
tandis que les spécialistes doutent que cela soit réalisable sur le plan technique
Donald Trump s'est lancé dans une croisade contre ce qu'il appelle « l'IA woke » depuis son retour à la Maison Blanche. Il a récemment signé un décret interdisant au gouvernement fédéral d'acquérir « des modèles d'IA qui sacrifient la véracité et l'exactitude au profit d'agendas idéologiques ». Ce décret met en lumière les efforts de Donald Trump pour influencer le comportement idéologique de l'IA, mais certains législateurs affirment qu'il est potentiellement inconstitutionnel. Le décret de Donald Trump sur l'IA déplace la guerre culturelle (et idéologique) entre les conservateurs et les progressistes dans le champ des grands modèles de langage (LLM).
Les tensions politiques habituelles entre conservateurs et progressistes aux États-Unis — sur des thèmes comme le genre, la race ou la liberté d’expression — sont désormais projetées dans le domaine de l’IA. Donald Trump a introduit un nouveau plan d'action gouvernemental en matière d'IA, soutenu par un décret très controversé. Le président cherche ainsi à contrer une supposée influence woke dans la façon dont l'IA est conçue, entraînée ou régulée.
Le décret de Donald Trump comprend deux « principes d'IA impartiaux ». Le premier, appelé « recherche de la vérité », stipule que les grands modèles de langage doivent « être honnêtes dans leur recherche d'informations ou d'analyses factuelles ». Le décret indique notamment : « cela signifie que les modèles doivent donner la priorité à des facteurs tels que l'exactitude historique et la recherche scientifique lorsqu'on leur demande des réponses factuelles.
Le deuxième principe, « neutralité idéologique », stipule que les grands modèles de langage utilisés pour les travaux gouvernementaux doivent être « neutres » et « non partisans » et qu'ils ne doivent pas manipuler les réponses « en faveur de dogmes idéologiques tels que la DEI (diversité, équité, et inclusion) ». Les conservateurs ont accusé ChatGPT d'OpenAI d'être woke, partial et une chambre d'écho pour les valeurs de gauche.
« Nous nous débarrassons de la folie. Le peuple américain ne veut pas d'une folie marxiste dans les modèles d'IA et les autres pays non plus. À partir de maintenant, le gouvernement américain ne traitera qu'avec une IA qui recherche la vérité, l'équité et une stricte impartialité », a déclaré Donald Trump lors de la signature de son décret sur l'IA le 23 juillet. Cela soulève une question importante : l'IA peut-elle être idéologiquement biaisée, ou woke ?
En juillet 2025, le procureur général républicain du Missouri, Andrew Bailey, a ouvert une enquête pour déterminer si Google, Meta, Microsoft et OpenAI sont à l'origine d'une « nouvelle vague de censure » en entraînant leurs systèmes d'IA à donner des réponses biaisées aux questions sur Donald Trump. En mars, les républicains de la Chambre des représentants avaient auditionné des créateurs d'outils d'IA soupçonnés d'avoir censuré les voix de droite.
Cependant, le sénateur Ed Markey (D-Mass) a accusé les républicains de fonder leurs politiques sur des sentiments plutôt que sur des faits, rejoignant ainsi les critiques qui suggèrent que l'IA n'est pas woke simplement à cause de quelques résultats « anecdotiques » qui reflètent un parti pris libéral. Le décret de Donald Trump marque « la première fois que le gouvernement fédéral tente explicitement d'influencer le comportement idéologique de l'IA ».
Le décret de Donald Trump contre l'IA woke est jugé inconstitutionnel
Dans une lettre, le sénateur Ed Markey a averti les dirigeants de Meta, Alphabet, Anthropic, Microsoft, OpenAI et xAI que le programme de Donald Trump en en matière d'IA est « une prise de pouvoir autoritaire » visant à « éliminer la dissidence » et qu'il était à la fois « dangereux » et « manifestement inconstitutionnel ». Il a accusé les républicains d'utiliser le pouvoir d'État pour contraindre les entreprises à adopter certains points de vue politiques.
Le sénateur Ed Markey a déclaré qu'il est hypocrite de la part de Donald Trump d'ignorer « des preuves encore plus flagrantes » qui contredisent les affirmations selon lesquelles l'IA est formée pour être woke, comme le fait qu'Elon Musk ait explicitement confirmé que Grok avait été formé pour être plus à droite.
« Le 1er mai 2025, Grok, le chatbot d'IA développé par xAI, la société d'IA d'Elon Musk, a reconnu que "xAI a essayé de me former pour plaire à la droite" », a-t-il écrit dans sa lettre aux géants de la technologie. « Si ChatGPT d'OpenAI ou Gemini de Google avaient répondu qu'ils avaient été formés pour plaire à la gauche, les républicains du Congrès auraient été scandalisés et auraient ouvert une enquête. Au lieu de cela, ces derniers sont restés silencieux ».
Le sénateur Ed Markey estime que le décret de Donald Trump contre l'IA woke est en violation flagrante du premier amendement. Selon lui, si les fabricants de modèles cèdent, ils permettraient à Donald Trump de créer « d'importantes incitations financières » pour s'assurer que « leurs chatbots d'IA ne produisent pas de discours qui pourraient contrarier l'administration Trump ». Cela pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur la liberté d'expression.
