
la souveraineté numérique de nouveau au centre des débats en Europe
Le Parlement néerlandais a approuvé une série de motions appelant le gouvernement à réduire sa dépendance à l'égard des sociétés américaines de logiciels. Il invite le gouvernement à créer une plateforme de services cloud sous contrôle néerlandais. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et le protectionnisme américain relance le débat sur la souveraineté numérique en Europe. Les initiatives visant à permettre aux Européens de se défaire de la dépendance aux géants américains et chinois de la technologie ont jusque-là échoué. En France, après des années de promesses non tenues, le projet d'un cloud souverain semble définitivement enterré.
Souveraineté numérique de l'Europe : un objectif poursuivi depuis des décennies
La question de la souveraineté numérique de l'Europe est débattue depuis des décennies. Cependant, les initiatives ont échoué dans le passé en raison d'un manque d'alternatives européennes viables, du poids de la règlementation, de la fuite des talents, des politiques gouvernementales inefficaces, etc. Les géants américains continuent de dominer le marché européen, hébergeant les données sensibles des Européens malgré leurs pratiques controversées.
Mais les politiques de l'administration Trump semblent avoir suscité chez les Européens l'envie de travailler plus sérieusement sur le sujet. Les législateurs néerlandais ont déclaré que l'évolution des relations avec les États-Unis sous la présidence de Donald Trump a donné une nouvelle urgence à la question.
« La question que nous devons nous poser en tant qu'Européens est la suivante : nous sentons-nous à l'aise avec des personnes telles que Trump, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, et Elon Musk, propriétaire de X, qui régissent nos données ? », a déclaré Marieke Koekkoek du parti pro-européen Volt à Reuters.
Les législateurs néerlandais ont adopté huit motions exhortant le gouvernement à abandonner la technologie américaine au profit d'alternatives locales. Les motions demandent au gouvernement de réexaminer la décision d'utiliser les services Web d'Amazon pour l'hébergement du domaine Internet des Pays-Bas, et de développer des alternatives aux logiciels américains et au traitement préférentiel pour les entreprises européennes dans les appels d'offres publics.
En réaction, Amazon a déclaré que son service de cloud computing est « souverain ». Un porte-parole du géant du cloud computing a expliqué que « les clients ont le contrôle total de l'endroit où ils localisent leurs données, de la manière dont elles sont chiffrées et des personnes qui peuvent y accéder ».
Selon le porte-parole, Amazon a investi plus de 180 milliards d'euros dans l'Union européenne depuis 2010 et emploie plus de 1 000 personnes dans la recherche et le développement et dans les bureaux de l'entreprise aux Pays-Bas, notamment dans les villes d'Amsterdam et de La Haye.
Les législateurs soulignent les risques liés aux transferts de données à l'étranger
Bien que diverses, les motions partagent un thème principal qui appelle le gouvernement à remplacer les logiciels et le matériel fabriqués par les entreprises technologiques américaines. Il invite le gouvernement à conclure de nouveaux contrats avec des entreprises néerlandaises qui offrent des services similaires et, d'une manière générale, à sauvegarder la souveraineté numérique du pays. Selon les législateurs, cela permettra de retenir les talents locaux.
« Avec chaque service informatique que notre gouvernement confie aux géants américains de la technologie, nous devenons plus stupides et plus faibles. Si nous continuons à externaliser toute notre infrastructure numérique à des milliardaires qui préfèrent fuir la Terre en construisant des fusées spatiales, il ne restera plus aucune expertise néerlandaise », a déclaré à The Register la députée néerlandaise Barbara Kathmann, auteure de quatre des motions.
Les mesures de Barbara Kathmann demandent spécifiquement au gouvernement d'arrêter le transfert des données néerlandaises vers les services cloud américains, la création d'un cloud national néerlandais, le rapatriement du domaine de premier niveau .nl vers les systèmes opérant aux Pays-Bas, et la préparation d'un plan d'action pour les technologies de l'information et de la communication aux Pays-Bas.
« Nous avons identifié les causes de notre dépendance totale à l'égard des services américains. Nous devons commencer quelque part. En mettant en pause les migrations irréfléchies vers les hyperscaleurs américains, de nouvelles opportunités s'ouvrent pour les fournisseurs néerlandais et européens », a-t-elle déclaré.
La question de la souveraineté numérique demeure un sujet brûlant en France
Les acteurs européens du cloud sont frustrés par les promesses politiques qui ne sont pas suivies d'actes concrets. Alors que la France possède OVHcloud, considéré comme le leader européen du cloud computing, elle a néanmoins demandé en 2021 l'aide de Google et de Microsoft dans le cadre de sa stratégie dite de « cloud de confiance ». Ce n'est pas tout à fait l'alternative locale rêvée par eurocrates. La situation n'a pas vraiment évolué ces dernières années.
Malgré l'enjeu, la France n'est pas opposée à un certain flirt avec les géants américains du cloud. Avant cela, lors d'un événement à l'Élysée en juin 2021, le président Emmanuel Macron avait déclaré qu'il souhaitait favoriser l'émergence de 10 géants technologiques européens évalués à au moins 100 milliards d'euros d'ici 2030. La déclaration d'Emmanuel Macron avait été applaudie par certains et décriée par d'autres, qui le considèrent comme étant modeste.
En octobre 2021, le PDG de Scaleway, Yann Lechelle, s'est plaint de « messages contradictoires ». Scaleway a quitté le projet de souveraineté des données de l'UE, Gaia-X, le mois suivant. Yann Lechelle s'est inquiété du fait que le projet ne faisait que « renforcer le statu quo » et a noté que certaines nations préféraient continuer à travailler avec les Big Tech américains. Scaleway n'est pas la seule entreprise européenne à avoir exprimé des mécontentements.
En février 2021, les membres du groupe EUCLIDIA ont déclaré qu'ils étaient d'avis qu'il n'était pas nécessaire de reconstruire la souveraineté numérique à partir de zéro, car l'Europe possède un solide héritage technologique. Ils citent les technologies du cloud (conteneurs, services cloud, etc.) inventées dans la région.
Selon eux, il y a un écosystème dynamique de PME qui se battent, avec intelligence et détermination, depuis deux décennies pour rester compétitives sur des marchés majoritairement dominés par une poignée d'acteurs américains, dans le cadre d'une concurrence contestée et contestable.
Les politiques de l'administration Trump préoccupent les législateurs européens
L'initiative du parlement néerlandais intervient alors que l'administration Trump fait monter les tensions avec l'UE. Cette semaine, environ 100 sociétés technologiques et lobbyistes basés dans l'UE ont envoyé une lettre ouverte à la Commission européenne pour lui demander de trouver un moyen de désinvestir l'Union des systèmes gérés par des entreprises américaines en raison de « la dure réalité géopolitique à laquelle l'Europe est désormais confrontée ».
Selon les experts en technologie de l'UE, la position internationale de l'administration Trump devient de plus en plus belliqueuse. Les experts des Pays-Bas, en particulier, tirent la sonnette d'alarme. Le conseiller technique du Conseil électoral néerlandais, Bert Hubert, a averti que l'utilisation des services cloud des entreprises américaines n'est plus sûre pour le gouvernement, ainsi que pour les consommateurs individuels et les entreprises privées.
« La volonté de l'équipe de Trump d'utiliser son monopole Big Tech pour exercer une pression politique sur les...
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