Boeing est toujours dans la tourmente et risque de faire l'objet de poursuites pénales prochainement. Une évolution qui pourrait porter davantage atteinte à l'image de l'avionneur et le déclasser par rapport à son principal rival européen Airbus. Deux sources familières avec l'affaire Boeing aux États-Unis ont déclaré à Reuters que les procureurs américains ont recommandé au DOJ de lancer des poursuites pénales contre l'avionneur. En mai, les procureurs ont déterminé que l'entreprise avait violé un accord de 2021 qui avait protégé Boeing d'une accusation criminelle de conspiration dans le but de commettre une fraude.
Boeing a conclu cet accord avec le DOJ après les deux accidents mortels en 2018 et 2019 impliquant le jet 737 MAX. Dans le cadre de l'accord, le DOJ avait accepté de ne pas poursuivre Boeing pour des allégations de fraude à l'encontre de la Federal Aviation Administration (FAA), à condition que l'entreprise révise ses pratiques de conformité et soumette des rapports réguliers. Boeing a également accepté de payer 2,5 milliards de dollars pour régler l'enquête. La société a précédemment déclaré qu'elle avait honoré les termes de l'accord, qui avait une durée de trois ans et qui est connu sous le nom d'accord de poursuite différée.
Le rapport de Reuters indique que Boeing a fait savoir au DOJ qu'il n'était pas d'accord avec sa décision selon laquelle l'entreprise avait violé l'accord. Ni Boeing ni le DOJ n'ont voulu commenter le rapport. Selon les sources, les deux parties sont en train de discuter d'une résolution potentielle de l'enquête du DOJ et il n'y a aucune garantie que les fonctionnaires iront de l'avant avec des accusations. Elles rapportent également que les délibérations internes du DOJ se poursuivent et aucune décision définitive n'a encore été prise. Les sources n'ont pas précisé quelles accusations criminelles les fonctionnaires du ministère envisagent.
Toutefois, le rapport indique que l'une d'entre elles a déclaré qu'elles pourraient aller au-delà de l'accusation initiale de complot frauduleux de 2021. Par ailleurs, au lieu de poursuivre Boeing, le DOJ pourrait prolonger d'un an l'accord de 2021 ou proposer de nouvelles conditions plus strictes. Outre les sanctions financières, les accords les plus stricts prévoient généralement la mise en place d'une tierce partie chargée de contrôler la conformité de l'entreprise. Le DOJ peut également exiger que l'entreprise reconnaisse ses torts en plaidant coupable. Mais l'avionneur ne serait pas disposé à plaider coupable dans cette affaire.
À en croire l'une des sources, Boeing pourrait être disposé à payer une pénalité et à accepter un contrôle, mais l'avionneur estime qu'un plaidoyer de culpabilité pourrait être trop préjudiciable. Cette dernière procédure entraîne généralement des restrictions commerciales supplémentaires. Selon cette source, Boeing tire des revenus importants de contrats avec le gouvernement fédéral américain, y compris le ministère de la Défense, qui pourraient être compromis par une condamnation pour crime. De nouvelles restrictions commerciales pourraient aussi réduire davantage la confiance des clients dans les aéronefs de l'entreprise.
Boeing n'a enregistré aucune commande pour le 737 Max en mai ni au cours du mois précédent. Les résultats publiés récemment par Boeing se comparent défavorablement par rapport à ceux de son concurrent Airbus, qui a enregistré des commandes nettes pour 15 avions en mai. (Il y a eu 27 commandes, mais 12 annulations.) En outre, Boeing a vu Aerolineas Argentinas annuler une commande d'un seul 737 Max, ce qui porte ses ventes nettes à trois pour le mois. Ces mauvaises performances font suite aux mauvais chiffres du mois d'avril au cours duquel Boeing n'avait annoncé que sept ventes, dont aucune pour le 737 Max.
Par ailleurs, la FAA des États-Unis a décidé de limiter la production de l'aéronef par Boeing à la suite de l'explosion en plein vol d'un panneau du fuselage d'un 737 Max d'Alaska Airlines, d'allégations de plusieurs lanceurs d'alertes selon lesquelles Boeing aurait pris des raccourcis pour produire des avions plus rapidement, et de rapports d'inspection falsifiés sur certains 787 Dreamliner. Boeing, dont le siège se trouve à Arlington, en Virginie, a livré 24 avions de ligne en mai, dont 19 Max. La compagnie irlandaise Ryanair en a reçu quatre et Alaska Airlines trois. Airbus a déclaré qu'il a livré 53 avions le mois dernier.
Né d'une rivalité industrielle visant à produire l'avion de ligne le plus économe en carburant, le Boeing 737 Max a connu une histoire mouvementée et est devenu rapidement un désastre pour le géant américain de l'aviation. Le Boeing 737 Max n'a été mis en service qu'en 2017, mais a été impliqué dans deux accidents mortels en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 346 personnes. Ces accidents ont entraîné l’immobilisation au sol du 737 MAX pendant 20 mois, une période au cours de laquelle Boeing a apporté des corrections à sa nouvelle couche logicielle appelée MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System).
