
présentant la situation comme une atteinte à la souveraineté américaine
L’administration Trump, fidèle à sa politique de protectionnisme économique, a menacé d’imposer des tarifs douaniers punitifs aux nations qui envisagent de taxer les géants du numérique américains. Ce bras de fer illustre une nouvelle fois la volonté des États-Unis de défendre leurs entreprises technologiques contre toute tentative d’imposition étrangère, quitte à remettre en question la souveraineté fiscale des autres nations. Cette position radicale soulève de nombreuses interrogations : l’argument de la souveraineté américaine n’est-il pas un prétexte pour protéger les intérêts des Big Tech ? Les États-Unis ne sont-ils pas en train de détourner les principes du commerce international à leur avantage ?
Depuis plusieurs années, de nombreux pays, notamment en Europe, cherchent à imposer les géants du numérique à hauteur de leurs revenus réels. Des entreprises comme Google, Amazon, Facebook et Apple réalisent des profits colossaux grâce aux utilisateurs du monde entier, tout en exploitant les failles fiscales pour déclarer leurs bénéfices dans des juridictions à faible imposition. La mise en place de taxes sur les services numériques vise donc à corriger cette asymétrie et à garantir que ces entreprises contribuent équitablement aux économies dans lesquelles elles opèrent.
Face à cette initiative, Washington a réagi avec une agressivité notable. L’administration Trump a dénoncé ces taxes comme une attaque injuste contre les entreprises américaines, assimilant ces mesures à une violation de la souveraineté des États-Unis. Cet argument est pour le moins paradoxal : en refusant aux autres nations le droit de fixer leur propre fiscalité, Washington impose en réalité sa propre vision du commerce mondial, au mépris du principe même de souveraineté qu’il prétend défendre.
Imposer des droits de douane aux pays qui « osent » taxer les GAFAM
Vendredi dernier, le président des États-Unis, Donald Trump, a publié un mémorandum suggérant d'imposer des droits de douane aux pays qui osent taxer les grandes entreprises technologiques.
Le mémorandum mentionne que les taxes sur les services numériques (DST pour Digital Service Tax) ont été introduites pour capter les bénéfices des revenus que les entreprises technologiques génèrent dans un pays mais perçoivent dans un autre. Netflix est souvent cité comme exemple de la nécessité de ces taxes, car nombre de ses clients dans le monde entier payaient leurs abonnements à une entité située aux Pays-Bas. Les gouvernements ont fait valoir que cela n'était pas approprié car Netflix vendait à leurs citoyens, qui consommaient les services du spécialiste du streaming vidéo sur leur territoire, et qu'un abonnement à Netflix représentait donc une activité économique dans leur juridiction qui devait être taxée comme n'importe quelle autre.
Une autre raison pour laquelle les DST ont été envisagées est que le système néerlandais de Netflix, comme beaucoup d'autres structures utilisées par les grandes entreprises technologiques, sont des efforts fiscaux légaux mais cyniques visant à réduire leurs factures fiscales à des niveaux bien inférieurs à ceux que paient les entreprises locales.
L'OCDE a mis au point des mesures visant à empêcher les multinationales d'utiliser de telles tactiques, qui ont été largement adoptées sans pour autant mettre un terme à toutes les astuces fiscales des grandes entreprises technologiques. Le DST a été présenté comme nécessaire - peut-être temporairement - pendant que l'approche de l'OCDE était développée et adoptée.
L'opposition de Trump à ces taxes sur les services numériques n'est pas nouvelle
L'administration Biden estimait qu'elles ciblaient de manière disproportionnée les entreprises américaines et menaçait d'imposer des droits de douane de 25 % si elles n'étaient pas supprimées. Le Royaume-Uni et l'Europe ont abandonné certaines de ces taxes, tout comme l'Inde.
Les droits de douane sont de nouveau à l'ordre du jour en ce qui concerne les taxes sur les services numériques restantes.
Donald Trump en a indiqué le but :
« Ces dernières années, le produit intérieur brut de la seule économie numérique des États-Unis, tirée par les entreprises technologiques américaines de pointe, a été plus important que l'ensemble de l'économie de l'Australie, du Canada ou de la plupart des membres de l'Union européenne. Au lieu d'autonomiser leurs propres travailleurs et économies, les gouvernements étrangers ont de plus en plus exercé une autorité extraterritoriale sur les entreprises américaines, en particulier dans le secteur de la technologie, entravant le succès de ces entreprises et s'appropriant des revenus qui devraient contribuer au bien-être de notre nation, et non au leur.
