Apple affirme qu'il ne peut pas se permettre de perdre son partenariat avec Google
Le lundi 23 décembre 2024, Apple a déposé des documents pour participer à l'action antitrust victorieuse du ministère américain de la Justice (DOJ) contre Google. L'affaire est maintenant dans la phase de sanction. Google devra procéder à d'importants changements commerciaux, tels que la fin des accords de recherche par défaut sur des appareils tels que les iPhone, ce que Google accepte. Mais pour Apple, pas question de renoncer à cette manne financière.
Les détails spécifiques du contrat entre Apple et Google ne sont pas connus, ce qui laisse place à de nombreuses spéculations. Toutefois, dans les grandes lignes, l'accord permet au moteur de recherche de Google d'être le choix présélectionné (par défaut) sur l'iPhone et d'autres appareils Apple. Il est considéré par les experts comme l'un des accords commerciaux les plus lucratifs de l'histoire, et rapporterait à Apple pas moins de 20 milliards de dollars par an.
Apple n'a pas précisé un montant spécifique dans son dossier. Toutefois, pour Apple, 20 milliards de dollars représentent environ 16 % du bénéfice d'exploitation déclaré pour l'exercice fiscal de la société qui s'est achevé en septembre 2024. De plus, les analystes affirment également que les paiements effectués par Google représentent un profit presque pur pour Apple, étant donné que les coûts supplémentaires pour générer ces revenus sont relativement faibles.
Par conséquent, dans son dossier déposé auprès du tribunal, Apple s'oppose catégoriquement à la suppression de l'accord. Son argument va toutefois au-delà de ses propres résultats. Apple a fait valoir que « l'exclusion de Google en tant qu'option de recherche par défaut sur ses appareils nuirait aux consommateurs qui préfèrent massivement le produit de Google ». De son côté, Google est d'accord pour réviser les accords d'exclusivité conclus avec les partenaires.
Pour justifier les milliards versés par Google, le fabricant de l'iPhone ajoute : « inclure Google sans que Google paie pour ce privilège créerait un résultat pervers sur le marché en offrant une manne à l'acteur dominant du marché de la recherche ». En gros, Apple affirme qu'il veut à la fois protéger ses intérêts commerciaux et l'expérience de ses utilisateurs. Le fabricant de l'iPhone a aussi laissé entendre que le marché de la recherche n'est pas à sa portée.
« Apple s'est engagée dans d'autres domaines de croissance et ne souhaite pas engager des coûts importants dans un domaine présentant un risque substantiel. On ne peut pas s'attendre à ce qu'Apple investisse dans la recherche générale maintenant, car les progrès de l'IA pourraient réduire à néant tout effort avant même qu'un [moteur de recherche général] viable puisse voir le jour », peut-on lire dans son dossier déposé par Apple auprès du tribunal.
Google tente de s'imposer des restrictions pour échapper à des mesures plus strictes
En août 2024, le juge fédéral américain Amit Mehta a statué que Google détient un monopole illégal sur le marché de la recherche en ligne. Ce jugement fait suite à une action en justice initiée en 2020 par le ministère américain de la Justice (DOJ) et onze États américains, accusant Google de pratiques anticoncurrentielles visant à maintenir son monopole. Le DOJ a proposé un certain nombre de mesures qui, d'après lui, devraient briser le monopole de Google.
Plus précisément, le DOJ exige de Google qu'il vende son navigateur Web Chrome, syndique ses résultats de recherche et évite les accords d'exclusivité avec des entreprises comme Apple pour le placement par défaut des recherches. Il a même laissé ouverte la possibilité de forcer la vente de la division Android. Google Search, Chrome et Android sont trois des principaux produits qui permettent à Google de dominer le marché mondial de la recherche en ligne.
