En vertu de la loi californienne AB2426, les fournisseurs de services en ligne comme Steam doivent expliquer, de manière visible et en langage clair, que le bien numérique est une licence. C'est ce que Valve a ajouté à sa page de panier avant que l'application de ces conditions ne commence l'année prochaine. La société a longtemps précisé, au plus profond de son contrat de licence utilisateur final (CLUF), qu'un achat est une licence, et que ces licences ne peuvent être revendues, ce qui évite les problèmes liés au droit de revente d'un jeu. Désormais, c'est quelque chose que chaque utilisateur voit sur chaque achat, quelle que soit la rapidité avec laquelle il clique pour accéder à son téléchargement.
Ubisoft demande aux gamers d’être à l’aise avec cet état de choses et ses inconvénients
Ubisoft veut que les gamers soient « à l’aise avec le fait de ne pas posséder de copies physiques de leurs jeux. » L’éditeur de jeux vidéo est d’avis que « c’est un état d’esprit cohérent avec le fait que les gens se sont habitués à des services comme Netflix au détriment de leurs CD et DVD » et en sus au motif de ce que la formule des abonnements est appelée à monter encore plus en puissance dans la filière.
En effet, l’une des conséquences de l’achat d’un logiciel ou d’un jeu vidéo est d’en devenir le possesseur. Mais la donne change avec la formule des abonnements renforcée par des dispositions légales comme AB2426. L’acquéreur perd le statut de propriétaire. En effet, il suffit que les serveurs de l’éditeur ne soient plus disponibles pour que ce dernier se trouve dépossédé de ce qui est en principe son bien. De plus, les abonnements rendent la préservation des jeux impossibles pour ceux qui voudraient profiter de certains titres des années plus tard.
La question de l'héritabilité des jeux numériques a fait l'objet d'un regain d'attention via une réponse du service d'assistance de Steam concernant le transfert de la propriété d'un compte Steam par le biais d'un testament. « Malheureusement, les comptes et les jeux Steam ne sont pas transférables », peut-on lire dans la réponse. « L'assistance Steam ne peut pas fournir à quelqu'un d'autre l'accès au compte ou fusionner son contenu avec un autre compte. J'ai le regret de vous informer que votre compte Steam ne peut pas être transféré par testament. »
Il pourrait néanmoins y avoir une solution partielle, physique, pour les utilisateurs de Steam qui lèguent un ordinateur sur lequel sont installés des titres téléchargés. Dans un article paru en 2013 dans le Santa Clara High Technology Law Journal, l'auteur Claudine Wong écrit que « le contenu numérique est transférable aux survivants d'un utilisateur décédé si des copies légales de ce contenu se trouvent sur des appareils physiques, tels que des iPods ou des lecteurs électroniques Kindle. » Mais si ce descendant voulait télécharger ces jeux sur un autre appareil ou les réinstaller en cas de défaillance du disque dur, il n'aurait légalement pas de chance.
La situation s’étend au-delà de la sphère des jeux vidéo en ligne
À l'époque des VHS, des DVD et des Blu-ray, lorsqu'une personne achetait un film dans un magasin, il lui appartenait tant qu'il était lisible. Et même à l'ère numérique, avant la diffusion en continu, les gens pouvaient - et peuvent encore généralement - acheter des fichiers de films, d'émissions de télévision et de musique. À l'exception des verrous de gestion des droits numériques placés par certaines entreprises sur ces fichiers, vous pouviez généralement continuer à les lire tant que vous disposiez d'un lecteur capable de les lire. Aujourd'hui, à l'ère du streaming, la propriété est largement soumise aux conditions générales que les gens ne lisent souvent pas.
De telles dispositions sont assez courantes dans les entreprises technologiques. Les clients peuvent louer ou acheter des films par l'intermédiaire d'Amazon Prime, et les conditions d'utilisation de l'entreprise stipulent que le contenu « restera généralement disponible pour le téléchargement ou la lecture en continu ... mais peut devenir indisponible ... Amazon ne sera pas responsable envers vous. »
L'application iTunes d'Apple, qui permet aux utilisateurs de télécharger les fichiers qu'ils ont achetés, contient une clause similaire et indique que, même s'il est peu probable que le contenu devienne indisponible, les utilisateurs doivent « s'assurer de pouvoir continuer à profiter du contenu » en téléchargeant tous les achats sur un appareil et en effectuant des sauvegardes.
En mars, le développeur de jeux Ubisoft a scandalisé les fans du jeu de course en ligne The Crew, vieux de dix ans, en fermant l'accès aux clients qui avaient payé pour le jeu. Ubisoft a justifié sa décision en affirmant qu'elle lui permettrait de concentrer ses ressources sur des titres plus récents ou plus populaires.
C’est la raison pour laquelle des gamers ont lancé une pétition pour pour demander qu'un jeu vidéo qui requiert une connexion aux serveurs d'un éditeur reste fonctionnel en fin de vie
L’initiative est celle des citoyens et résidents permanents du Canada qui portent la question devant leur Parlement afin d'obtenir une loi stipulant que, lorsque le support côté serveur d'un logiciel est interrompu, les entreprises doivent le laisser dans un état fonctionnel et supprimer les connexions obligatoires à des serveurs -- des services qui n'existent plus.
La pétition va même plus loin en demandant au gouvernement d'adopter une loi interdisant aux éditeurs de forcer les utilisateurs à renoncer à leurs droits au travers des conditions d’utilisation de leur service.
Le lancement de la pétition fait suite à un certain nombre de constats :
- un nombre croissant d'entreprises exigent une connexion Internet constante directement à l'éditeur pour que leurs jeux vidéo soient jouables ;
- orsque les entreprises mettent fin au support de ces jeux, elles rendent souvent toutes les copies achetées injouables, une pratique qui n'est pas courante avec les jeux traditionnels ;
- les entreprises peuvent mettre en œuvre l'obsolescence planifiée en retenant des composants essentiels et en empêchant ainsi les consommateurs de réparer leurs copies de jeux ;
- cette pratique prive les consommateurs de leurs droits de propriété fondamentaux tout en empêchant les efforts de restauration et de préservation de leurs jeux ;
- cette situation n'est pas clairement couverte par le droit existant et, en tant que telle, les agences de protection des consommateurs ne sont pas équipées pour traiter ce problème.
Et vous ?
Que pensez-vous de cette mode des abonnements qui va en s’imposant dans l’univers de la technologie ?
Quel commentaire faites-vous de cette initiative des citoyens et résidents permanents canadiens ?
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