« À partir de 2019, plusieurs partenaires commerciaux ont adopté des taxes sur les services numériques (DST) qui pourraient coûter des milliards de dollars aux entreprises américaines et dont les représentants des gouvernements étrangers admettent ouvertement qu'elles sont conçues pour piller les entreprises américaines. Les pays étrangers ont en outre adopté des réglementations régissant les services numériques qui sont plus lourdes et plus restrictives pour les entreprises américaines que pour leurs propres entreprises nationales. D'autres régimes juridiques étrangers limitent les flux de données transfrontaliers, obligent les services de diffusion en continu américains à financer des productions locales et imposent des frais d'utilisation du réseau et de terminaison d'appel sur Internet. Toutes ces mesures violent la souveraineté américaine et délocalisent les emplois américains, limitent la compétitivité mondiale des entreprises américaines et augmentent les coûts opérationnels américains tout en exposant nos informations sensibles à des régulateurs étrangers potentiellement hostiles.
« Mon administration ne permettra pas que les entreprises et les travailleurs américains, ainsi que les intérêts économiques et de sécurité nationale des États-Unis, soient compromis par des politiques et des pratiques unilatérales et anticoncurrentielles de gouvernements étrangers. Les entreprises américaines ne soutiendront plus les économies étrangères en faillite par des amendes et des taxes exorbitantes ».
Le document demande également aux autorités américaines de prendre en compte les DST dans leur rapport sur les mesures fiscales de l'OCDE mentionnées ci-dessus, qui, selon Trump, pénalisent injustement les entreprises américaines.
Le mémorandum charge le représentant américain au commerce d'« identifier les outils que les États-Unis peuvent utiliser pour obtenir des partenaires commerciaux un moratoire permanent sur les droits de douane sur les transmissions électroniques ». On ne sait pas quand ces outils seront identifiés et mis en œuvre.
Toutefois, l'intention de l'administration est claire : les grandes entreprises technologiques ne devraient pas être taxées par un pays autre que les États-Unis, qui eux-mêmes peinent à taxer leurs plus grandes entreprises technologiques grâce aux systèmes de minimisation fiscale que l'accord de l'OCDE a été conçu pour contrer.
Taxes sur les services numériques en Europe
Une tactique protectionniste déguisée
En menaçant de sanctions commerciales les pays qui osent taxer les Big Tech, l’administration Trump renforce sa stratégie protectionniste. Ce chantage aux tarifs douaniers n’est pas sans rappeler les tensions commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne ou la Chine, où la Maison-Blanche a systématiquement utilisé la menace des barrières tarifaires comme levier de négociation.
Cependant, la posture américaine ne repose pas uniquement sur une volonté de préserver sa domination économique. Elle reflète aussi l’influence grandissante des Big Tech dans la sphère politique américaine. Ces entreprises ont exercé un lobbying intense pour empêcher toute forme de taxation internationale. En retour, elles bénéficient d’une protection quasi-inconditionnelle de la part de Washington. Cette collusion entre pouvoir politique et intérêts privés met en lumière les dérives d’un capitalisme de connivence où l’État ne défend plus seulement les intérêts nationaux, mais aussi ceux de groupes ultra-puissants.
Un risque d’escalade commerciale
Cette politique pourrait néanmoins se retourner contre les États-Unis. Face aux menaces américaines, plusieurs pays, dont la France, ont maintenu leur volonté d’instaurer une taxe sur les services numériques. L’Union européenne a également commencé à explorer la possibilité d’une taxation commune au niveau continental. Si les États-Unis persistent dans leur logique de sanctions, ils risquent d’entraîner une escalade commerciale nuisible à l’économie mondiale.
De plus, cette posture unilatérale isole Washington sur la scène internationale. L’OCDE, qui tente de négocier un cadre fiscal global pour le numérique, voit ses efforts compromis par l’intransigeance américaine. À long terme, cette attitude pourrait affaiblir l’influence des États-Unis, en incitant d’autres nations à créer des alliances fiscales et commerciales alternatives.
Une défense de la souveraineté à géométrie variable
L’ironie de cette affaire réside dans l’argument de la souveraineté brandi par l’administration Trump. En imposant un veto sur la taxation des Big Tech, les États-Unis refusent aux autres États le droit de décider de leur propre politique fiscale. Cette contradiction révèle une vision hégémonique du commerce international, où la souveraineté des uns doit s’effacer devant les intérêts économiques des autres.
Alors que le débat sur la fiscalité numérique continue de diviser la communauté internationale, une question demeure : les États-Unis continueront-ils à sacrifier les principes du multilatéralisme pour protéger leurs champions technologiques ? Si tel est le cas, ils risquent de voir émerger un front international déterminé à contrer cette domination, au prix d’une fragmentation accrue du commerce mondial.
Source : Donald Trump
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