Pavel Dúrov, PDG de Telegram, a été arrêté en France en août dans le cadre d’une enquête policière sur d’éventuelles responsabilités dans divers délits liés au manque de modération de Telegram et pour non-coopération avec les autorités. La justice française considère que la confidentialité et le manque de modération font de Telegram un outil très attractif pour les trafiquants de drogue, les pédophiles et les terroristes.
Une découverte glaçante
Les enquêteurs en Allemagne ont mis au jour l’existence de ce groupe après une investigation approfondie sur des réseaux de prédateurs en ligne. Les discussions révélées dans ce groupe Telegram étaient d’une violence inouïe : elles allaient de descriptions de méthodes pour droguer des victimes à des témoignages sordides d’agressions sexuelles commises et planifiées. Certains participants y échangeaient des vidéos non consenties, tandis que d’autres partageaient des recommandations pour éviter de se faire attraper.
Dans ces groupes, des participants partageaient même des liens vers des magasins où l’on pouvait se procurer des stupéfiants déguisés en produits de beauté.
En particulier, l’existence d’un groupe Telegram a été révélée. Un groupe dans lequel plus de 70 000 hommes à travers le monde partageaient des informations sur la manière d’endormir et d’agresser sexuellement les femmes.
La simplicité avec laquelle ces individus opéraient sur Telegram interpelle. Protégés par l’anonymat offert par l’application, ils agissaient dans un sentiment d’impunité totale, exploitant une plateforme qui, selon eux, garantissait leur sécurité contre toute intervention des autorités.
Telegram dans la tourmente
Depuis plusieurs années, Telegram est critiqué pour son rôle dans la diffusion de contenus illicites. Si l’application se targue d’offrir une confidentialité à ses utilisateurs, cette protection est devenue une arme à double tranchant, permettant aux criminels de prospérer dans des zones d’ombre numériques. Cette affaire, comme d'autres, met en lumière les limites des politiques de modération de Telegram.
En France, le PDG de Telegram, Pavel Dourov, est directement pointé du doigt. Bien que l’entreprise se soit défendue en affirmant que les groupes tels que celui-ci violent ses règles d’utilisation, beaucoup estiment que Telegram ne fait pas assez pour prévenir ou démanteler ce type de réseau. Des experts en cybersécurité dénoncent l’absence de mécanismes robustes pour identifier et signaler ces groupes, soulignant que l’entreprise semble prioriser la protection des données au détriment de la sécurité des utilisateurs.
Telegram : une sorte de nouveau darknet pour les criminels et les trafiquants
Avant l'ascension de Telegram, les criminels se regroupaient généralement dans des zones d'Internet connues sous le nom de « darknet ». Ces sites ne sont pas indexés par les navigateurs Web et ne sont accessibles qu'à l'aide d'un logiciel spécifique qui masque l'identité des utilisateurs. Les utilisateurs réguliers d'Internet les rencontrent rarement. Un exemple bien connu est celui du marché noir en ligne Silk Road, qui a été démantelé depuis. Silk Road utilisait le bitcoin et le réseau Tor afin d'assurer l'anonymat à la fois des acheteurs et des vendeurs, dans le cadre de vente de produits illicites, notamment des stupéfiants.
Les sites du darknet sont parfois lents, avec des interfaces encombrantes et des serveurs vulnérables aux opérations de démantèlement des forces de l'ordre. Telegram est rapide et fonctionnel, avec des fonctions qui facilitent l'achat et la vente d'articles directement sur l'application. L'utilité de Telegram a donné un coup de fouet à plusieurs types d'activités criminelles présumées, en particulier la vente de données personnelles volées et de matériel pédopornographique.
« Telegram marque la prochaine itération après qu'Internet a permis aux pédophiles de se regrouper en ligne », a déclaré Dan Sexton, directeur de la technologie à l'Internet Watch Foundation (IWF), un groupe britannique spécialisé dans les abus sexuels sur les enfants. L'IWF a constaté que les sites Web qui vendent du matériel pédopornographique dirigent les internautes vers Telegram pour échanger des informations financières et effectuer des transactions.
Contrairement à d'autres entreprises de médias sociaux telles que Meta et Snap, Telegram ne signalait pas les images d'abus sexuels d'enfants à l'IWF ou à son homologue américain, le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC). Dans ses discussions avec Telegram, l'IWF a encouragé l'entreprise à devenir membre, ce qui lui donnerait accès à sa vaste base de données d'images d'abus étiquetées afin d'empêcher les délinquants de les partager davantage.