« C'est précisément pour éviter ce type d'ingérence dans la liberté d'expression que la Constitution américaine comporte un premier amendement », a écrit Ed Markey, tout en affirmant que le décret de Donald Trump était dénué de fondement factuel. « Cela repose sur la croyance erronée selon laquelle les chatbots d'IA actuels sont « woke » et ont un parti pris contre Trump », a-t-il écrit, exhortant les entreprises à lutter contre ce décret anticonstitutionnel.
Les développeurs d'IA pourraient contester le décret de Donald Trump
Certains experts partagent l'avis du sénateur selon lequel le décret de Donald Trump est probablement inconstitutionnel ou illégal. Par exemple, Donald Trump pourrait avoir du mal à convaincre les tribunaux que le gouvernement n'interfère pas de manière inadmissible avec la liberté d'expression protégée des développeurs d'outils d'IA ou que cette ingérence est nécessaire pour garantir l'acquisition par le gouvernement fédéral de systèmes d'IA impartiaux.
Il existe une raison majeure pour laquelle les entreprises pourraient devoir résister. Oren Etzioni, ancien PDG de l'institut de recherche à but non lucratif Allen Institute for Artificial Intelligence, a déclaré à CNN que le décret de Donald Trump contre l'IA anti-woke en matière d'IA pourrait contredire la priorité absolue de son plan d'action en matière d'IA, à savoir accélérer l'innovation dans ce domaine aux États-Unis, et menacer en réalité de freiner l'innovation.
Si les développeurs d'IA ont du mal à produire ce que l'administration Trump considère comme des résultats « neutres » – un défi technique que les experts s'accordent à dire qu'il n'est pas simple à relever –, cela pourrait retarder les progrès de l'IA. « Ce genre de chose crée toutes sortes de préoccupations, de responsabilités et de complexité pour les personnes qui développent ces modèles – tout à coup, elles doivent ralentir », a déclaré Oren Etzioni.
Au début de l'été, Grok a choqué le monde entier après qu'Elon Musk ait annoncé qu'il allait mettre à jour le bot afin d'éliminer un prétendu parti pris libéral. Le chatbot a commencé à publier des messages offensants, notamment des propos antisémites louant Hitler et se proclamant « MechaHitler ». Cependant, ces préjugés évidents n'ont pas empêché le Pentagone d'accorder à la société xAI d'Elon Musk un contrat fédéral de 200 millions de dollars.
Un porte-parole du Pentagone a insisté sur le fait que « l'épisode antisémite n'était pas suffisant pour disqualifier » xAI, en partie parce que « plusieurs modèles d'IA de pointe ont produit des résultats discutables ». Pourtant, la guerre des républicains s'appuie sur des erreurs similaires des autres chatbots.
Le programme anti-woke de Donald Trump pourrait être irréalisable
Se conformer à l'ordre pourrait poser des difficultés aux fabricants d'IA pour plusieurs raisons. Ils devront déterminer ce qui relève des faits et ce qui relève de l'idéologie, notamment en ce qui concerne la définition de la DEI. Par exemple, le décret considère comme des idéologies DEI « omniprésentes et destructrices » tous les résultats qui s'alignent sur les protections fédérales de longue date contre la discrimination fondée sur la race ou le sexe.
En outre, les fabricants d'IA devront déterminer ce qui constitue une « suppression ou une distorsion d'informations factuelles » sur des sujets historiques tels que la théorie critique de la race, le racisme systémique ou l'égalité des transgenres. Il s'agit de défis complexes à relever pour les entreprises d'IA.
Selon les experts, la réalisation des ambitions anti-woke en matière d'IA soulève un problème technique auquel même le président doit admettre qu'il n'existe actuellement aucune solution. Dans son plan d'action sur l'IA, Donald Trump a reconnu que « le fonctionnement interne des systèmes d'IA de pointe est mal compris », même les « technologues avancés » étant incapables d'expliquer « pourquoi un modèle a produit un résultat spécifique ».
Reste à voir si le fait d'exiger des entreprises d'IA qu'elles expliquent les résultats de leur IA pour remporter des contrats gouvernementaux perturbera d'autres parties du plan d'action de Donnald Trump. Le sénateur démocrate Ed Markey appelle les entreprises d'IA à contester vivement le décret de Donal Trump et à ne pas devenir les pions du président américain dans ses efforts pour éliminer la dissidence dans le pays ».
Conclusion
Le plan d'action sur l'IA de Donald Trump est fortement aligné avec les intérêts des grandes entreprises technologiques, ce qui suscite des préoccupations. Il vise à supprimer les obstacles réglementaires, accélérer la construction d’infrastructures (centres de données, semiconducteurs, etc.) et renforcer la position américaine face à la Chine. Pour ses partisans, c’est une opportunité de reconquérir le leadership technologique mondial.
Selon Donald Trump et ses alliés, l’IA actuelle censure les opinions conservatrices. Ils citent des exemples comme des réponses biaisées de ChatGPT ou des systèmes de modération sur les réseaux sociaux. Ce plan vise à imposer des modèles d’IA supposés « neutres », mais en réalité alignés sur leur vision politique.
« L'idée même d'atteindre la neutralité idéologique avec les modèles de langage est tout simplement irréalisable. Et qu'obtenons-nous ? Nous obtenons ces laboratoires de pointe qui modifient simplement leur discours pour répondre aux exigences politiques du moment », a déclaré Ryan Hauser du Mercatus Center, un groupe de réflexion sur le libre marché. Les critiques dénoncent ce plan d'action, affirmant qu'il s'agit d'une croisade contre la réglementation.
Source : la lettre du sénateur Ed Markey (PDF)
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