Un ancien cadre de Google envisageait d'écraser les autres réseaux publicitaires
Google, filiale du groupe Alphabet, s'est présenté au tribunal en début de semaine pour répondre aux accusations du DOJ selon lesquelles la société manipule le marché de la publicité en ligne, d'une valeur de 677 milliards de dollars, en violation des lois antitrust. Mercredi, les procureurs américains ont présenté au tribunal ce qu'ils considèrent comme des preuves de la façon dont les employés de Google pensaient aux produits de l'entreprise. Selon des notes rapportées par Reuters, ces preuves sont basées sur les déclarations antérieures de l'ancien président de la publicité par affichage de Google, David Rosenblatt.
« Nous serons en mesure d'écraser les autres réseaux et c'est notre objectif », aurait-il déclaré au sujet de la stratégie de Google à la fin de 2008 ou au début de 2009. Rosenblatt est arrivé chez Google en 2008, lors de l'acquisition de DoubleClick, son ancienne société de technologie publicitaire, et l'a quitté l'année suivante. Son intervention semble le montrer en train de discuter des avantages de posséder des technologies des deux côtés et au milieu du marché.
Rosenblatt aurait dit : « nous sommes à la fois Goldman et NYSE [New York Stock Exchange]. Google a créé ce qui est comparable au NYSE ou à la Bourse de Londres. En d'autres termes, nous ferons pour l'affichage ce que Google a fait pour la recherche. En possédant les serveurs publicitaires des éditeurs, le réseau publicitaire de l'annonceur aurait un premier regard sur les espaces publicitaires qui sont disponibles ». Les notes montrent qu'il est allé encore plus loin.
Rosenblatt aurait déclaré que c'était « un cauchemar » pour les éditeurs de changer de plateforme. « Il faut un acte de Dieu pour le faire », a-il déclaré à l'époque, d'après les notes. Ces notes semblent étayer l'accusation du DOJ selon laquelle Google a tenté de monopoliser les marchés des serveurs publicitaires des éditeurs et des réseaux publicitaires des annonceurs, et de dominer le marché des échanges d'annonces qui se situent au milieu de ces marchés.
Google a rejeté les allégations, affirmant qu'il est confronté à une concurrence féroce de la part des entreprises rivales de publicité numérique, telles que Microsoft, Amazon et Meta, qui offrent également une suite intégrée de produits pour les annonceurs et les éditeurs. Google évoque en outre la concurrence des plateformes de médias sociaux comme TikTok. Rosenblatt, aujourd'hui PDG d'un marché du luxe en ligne appelé 1stDibs, n'a pas voulu commenter l'affaire.
Brad Bender, un autre ancien cadre de DoubleClick, qui a travaillé chez Google jusqu'en 2022, a suggéré que les propos de Rosenblatt étaient une « métaphore ». Lors du contre-interrogatoire de Bender, les avocats de Google ont souligné que Rosenblatt avait travaillé dans l'entreprise pendant moins d'un an et qu'il l'avait quittée peu de temps après avoir tenu ces propos. Google a déclaré lors du procès que ces outils favorisent « une concurrence équitable ».
Le procès antitrust du DOJ menace de démanteler l'activité publicitaire de Google
L'enjeu de ce procès est considérable. Si la juge américaine Leonie Brinkema estime que Google a enfreint la loi, elle pourrait prendre en considération la demande des procureurs américains qui consiste à obliger Google à vendre Ad Manager, la plateforme qui comprend le serveur d'annonces pour les éditeurs et le système d'échange d'annonces de la société. Google affirme que cette issue aurait des conséquences dramatiques. Mercredi, les avocats de Google ont demandé à Bender d'expliquer la façon dont les outils d'achat d'annonces de Google sont intégrés à des plateformes telles que YouTube et les annonces mobiles.
Le DOJ a fait appel au témoin expert R. Ravi, professeur d'informatique à Carnegie Mellon, pour expliquer la façon dont Google pouvait remporter des enchères publicitaires en offrant des remises et des suppléments. Comme souligné plus haut, Google est accusé d'avoir monopolisé le marché de la publicité. Selon le DOJ, le système mis en place par Google lui permet de soutirer plus d'argent aux annonceurs, tout en reversant le moins possible aux éditeurs.
Le témoignage de Ravi a permis de révéler que le projet Poirot, une initiative de Google a eu un tel succès que la bourse d'échange de Google a vu les dépenses publicitaires augmenter de 7 %, tout en réduisant les dépenses des bourses d'échange concurrentes telles que Pubmatic (-30,2 %), OpenX (-28,5 %), et Rubicon (-9,9 %). Le DOJ accuse le projet Poirot d'avoir fait baisser les offres envoyées aux bourses d'échange concurrentes, ce que Google dément.
Lors du procès mercredi, Google a fait valoir que les inquiétudes concernant le spam, les logiciels malveillants et la fraude publicitaire justifiaient le fait que son réseau d'annonces reste exclusif à sa plateforme d'échange. Jed Dederick, directeur des recettes de The Trade Desk, a été le dernier à témoigner mercredi sur les défis auxquels The Trade Desk a été confronté sur le marché de l'affichage. The Trade Desk est une société technologique multinationale américaine.
The Trade Desk est spécialisé dans les technologies, produits et services d'automatisation du marketing programmatique en temps réel. « Bien que The Trade Desk soit le deuxième plus grand DSP et l'un des concurrents les plus redoutables de Google, il n'a toujours pas réussi à développer son activité d'affichage au même rythme que les autres parties de son activité en raison de l'échelle presque impossible à surpasser de Google », a déclaré Dederick.
À ce stade du procès, la juge Brinkema a posé la question suivante : « si Google était divisé dans 30 directions différentes, le manque d'échelle qui en résulterait serait-il un problème pour les éditeurs ? ». Dederick a dit qu'il est difficile de répondre à cette question, mais il sait au moins une chose : « les éditeurs ne laisseraient pas leurs publicités invendues ». Ce procès intervient après qu'un juge a statué que le moteur de recherche de Google est un monopole.
Cette semaine, la Cour de justice de l'UE (CJUE) s'est prononcée contre l'appel de Google visant à annuler une amende européenne de 2,4 milliards d'euros pour avoir abusé de son pouvoir de monopole afin d'écraser les services d'achat rivaux. La CJUE a soutenu une décision de 2017 selon laquelle Google avait illégalement tiré parti de sa position dominante sur les moteurs de recherche pour donner un meilleur classement à ses propres listes de produits.
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Que pensez-vous des déclarations de l'ancien cadre de Google sur l'activité publicitaire de son employeur ?
Selon vous, ces déclarations sont-elles une preuve que Google a travaillé à monopoliser le marché de la publicité en ligne ?
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Pensez-vous que l'activité publicitaire de Google devrait être démantelée ? Quid de son activité dans le domaine de la recherche en ligne ?
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