En mars, le Comité du Commerce de la Chambre des États-Unis a voté à l’unanimité (50-0) pour approuver un projet de loi qui obligerait ByteDance, propriétaire de TikTok, à vendre l’entreprise ou à perdre l’accès au marché américain. Cette décision fait suite à des inquiétudes croissantes concernant la sécurité nationale et la protection des données des utilisateurs. Les législateurs américains craignent que la Chine puisse accéder à des données sur les Américains ou les espionner au moyen de l'application.
Le projet de loi vise à aborder les risques immédiats pour la sécurité nationale posés par TikTok et établit un cadre pour que le pouvoir exécutif protège les Américains contre les applications contrôlées par des « adversaires étrangers » à l’avenir. « Si une application est jugée exploitée par une entreprise contrôlée par un adversaire étranger, comme ByteDance Ltd., qui est sous le contrôle de la République populaire de Chine, l’application doit être cédée dans les 180 jours », est-il indiqué sur une note de comité.
Le projet de loi a été adopté par la Chambre, puis le Sénat avant d'être signé par le président Biden.
L'adoption du projet de loi par le Sénat américain est un échec cuisant pour TikTok et sa société mère ByteDance qui ont dépensé des millions de dollars en lobbying pour le contrecarrer. Mais ils n'entendent pas abandonner de sitôt. Le patron de TikTok, Shou Chew, a réagi aux nouvelles mesures dans une vidéo publiée par le compte officiel de TikTok. « Ne vous y trompez pas, il s'agit d'une interdiction. Une interdiction de TikTok et une interdiction de vous et de votre voix », a déclaré Chew dans la vidéo.
Une bataille rangée se prépare dans les tribunaux
Le 16 septembre, la cour d'appel du district de Columbia tiendra des plaidoiries sur les actions en justice intentées par TikTok et ByteDance, ainsi que par des utilisateurs de TikTok. L'avenir de TikTok aux États-Unis pourrait dépendre de l'issue de cette affaire, qui pourrait avoir une incidence sur la manière dont le gouvernement utilise sa nouvelle autorité pour réprimer les applications détenues par des intérêts étrangers.
« Cette loi s'écarte radicalement de la tradition de ce pays, qui s'est fait le champion d'un Internet ouvert, et crée un dangereux précédent permettant aux pouvoirs politiques de cibler une plateforme d'expression peu appréciée et de la forcer à vendre ou à fermer », affirment ByteDance et TikTok en demandant à la Cour d'annuler la loi.
Les avocats d'un groupe d'utilisateurs de TikTok qui ont intenté une action en justice pour empêcher l'interdiction de l'application ont déclaré que la loi violerait leurs droits à la liberté d'expression. Dans un document déposé jeudi, ils affirment qu'il est clair qu'il n'y a pas de risques imminents pour la sécurité nationale car la loi « permet à TikTok de continuer à fonctionner jusqu'à la fin de l'année - y compris pendant une élection que le président qui a signé le projet de loi dit être existentielle pour notre démocratie ».
TikTok affirme que toute cession ou séparation (même si elle était techniquement possible) prendrait des années et soutient que la loi va à l'encontre des droits à la liberté d'expression des Américains. En outre, elle affirme que la loi punit injustement TikTok et « ignore de nombreuses applications ayant des activités substantielles en Chine qui collectent de grandes quantités de données d'utilisateurs américains, ainsi que les nombreuses entreprises américaines qui développent des logiciels et emploient des ingénieurs en Chine ».
Shou Zi Chew, PDG de la branche américaine de TikTok
Des négociations interrompues avec le gouvernement
ByteDance a fait état de longues négociations entre l'entreprise et le gouvernement américain qui, selon elle, ont brusquement pris fin en août 2022.
L'entreprise a également rendu publique une version expurgée d'un projet d'accord de sécurité nationale de plus de 100 pages visant à protéger les données des utilisateurs américains de TikTok et affirme avoir dépensé plus de 2 milliards de dollars à cet effet.
Le projet d'accord prévoyait de donner au gouvernement américain un "kill switch" pour suspendre TikTok aux États-Unis à la seule discrétion du gouvernement si l'entreprise ne se conformait pas à l'accord et indique que les États-Unis ont exigé que le code source de TikTok soit déplacé hors de Chine.
« Cette administration a décidé qu'elle préférait essayer de fermer TikTok aux États-Unis et d'éliminer une plateforme d'expression pour 170 millions d'Américains, plutôt que de continuer à travailler sur une solution pratique, faisable et efficace pour protéger les utilisateurs américains par le biais d'un accord exécutoire avec le gouvernement américain », ont écrit les avocats de TikTok au ministère de la Justice dans un courriel daté du 1er avril et rendu public jeudi.