Ce logiciel, jusque-là dissimulé, a conduit aux deux accidents mortels du 737 Max. En effet, l'avionneur américain s’était assuré qu’il ne soit pas fait mention du MCAS dans le manuel du pilote. D'après Boeing, le MCAS ajuste la position de l'avion, en réglant les surfaces de contrôle de l'avion pour maintenir une position définie. Il a été conçu pour le faire sur la base d'une entrée d'un seul capteur d'angle d'attaque, par rapport à trois capteurs dans le modèle Airbus comparable. Et cela s'est avéré désastreux. Les enquêtes ont révélé que le processus de certifications du 737 Max a été bâclé par les autorités américaines.
L'une des enquêtes a révélé que les autorités américaines de régulation, notamment la FAA (Federal Aviation Administration) des États-Unis, ont manqué de rigueur dans le processus réglementaire de validation du 737 Max, compromettant ainsi la sécurité de l'aéronef. Le rapport de l'enquête souligne que la FAA n’a pas procédé au contrôle du MCAS comme cela aurait pu l’être. L'avionneur a effectué ses propres évaluations du système, qui n’ont pas été soumises à des tests de résistance par le régulateur. Il aurait laissé deux ingénieurs relativement peu expérimentés superviser les premiers travaux de Boeing sur le système.
« Ces accidents tragiques ont mis en évidence la conduite frauduleuse et trompeuse des employés de l'un des principaux constructeurs d'avions commerciaux du monde. Les employés de Boeing ont choisi la voie du profit plutôt que celle de la franchise en dissimulant des informations importantes à la FAA concernant l'exploitation de son avion 737 Max et en s'engageant dans un effort pour dissimuler leur tromperie », a déclaré le procureur général adjoint par intérim, David Burns, de la division criminelle du ministère américain de la Justice (DOJ). D'autres irrégularités ont été relevées plus tard par les enquêteurs.
Un panneau du fuselage d'un Boeing 737 Max 9 de la compagnie Alaska Airlines a explosé en plein vol le 5 janvier. Les enquêteurs ont déclaré qu'il manquait des boulons clés dans l'avion avant l'explosion, une défaillance qui a renforcé la surveillance du contrôle de la qualité chez Boeing et ses fournisseurs et mis une pression intense sur la direction de l'entreprise. En réaction, Boeing a licencié le responsable du programme 737 MAX pour faire face aux retombées de l'incident. Ed Clark, qui dirige le programme 737 Max depuis 2021, a été remplacé par Katie Ringgold, la vice-présidente des opérations de livraison du 737.
Ces changements ont été annoncés en février dans un courriel adressé aux employés par Stan Deal, directeur général de Boeing Commercial Airplanes. Deal a écrit que les changements de direction sont destinés à renforcer l'attention portée par Boeing Commercial Airplanes à l'assurance que chaque avion livré par la société satisfait ou dépasse toutes les exigences de qualité et de sécurité. Mais Boeing reste dans la tourmente en raison de la persistance des problèmes du 737 Max.
Des accusations criminelles aggraveraient la crise en cours chez Boeing. La société a fait l'objet d'un examen minutieux de la part des procureurs, des régulateurs et des législateurs américains. Les proches des victimes des deux accidents mortels du 737 MAX ont longtemps critiqué l'accord de 2021, estimant que les fonctionnaires du DOJ auraient dû poursuivre la compagnie et ses dirigeants. La FAA a été également critiquée pour son laxisme envers Boeing.
Boeing est accusé d'avoir fait des compromis sur la qualité et la sécurité du 737 Max dans sa tentative de concurrencer Airbus. Ils ne se sont pas concentrés sur la qualité de l'aéronef. Malgré la lenteur des ventes récentes, Boeing dispose toujours d'un énorme carnet de commandes de plus de 5 600 pièces.
Lors d'une audition au Sénat ce mois-ci, le PDG de Boeing, Dave Calhoun, a reconnu les lacunes de la compagnie en matière de sécurité et s'est excusé auprès des familles qui ont perdu des êtres chers. Les familles réclament une amende de près de 25 milliards de dollars à l'encontre de Boeing et des poursuites pénales.
Et vous ?
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Pourquoi Boeing ne parvient-il pas à mettre en œuvre des mesures de sécurité adéquates et un contrôle qualité efficace ?
Selon vous, pourquoi le Boeing 737 Max continue de voler malgré ses nombreux problèmes de sécurité exposés par les récents accidents ?
Comment les États-Unis et Boeing peuvent-ils mettre fin au scandale lié aux manquements graves dans la sécurité du 737 Max ?
Pensez-vous que le 737 Max devrait être interdit de vol en Europe en vertu de la réglementation européenne sur l'aviation ?
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