une intervention à long terme, car leur avantage en termes d'échelle persistera tant que Google détiendra une part de marché beaucoup plus importante que ses concurrents.

Un statu quo qui profite au duopole Google-Apple

Derrière les apparences de concessions, c’est un duopole qui sort renforcé. Google conserve la mainmise sur la recherche, Apple sécurise une rente confortable, et les concurrents restent cantonnés à des positions marginales. Certes, le partage de données pourrait, à terme, favoriser l’émergence d’alternatives. Mais rien ne garantit que ces nouveaux venus réussiront à se hisser à un niveau de compétitivité suffisant.

Le juge a toutefois prévenu qu’il pourrait revenir sur sa décision si la concurrence n’était pas rétablie de façon tangible. Une menace qui reste pour l’instant théorique, tant les précédents montrent qu’il est difficile d’inverser la tendance une fois un marché verrouillé.

Les prochaines batailles : la publicité et l’Europe

Google n’en a pas fini avec les régulateurs. Une autre affaire antitrust, cette fois sur le marché de la publicité en ligne, pourrait déboucher sur des mesures plus lourdes. La justice américaine envisage sérieusement de forcer la vente de certains outils publicitaires, considérés comme essentiels à l’emprise du groupe sur le marché mondial de l’ad tech.

En Europe, la Commission européenne continue de pousser une approche plus stricte, combinant amendes et obligations de conformité via le Digital Markets Act. L’Union n’hésite pas à imposer des changements structurels aux géants du numérique, quitte à provoquer des frictions diplomatiques avec Washington.

Une décision révélatrice d’un dilemme politique

Au fond, ce jugement illustre une tension de plus en plus visible aux États-Unis. D’un côté, l’exigence de réguler des entreprises accusées de verrouiller les marchés et de nuire à la concurrence. De l’autre, la volonté de ne pas freiner l’essor de l’intelligence artificielle, considérée comme un secteur vital pour la compétitivité internationale et la sécurité nationale.

Le plan d’action sur l’IA publié par la Maison-Blanche en juillet 2025 allait déjà dans ce sens, appelant les régulateurs à ne pas prendre de mesures susceptibles de freiner l’innovation. Le jugement de Mehta s’inscrit clairement dans cette logique.

Reste que ce choix politique a un prix : il laisse en place un acteur qui continue de dicter les règles du jeu à l’échelle planétaire.

Conclusion : un faux tournant

La décision du juge Mehta aurait pu marquer une rupture dans la régulation du numérique. Au lieu de cela, elle s’apparente à un compromis qui préserve l’essentiel des pratiques contestées. Si Google devra ajuster certains comportements, son pouvoir sur la recherche en ligne et son alliance stratégique avec Apple demeurent largement intacts.

Pour les régulateurs, le message est inquiétant : même face à des preuves accablantes de monopole, les mesures correctives peuvent se révéler timides. Pour les concurrents, la perspective d’un marché ouvert reste lointaine. Et pour les citoyens, la question de la diversité des choix en ligne reste entière.

La grande inconnue, désormais, est de savoir si l’IA générative, brandie comme argument pour justifier la prudence, deviendra réellement une force de disruption — ou si elle ne fera, au contraire, que renforcer encore la domination des mêmes acteurs.

Sources : DuckDuckGo, décision de justice

Et vous ?

La justice américaine peut-elle réellement contenir la puissance des géants de la tech, ou assiste-t-on à une régulation de façade ?

Le partage de données de recherche imposé à Google peut-il vraiment aider des concurrents comme DuckDuckGo ou Perplexity à émerger ?

L’argument de l’intelligence artificielle comme facteur de mutation du marché justifie-t-il des sanctions moins sévères ?

Apple est-il devenu le grand bénéficiaire caché des procès antitrust visant Google ?

L’Europe, avec le DMA, est-elle mieux armée que les États-Unis pour imposer des règles contraignantes aux Big Tech ?

Les utilisateurs ont-ils réellement le choix de leur moteur de recherche, ou bien la logique des « défauts » verrouille-t-elle toujours le marché ?
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