
Emmanuel Macron défend l'octroi de la nationalité française au PDG de Telegram
L'arrestation surprise du PDG de Telegram, Pavel Durov, à l'aéroport du Bourget, en banlieue parisienne, samedi 24 août au soir, a eu l'effet d'une bombe dans la communauté technologique et continue de susciter de nombreuses réactions. D'éminents fondateurs d'entreprises technologiques et défenseurs de la liberté sur Internet, dont Elon Musk, propriétaire de X (ex-Twitter), Edward Snowden, lanceur d'alerte, et Andy Yen, fondateur de ProtonMail, ont pris la défense du fondateur de Telegram et ont vivement condamné les autorités françaises pour cette affaire, la qualifiant de menace sérieuse pour la liberté d'expression.
(À partir de 38'30)
Lors d'une conférence de presse organisée à l'occasion d'une visite en Serbie, le président français Emmanuel Macron s'est exprimé sur cette affaire et a déclaré que « la France soutient la liberté d'expression et la liberté des entrepreneurs ». Macron a déclaré que l'approbation de la demande de nationalité française de Durov - à l'instar des artistes et d'autres personnes qui contribuent à la richesse de la France et apprennent le français - était « bonne pour notre pays ».
Macron a expliqué : « cela fait partie d'une stratégie visant à permettre aux femmes et aux hommes, qu'ils soient artistes, sportifs ou entrepreneurs, lorsqu'ils font l'effort d'apprendre la langue française et qu'ils développent la richesse, l'innovation (...) de se voir attribuer la nationalité française ». De nombreuses sources indiquent que le fondateur de Telegram a rencontré à plusieurs reprises le président français avant d'obtenir la nationalité française en août 2021.
Durov a été libéré moyennant une caution de cinq millions d'euros (environ 5,6 millions de dollars), mais il a interdiction de quitter la France et il lui a été ordonné de se présenter à un poste de police deux fois par semaine en attendant la suite de l'enquête. L'affaire a attiré l'attention sur les difficultés liées au contrôle des activités illégales sur les plateformes numériques, ainsi que sur la biographie inhabituelle de Durov, né en Russie, et sur ses multiples passeports.
Macron nie avoir invité le PDG de Telegram en France comme il a été rapporté
Le journal satirique et d'investigation français Le Canard Enchaine a rapporté que Durov a dit à la police lors de son arrestation samedi qu'il prévoyait de rencontrer Macron. Cependant, Macron a nié cela lors de sa conférence presse et a déclaré qu'il ne savait pas que Durov se rendait en France avant son arrestation samedi. Macron a déclaré que la justice française est indépendante, ce qui signifie qu'elle peut agir de son plein gré sans l'aval du pouvoir exécutif.
« Il est faux de dire que je lui ai proposé une quelconque invitation. Nous sommes un pays où il y a une séparation des pouvoirs. Je n'étais absolument pas au courant de sa venue. C'est normal. Son arrestation est un acte indépendant de la justice française », a déclaré Macron. Il a cité le PDG de Snapchat, Evan Spiegel, qui, comme Durov, a obtenu la nationalité française non pas par le biais du processus normal, mais via un processus spécial pour les « étrangers méritants ».
Lundi, le président français avait rejeté les allégations selon lesquelles l'arrestation de Durov est un exemple de censure gouvernementale, affirmant : « dans un État de droit, les libertés sont défendues dans un cadre légal ». Musk, qui s'est autoproclamé « absolutiste de la liberté d'expression », a posé sur X « #freePavel » en soutien à Durov à la suite de l'arrestation de ce dernier. L'histoire est trouble et Macron nie avoir joué un quelconque rôle visant à aider la justice.
De nombreuses questions ont été soulevées quant au moment et aux circonstances de la détention de Durov, ses partisans le considérant comme un champion de la liberté d'expression et ses détracteurs comme une menace qui a volontairement laissé Telegram échapper à tout contrôle.
