Le chef de l’opposition, Pierre Poilievre, a déclaré mercredi qu’un futur gouvernement conservateur modifierait la loi pour obliger les sites web pornographiques à vérifier l’âge des utilisateurs afin d’empêcher les mineurs d’accéder au contenu. Les conservateurs appuient actuellement un projet de loi d’initiative parlementaire du Sénat qui promet de faire exactement cela. Le projet de loi S-210 a été adopté par le Sénat au printemps et sera étudié par un comité de la Chambre des communes, mais aucune réunion n’a encore été prévue.
La loi proposée obligerait les sites web pour adultes à vérifier l’âge des utilisateurs, mais ne précise pas comment cela serait fait. Les options pourraient inclure un système d’identification numérique ou des services capables d’estimer l’âge à partir d’une analyse du visage de l’utilisateur par une webcam.
« Pensez-vous que le Parlement devrait adopter une loi obligeant les sites pornographiques à vérifier l'âge des utilisateurs afin que les mineurs ne puissent pas accéder à leur contenu ? Et est-ce qu'un de vos futurs gouvernements le ferait ? », a demandé un journaliste. « Oui », a répondu Poilievre.
Le projet de loi était auparavant bloqué au Parlement en raison de préoccupations liées à la protection de la vie privée, mais 15 libéraux ont rompu les rangs avec le gouvernement et ont voté en faveur du projet de loi aux côtés des conservateurs, des bloquistes (du parti politique Bloc) et des néo-démocrates en décembre.
Les libéraux sont contre le projet de loi, affirmant qu’il fait trop peu pour protéger les enfants, et disent que leur prochain projet de loi sur les préjudices en ligne sera centré sur la sécurité des enfants.
Le projet de loi S-210 impose aux sites web commerciaux proposant des contenus pornographiques de mettre en place des mécanismes de vérification de l'âge afin de s'assurer que les utilisateurs sont âgés d'au moins 18 ans avant de leur donner accès à leurs contenus. Les critiques avertissent que si la méthode de vérification de l'âge requiert des informations personnelles, telles qu'une photo d'identité, elle pourrait compromettre la sécurité des utilisateurs.
Dans une déclaration complémentaire, les conservateurs ont déclaré qu'ils « ne soutiennent aucune mesure qui permettrait d'imposer une identité numérique ou qui porterait atteinte à la vie privée des adultes et à leur liberté d'accéder à des contenus légaux en ligne ».
La sénatrice libérale Julie Miville-Dechêne, qui a présenté le projet de loi S-210, a déclaré que la réponse du Canada à cette question est tardive par rapport à celle d'autres pays, ajoutant qu'elle ne comprend pas la position des libéraux contre le projet de loi. Elle a déclaré que la plupart des objections au projet de loi sont fondées sur la peur et les sophismes, soulignant que les questions de protection de la vie privée et de sécurité des données peuvent être abordées dans des règlements.
« Le gouvernement canadien va à contre-courant des pays et des juridictions qui légifèrent pour protéger les enfants contre l'exposition à la pornographie en ligne, notamment l'Union européenne, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Espagne », a déclaré Miville-Dechêne à la Presse canadienne.
En France, la CNIL n'est pas fermée à l'utilisation de la reconnaissance faciale pour vérifier l'âge des internautes
Afin d’empêcher les mineurs d’accéder aux sites pornographiques, la France va déployer une stratégie de vérification de l’âge. Il revient alors à la CNIL de faire des propositions sur le sujet. Le gendarme français des données se veut « pragmatique ». Sa présidente, Marie-Laure Denis, a évoqué lors d'une interview dans les colonnes du Figaro différents dispositifs qui pourraient être mis en place pour la vérification de l’âge du visiteur du site porno.
D'abord, un contrôle par vérification de la carte bancaire, ce qui permettrait de valider l'âge du porteur. Sur la question de la carte bancaire, le défenseur de la vie privée s’est dit favorable à « une transaction à zéro euro », qui conditionnerait l’accès aux plateformes X à la présentation d’une carte bancaire en cours de validité. Reste que la solution, en plus d’ouvrir la voie aux arnaques en ligne, n’est pas la plus fiable : il suffit simplement pour un mineur d’emprunter le moyen de paiement de ses parents, ou de posséder sa propre carte de retrait.
Autre possibilité évoquée, plus inattendue : un contrôle de l'âge du visiteur par analyse faciale. En d'autres termes, à l'aide de sa webcam, l'internaute montrerait qu'il est bien majeur avant de se voir accorder l'accès au site porno, ses traits étant analysés par une intelligence artificielle afin d'estimer son âge.
Pourtant soucieuse de la vie privée, la CNIL ne serait pas opposée à cette technique de vérification, à condition que toutes les garanties soient prises quant aux données personnelles utilisées (ici, la photo). En revanche, elle n'apporte pas de réponse concernant d'éventuels ratés du système, entre faux positifs et faux négatifs, qui pourraient créer des dangers et discriminations.
Concrètement, un internaute accédant à un site pornographique serait invité à activer la caméra à selfie de son smartphone ou la webcam de son ordinateur, pour se filmer pendant quelques secondes, tandis qu’une intelligence artificielle serait chargée d’estimer son âge. Un dispositif qui existe déjà pour certaines plateformes, comme Facebook.
La patronne de la CNIL a précisé auprès du Figaro qu'un système d'analyse faciale n'est pas un dispositif de reconnaissance, sachant qu'il ne saurait être question d'identifier l'internaute.