Google n'est évidemment pas d'accord avec la décision du juge Amit Mehta selon laquelle l'entreprise détient un monopole et prévoit de faire appel. Le géant de Mountain View s'est également fortement opposé aux mesures du DOJ, l'accusant de vouloir contrôler de manière agressive le marché de la recherche. Le 20 décembre 2024, Google a répondu au DOJ avec une contre-proposition, dont les mesures sont moins radicales. Google propose au DOJ :
- la modification des accords de distribution : Google propose de limiter, pendant une période de trois ans, les accords qui lient la licence de Chrome, de la recherche ou du Play Store à la préinstallation d'autres applications Google. L'entreprise pense que cela offrirait aux fabricants d'appareils et aux opérateurs de télécommunications une plus grande flexibilité dans le choix des applications à installer par défaut ;
- la fin des accords d'exclusivité : Google s'engage à mettre fin aux accords d'exclusivité qui imposent Google Search comme moteur de recherche par défaut, ce qui, selon l'entreprise, permettra à d'autres moteurs de recherche de gagner en visibilité ;
- la dissociation des applications Android : Google propose de dissocier certaines de ses applications sur les appareils Android pour permettre aux fabricants de préinstaller des applications concurrentes sans obligation d'inclure des applications Google spécifiques ;
- la surveillance interne renforcée : Google prévoit de mettre en place des mécanismes internes pour garantir le respect des décisions de justice, tout en limitant l'ingérence gouvernementale dans l'expérience utilisateur.
Les procureurs américains ont proposé dix ans de restrictions, mais la contre-proposition de Google ne porte que sur trois ans. La société affirme qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin, car « le rythme de l'innovation dans le domaine de la recherche a été extraordinaire et que réglementer un secteur en évolution rapide comme celui de la recherche ralentirait l'innovation ». Beaucoup sont impatients de connaître la décision du juge Amit Mehta dans cette affaire.
Potentielles implications d'une décision judiciaire en faveur de la proposition de Google
Avec sa contre-proposition, Google tente d'influencer les réflexions du juge Amit Mehta. Si le tribunal accepte la proposition simplifiée de Google plutôt que celle du ministère américain de la Justice, l'entreprise pourrait perdre certains contrats lucratifs ou stratégiquement avantageux, mais ses activités resteraient intactes. Elle n'aurait pas à se séparer de son navigateur Chrome et ne serait pas sous la menace d'une ordonnance de désinvestissement d'Android.
Il n'aurait pas non plus besoin de partager les signaux sous-jacents qui l'aident à déterminer comment fournir des résultats de recherche utiles, afin que ses rivaux puissent rattraper leur retard et exercer une véritable pression concurrentielle, comme l'espère le ministère américain de la Justice. Les propositions de Google et du ministère américain de la Justice sont essentiellement des points de départ à partir desquels le juge Amit Mehta peut travailler.
Cependant, Google fait le pari qu'il lui sera plus facile de faire accepter une proposition simple qui s'attaque à un problème majeur et spécifique soulevé les procureurs américains au cours du procès. La société affirme que les propositions du gouvernement américain sont extrêmes et vont au-delà de la portée de la décision antérieure du juge. Google espère d'ailleurs que la décision rendue par le juge Amit Mehta en août 2024 sera annulée en appel.
La tactique de Google a été mal reçue par ses rivaux, en particulier le moteur de recherche DuckDuckGo. « La proposition de Google vise à maintenir le statu quo et à changer le moins de choses possible », a déclaré Kamyl Bazbaz, porte-parole de Google, dans un communiqué. Les deux parties plaideront leur cause devant un tribunal fédéral à Washington, DC, à partir du 22 avril 2025. De nombreux concurrents de Google devraient témoigner lors de l'audience.
Le ministère américain de la Justice prévoit de faire comparaître des témoins de Microsoft, OpenAI et Perplexity AI. OpenAI propose ChatGPT Search, un moteur de recherche propulsé par l'IA. Perplexity AI développe également un produit similaire. ChatGPT Search et Perplexity AI sont des moteurs de recherche d'un nouveau genre, plus précisément des « moteurs de réponses », qui s'affichent comme des concurrents sérieux de Google et menace son empire.
Le ministère américain de la Justice a déclaré que « forcer Google à vendre Chrome conduirait à un marché des moteurs de recherche plus équitable et mettrait définitivement fin au contrôle de Google sur ce point d'accès essentiel à la recherche et permettrait aux moteurs de recherche rivaux d'accéder au navigateur qui, pour de nombreux utilisateurs, constitue une passerelle vers le Web ». Google affirme toutefois que cela nuirait aux consommateurs.
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