Pavel Durov a déclaré que l'application transmettra les données de ses utilisateurs aux gouvernements afin d'arrêter les criminels
Pavel Durov a été arrêté par la police française à l’aéroport du Bourget, au nord de Paris, le soir du 24 août. Cette arrestation a fait suite à une enquête portant sur une série de chefs d'accusation, dont la complicité de détention et de partage d'images pédopornographiques, la complicité de trafic de stupéfiants ainsi que le blanchiment en bande organisée.
Après avoir résisté un moment, il a capitulé :
« Si Telegram reçoit un ordre valide des autorités judiciaires compétentes confirmant que vous êtes un suspect dans une affaire impliquant des activités criminelles qui violent les conditions d'utilisation de Telegram, nous effectuerons une analyse juridique de la demande et pourrons divulguer votre adresse IP et votre numéro de téléphone aux autorités compétentes », a indiqué l'application dans une mise à jour en septembre.
Dans une publication sur Telegram, Pavel Durov explique que l'entreprise apporte ces modifications afin de « dissuader les criminels d'abuser » de la fonction de recherche de l'application. La fonction de recherche de Telegram permet aux utilisateurs de rechercher des canaux publics et des bots, mais Pavel Durov affirme qu'elle a été utilisée de manière abusive par des personnes « pour vendre des produits illégaux ».
« Nous avons clairement indiqué que les adresses IP et les numéros de téléphone de ceux qui enfreignent nos règles peuvent être divulgués aux autorités compétentes en réponse à des demandes légales valables », écrit Pavel Durov dans un message publié sur son canal Telegram. « Nous ne laisserons pas de mauvais acteurs mettre en péril l'intégrité de notre plateforme pour près d'un milliard d'utilisateurs. »
Libéré, il lui est interdit de quitter la France. Dúrov a revendiqué, ce mois-ci, le travail de modération que son équipe effectue sur Telegram pour qu’elle reste une plateforme sûre. Il a assuré que, chaque mois, ses équipes suppriment un million de chaînes et de groupes et plus de 10 millions d’utilisateurs qui enfreignent les règles d’utilisation.
Les nouvelles politiques de confidentialité de Telegram sont jugées inutiles par les expertsFor years, our moderation team removed as many as 1M+ channels and 10M+ users every month. Their hard work stayed behind the scenes — until now.
— Pavel Durov (@durov) December 12, 2024
We’ve launched a new page showcasing their efforts over the years: https://t.co/KH6W4OR1HM 🚫🧹
Telegram serait devenu un bastion pour les groupes qui incitent à la violence contre les juifs et Israël. Une analyse révèle que le jour des attentats, les messages antisémites ont augmenté de 433,76 %, passant d'une moyenne de 238,12 à 1 271 par jour. Bien que ce pic ait diminué, la moyenne actuelle de 321,22 messages quotidiens reste nettement supérieure aux niveaux d'avant les attentats. L'étude fait suite à un précédent rapport selon lequel des milliers de chaînes Telegram vendent des identités volées, des drogues illicites et du matériel pédopornographique, faisant de l'application de messagerie chiffrée un nouveau type de darknet pour les criminels.
Selon Arik Segal, fondateur et PDG de Conntix, un cabinet de conseil qui facilite une communication efficace et constructive sur les plateformes virtuelles, la lutte contre la haine nécessite des changements juridiques et technologiques coordonnés afin de protéger la liberté d'expression tout en mettant un terme à l'antisémitisme. Il a souligné comment et pourquoi les changements récents apportés par Telegram en matière de confidentialité n'auront pas l'effet escompté.
Envoyé par Arik Segal
David Strom, un expert technique spécialisé dans le domaine des technologies numériques, affirme : « Telegram a intérêt à être plus réactif, sinon elle se verra infliger des amendes massives. Je pense que les entreprises qui dépendent de Telegram pour leurs communications passeront à des courriels fortement chiffrés et à des VPN qui ne partagent pas les données des utilisateurs et migreront de Telegram à Signal pour la messagerie ». Il doute aussi que l'IA puisse aider.
Source : modération de Telegram
Et vous ?
Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Quelle part de responsabilité revient aux plateformes comme Telegram dans la lutte contre les comportements criminels en ligne ?
Les utilisateurs ont-ils un rôle à jouer pour signaler ces groupes ? Comment encourager cette mobilisation ?
Que pensez-vous des nouvelles politiques de confidentialité de Telegram ?
Cette situation saurait-elle, selon vous, justifier l'intervention de la justice, qui a estimé qu'il y avait un problème suffisamment préoccupant sur Telegram pour inculper son PDG ?