Le système du double anonymat
Plusieurs pistes sont donc envisagées pour permettre aux sites porno de vérifier l’âge des internautes.
Le principe du double anonymat implique que le prestataire certifiant la majorité d’un internaute ne sache pas quel usage est fait de l’attestation, et que le site X ne sache pas qui a publié le document et quelle est l’identité de l’utilisateur.
À cet effet, une application mobile permettant de certifier sa majorité auprès des sites partenaires tout en restant anonyme pourrait être mise sur pieds. La Cnil l'illustre d'ailleurs par une infographie. Elle servira à transmettre les données dans les deux sens sans dévoiler d’informations personnelles. Le service fournira la preuve de l’âge, mais ne saura pas pour quel site web elle va être utilisée. De son côté, le site porno recevra l’attestation de majorité sans découvrir l’identité de l’internaute.
Plusieurs autres pays européens se penchent sur la problématique
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a déclaré qu'il envisageait d'introduire des mesures visant à empêcher les enfants d'accéder à la pornographie.
Des responsables allemands ont déclaré qu'ils se préparaient à demander aux fournisseurs d'accès à l'internet de leur pays de bloquer Pornhub et d'autres sites similaires.
En Irlande, dans le cadre des efforts déployés pour protéger les enfants contre les contenus préjudiciables en ligne, il pourrait bientôt être demandé aux internautes de télécharger les détails de leur passeport ou un selfie sur les sites web s'ils souhaitent visionner des contenus pour adultes. Le nouveau régulateur des médias a déclaré qu'une partie du nouveau code de sécurité en ligne indiquera aux plateformes numériques qu'elles doivent utiliser une forme efficace de vérification de l'âge pour visionner des visionner des contenus pour adultes sur le web. « Se contenter de demander à quelqu'un s'il a plus de 18 ans n'est pas efficace », a déclaré Jeremy Godfrey, président exécutif de Coimisiún na Meán. « Il faut faire plus que cela avant qu'ils ne voient ce type de contenu. »
Bien que Godfrey ait déclaré que son bureau ne serait pas « absolument prescriptif » sur la manière dont la vérification de l'âge devrait fonctionner, l'obligation pour une personne de présenter son passeport puis un selfie pour vérifier qu'elle est bien la personne figurant sur le passeport pourrait être décrite comme un « étalon-or » de la vérification de l'âge d'une personne.
« Nous nous soucions beaucoup plus de l'efficacité que de la manière dont elle est obtenue », a-t-il déclaré. « Il y a d'autres moyens que l'on pourrait envisager, comme une selfie en direct à chaque fois que l'on veut accéder au passeport et que l'on utilise la biométrie pour vérifier. « C'est moins précis. Il peut être difficile de distinguer un jeune de 17 ou 18 ans de cette manière. Mais cela protégera les enfants plus jeunes ».
Conclusion
Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit de l'internet de l'Université d'Ottawa, a qualifié le projet de loi S-210 de menace pour la vie privée et la liberté d'expression, car il imposerait le blocage de sites web.
Les processus de vérification de l'âge impliquent souvent un scan facial ou le téléchargement de documents d'identité émis par le gouvernement vers des services basés dans des pays étrangers, et non au Canada, a ajouté Geist.
Toutefois, le projet de loi S-210 exige que la méthode de vérification de l'âge préserve la vie privée de l'utilisateur et protège ses informations personnelles. Il stipule que toute information personnelle recueillie et utilisée le serait uniquement à des fins de vérification de l'âge et qu'elle serait détruite une fois le processus de vérification terminé.
La société propriétaire de Pornhub a récemment déclaré à la Presse canadienne que le blocage de l'accès aux Canadiens faisait partie des options qu'elle envisagerait si le projet de loi du Sénat était adopté.
Plusieurs États américains ont adopté des lois similaires obligeant les sites pornographiques à vérifier l'âge de l'utilisateur. Après que la Louisiane a exigé l'utilisation d'un identifiant gouvernemental pour accéder à Pornhub, le trafic a chuté.
L'entreprise s'oppose à ce projet de loi et affirme que toute réglementation obligeant les sites à collecter des quantités importantes d'informations personnelles très sensibles mettrait en péril la sécurité des utilisateurs.
Un cadre d'Ethical Capital Partners, qui possède Aylo, la société mère de Pornhub, a déclaré qu'il préférerait une approche qui vérifierait l'âge de l'utilisateur à l'aide d'un dispositif, tel que son smartphone.
Sources : Presse canadienne, entretien avec Marie-Laure Denis, Cnil, Bill S-210
Et vous ?
Quels sont les avantages et les inconvénients de la vérification de l’âge sur les sites web pornographiques ?
Comment les sites web pour adultes peuvent-ils s’assurer que la vérification de l’âge est efficace et respectueuse de la vie privée ?
Quelles sont les mesures alternatives ou complémentaires à la vérification de l’âge pour protéger les enfants des préjudices en ligne ?
Quel est votre avis sur le projet de loi S-210 et le projet de loi sur les préjudices en ligne des libéraux ? Lequel est plus adapté à la situation actuelle ?
Canada : le chef de l'opposition promet de forcer les sites web pornographiques à vérifier l'âge des utilisateurs pour protéger les mineurs
Mais ne précise pas quel moyen technologique sera employé
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Le , par Stéphane le calme
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