Durov doit faire face à une enquête pour plusieurs chefs d'accusation en France
Pavel Durov, 39 ans, est créateur et PDG milliardaire de l'application de messagerie Telegram. L'informaticien d'origine russe est également connu pour avoir créé le réseau social VKontakte, un clone de Facebook, très populaire dans les pays de l'Est. En raison des pressions du Kremlin dans le cadre de demandes d'informations sur plusieurs utilisateurs de VKontakte, Durov a quitté la Russie en 2014 et a obtenu la nationalité de plusieurs pays, dont la France et les Émirats arabes unis. Telegram a été lancé un an plus tôt et le siège social est basé à Dubaï, aux Émirats arabes unis, en vue de s'affranchir de la juridiction russe.
Après près de quatre jours de garde à vue, Durov a été transféré à la justice ce 28 août. Durov a été mis en examen pour complicité d'administration d'une plateforme en ligne permettant une transaction illicite, en bande organisée. Mais ce n'est pas tout ; il doit faire face à une litanie d'autres infractions :
- refus de communiquer à la demande des autorités ;
- complicité des délits notamment de mise à disposition sans motif légitime d'un programme ou de données destinés à une attaque sur un système de traitement automatisé de données, diffusion en bande organisée d'images de mineurs à caractère pédopornographique, trafic de stupéfiants, escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes ou des délits ;
- blanchiment de crimes ou de délits en bande organisée ;
- fourniture de prestations de cryptologie destinées à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme.
L'enquête préliminaire a été initiée par le parquet de Paris en février 2024 et les premières investigations ont été coordonnées par l'Office national des mineurs (OFMIN). Par réquisitoire introductif du 8 juillet 2024, une information judiciaire a été ouverte. Les juges d'instruction ont confié la poursuite des investigations au C3N (la cellule de lutte contre la criminalité numérique de la gendarmerie nationale) et à l'ONAF (Office national de lutte antifraude des douanes).
Telegram condamne l'arrestation de son PDG. L'entreprise a déclaré dans un communiqué : « il est absurde de prétendre qu'une plateforme ou son propriétaire sont responsables des abus commis sur cette plateforme. Près d'un milliard d'utilisateurs dans le monde utilisent Telegram comme moyen de communication et comme source d'informations vitales. Nous attendons une résolution rapide de cette situation. Telegram est avec vous tous ».
L'avocat de Durov, David-Olivier Kaminski, affirme également également que ces accusations sont absurdes. Il a déclaré aux médias français : « il est totalement absurde de penser que le responsable d'un réseau social puisse être impliqué dans des actes criminels qui ne le concernent pas, directement ou indirectement ».
L'affaire remet en question l'impunité des plateformes en ligne et de leurs dirigeants
L'inculpation du PDG de Telegram par la justice française constitue une rare initiative des autorités judiciaires qui vise à tenir un dirigeant du secteur technologique personnellement responsable du comportement des utilisateurs d'une grande plateforme de messagerie, ce qui a relancé le débat sur le rôle des entreprises technologiques en matière d'expression en ligne, de protection de la vie privée et de sécurité, ainsi que sur les limites de leur responsabilité. Jusqu'ici, les grandes plateformes américaines se cachent derrière les protections offertes par la section 230 de la loi Communications Decency Act (CDA) de 1996.
L'article 230 a initialement été adopté dans le cadre de la loi sur la décence en matière de communication, afin de protéger les sites Web contre les poursuites judiciaires concernant le contenu que leurs utilisateurs ont publié. L'article a été adopté pour encourager les sites Web à s'engager dans la modération de contenu en supprimant le risque qu'ils puissent être poursuivis en tant qu'éditeur s'ils contrôlaient activement ce que leurs utilisateurs publiaient en ligne.
La révision de l'article 230 constitue une discussion de longue date et les plateformes telles que Facebook, Google, Snapchat, YouTube, etc. s'y opposent farouchement. L'affaire Durov vient remettre en question cette immunité dont jouissent les plateformes en ligne et leurs dirigeants, du moins en France et peut-être plus largement dans l'Union européenne. Selon la procureure de Paris, Telegram est régulièrement utilisé par les auteurs d'abus sexuels sur enfants.
Les gouvernements, en particulier ceux de l'UE, font de plus en plus pression sur les plateformes en ligne pour qu'elles s'occupent de la sécurité des enfants, du terrorisme, de la désinformation et de la diffusion d'autres contenus préjudiciables. Mais cela a opposé les partisans de la liberté d'expression comme Durov, qui adopte une approche non interventionniste dans la modération de Telegram, et Elon Musk, propriétaire X, aux régulateurs et aux d...
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