Des alliés de taille
Trump s'est opposé au projet de loi
L'ancien président Trump a signalé son opposition à la législation qui pourrait interdire TikTok aux États-Unis, malgré son soutien antérieur à l'interdiction de l'application de médias sociaux.
Dans un message publié sur Truth Social, le candidat à la présidence pour les élections de novembre a affirmé qu'une interdiction de TikTok profiterait à Facebook et à son fondateur, Mark Zuckerberg, qui occupe le poste de PDG de sa société mère, Meta. « Si vous vous débarrassez de TikTok, Facebook et Zuckerschmuck doubleront leur chiffre d'affaires », a déclaré Trump. « Je ne veux pas que Facebook, qui a triché lors des dernières élections, fasse mieux. C'est un véritable ennemi du peuple ! »
Facebook a banni Trump en janvier 2021 à la suite des émeutes du Capitole, au cours desquelles des centaines de ses partisans ont tenté d'empêcher la certification des résultats de l'élection de 2020. Ses comptes ont été rétablis en février 2023.
L'ancien président a passé des mois à diffuser de fausses affirmations sur l'élection sur les médias sociaux avant l'insurrection.
En 2020, alors que Trump était encore au pouvoir, il a promis d'interdire à l'application de médias sociaux basée sur la vidéo d'opérer aux États-Unis et a émis un ordre demandant à ByteDance de se désengager des activités de TikTok aux États-Unis. L'ordonnance a toutefois été bloquée par la suite devant les tribunaux.
TikTok ayant gagné en popularité ces dernières années, les législateurs des deux bords s'inquiètent de plus en plus des risques que l'application fait peser sur la confidentialité des données et la sécurité nationale.
Musk est d'accord avec Trump
Le dernier message de Trump sur TikTok a attiré le soutien d'un PDG très en vue : Elon Musk, qui a récemment rencontré Trump à Palm Beach, en Floride. Après la rencontre, le milliardaire a indiqué sur X qu'il ne ferait pas de dons à Trump ou à Biden.
« La déclaration de Trump est exacte », a indiqué Elon Musk sur X, anciennement Twitter.
Musk n'est pas non plus un fan de Zuckerberg. Les deux hommes sont en conflit depuis 2016, lorsqu'une erreur de lancement de la fusée SpaceX a ruiné un satellite de Facebook.Trump’s statement there is correct
— Elon Musk (@elonmusk) March 8, 2024
Puis, en 2018, dans le contexte du scandale Cambridge Analytica, Musk a supprimé ses comptes Facebook SpaceX et Tesla. Il a publié un message public à ce sujet avec le hashtag #deletefacebook et a tweeté que Facebook lui donnait « la chair de poule ».
Les tensions n'ont fait qu'augmenter depuis lors, Musk allant même jusqu'à défier Zuckerberg lors d'un combat en cage. Une fois que Zuckerberg a accepté et a demandé à Musk de nommer un lieu et une heure, Musk a semblé hésiter et a fini par abandonner cette idée.
La loi « répond à des préoccupations essentielles en matière de sécurité nationale »
Le ministère de la justice a refusé de commenter le courriel, mais a déclaré le mois dernier que la loi « répond à des préoccupations essentielles en matière de sécurité nationale d'une manière qui est compatible avec le premier amendement et d'autres limitations constitutionnelles ». Il a déclaré qu'il défendrait la loi devant les tribunaux.
La Maison-Blanche affirme vouloir mettre fin à la propriété chinoise pour des raisons de sécurité nationale, mais pas interdire TikTok.
La loi interdit aux magasins d'applications comme ceux d'Apple et de Google (Alphabet) de proposer TikTok.
Elle interdit également aux services d'hébergement Internet de soutenir TikTok, à moins que ByteDance ne s'en dessaisisse.
Source : TikTok
Et vous ?
Quelle est votre opinion sur l’interdiction de TikTok aux États-Unis ? Pensez-vous que c’est justifié pour des raisons de sécurité nationale, ou est-ce une atteinte à la liberté d’expression ?
Quelles alternatives existent pour les utilisateurs de TikTok aux États-Unis ? Si TikTok était effectivement interdit, comment cela affecterait-il la communauté des créateurs et les utilisateurs ?
Quel rôle les entreprises technologiques devraient-elles jouer dans la protection des données des utilisateurs ? Devraient-elles être responsables de garantir la confidentialité et la sécurité des informations personnelles ?
Comment les relations entre les États-Unis et la Chine influencent-elles cette situation ? Quelles sont les implications géopolitiques de cette affaire ?
Pensez-vous que les gouvernements devraient avoir le pouvoir de forcer une entreprise à se vendre ou à fermer ? Quelles sont les limites de l’intervention gouvernementale dans les affaires privées ?