Une liste non exhaustive d’inconvénients ramène la question sur la table avec plus d’acuité
En effet :
- Un système dans lequel les utilisateurs sont contraints de fournir leurs informations personnelles introduit d’importants risques de vol et d’usurpation d’identité ; Illustration avec la fuite de 20 Go de données personnelles sur des modèles de webcam pornos. Des noms et copies numérisées de passeports avaient été divulgués, parmi lesquels ceux de Français. Que dire du vol des données personnelles d’environ 1,4 million de personnes qui ont effectué un test de dépistage de la Covid-19 en Île de France à mi-parcours de l’année 2020 ?
- Une fois qu'un système d'identification numérique avec des contrôles en ligne comme celui voulu par les gouvernements est en place, son usage peur être étendu sans difficultés. Les gouvernements peuvent commencer à exiger des sites qu'ils vérifient des détails autres que l'âge, car le système est déjà en place. Les services de streaming pourraient commencer à vérifier la localisation sur la base de l'adresse sur leur carte d'identité numérique, ce qui empêcherait les gens d'utiliser un VPN pour contourner les restrictions géographiques, par exemple.
- Un système de vérification de l’âge sur Internet pourrait donc constituer le socle d’une « architecture de l’oppression. » « Croyez-vous vraiment que lorsque la première vague, la deuxième vague, la 16e vague du coronavirus sera oubliée depuis longtemps, ces ensembles de données ne seront pas conservés ? Peu importe comment il est utilisé, ce qui est construit est l’architecture de l’oppression », avertissait Snowden à propos des développements autour de la pandémie de coronavirus.
Les gouvernements multiplient pourtant les efforts allant dans le sens de l’implémentation de systèmes de vérification de l’âge sur Internet pour protéger les enfants
L’un des projets les plus récents en la matière est celui de l’Irlande qui envisage une validation d’âge rigoureuse sur Internet. Cette initiative, présentée par Jeremy Godfrey, président exécutif de la nouvelle autorité irlandaise de régulation du contenu Internet, vise à instaurer un code de conduite régissant l'accès des adultes aux sites Internet.
Jeremy Godfrey a exposé au Irish Examiner le plan présenté à la page 17 du document de consultation et de proposition de la commission. Cet organisme réglemente le contenu (et en particulier le contenu vidéo) pour les plus grandes sociétés Internet du monde, du fait que nombre d'entre elles sont basées en Irlande. Jeremy Godfrey a déclaré que le nouveau code de sécurité en ligne visait à protéger les enfants de ce qui pourrait nuire à leur développement physique et mental.
Dans le cadre des efforts déployés pour protéger les enfants contre les contenus préjudiciables en ligne, il pourrait bientôt être demandé aux internautes de télécharger les détails de leur passeport ou un selfie sur les sites web s'ils souhaitent visionner des contenus pour adultes. Le nouveau régulateur des médias a déclaré qu'une partie du nouveau code de sécurité en ligne indiquera aux plateformes numériques qu'elles doivent utiliser une forme efficace de vérification de l'âge pour visionner des visionner des contenus pour adultes sur le web. « Se contenter de demander à quelqu'un s'il a plus de 18 ans n'est pas efficace », a déclaré Jeremy Godfrey, président exécutif de Coimisiún na Meán. « Il faut faire plus que cela avant qu'ils ne voient ce type de contenu. »
Bien que Godfrey ait déclaré que son bureau ne serait pas « absolument prescriptif » sur la manière dont la vérification de l'âge devrait fonctionner, l'obligation pour une personne de présenter son passeport puis un selfie pour vérifier qu'elle est bien la personne figurant sur le passeport pourrait être décrite comme un « étalon-or » de la vérification de l'âge d'une personne.
« Nous nous soucions beaucoup plus de l'efficacité que de la manière dont elle est obtenue », a-t-il déclaré. « Il y a d'autres moyens que l'on pourrait envisager, comme une selfie en direct à chaque fois que l'on veut accéder au passeport et que l'on utilise la biométrie pour vérifier. « C'est moins précis. Il peut être difficile de distinguer un jeune de 17 ou 18 ans de cette manière. Mais cela protégera les enfants plus jeunes ».
Et la responsabilité parentale ? Qu’en est-il ? Le parallèle avec l’univers des jeux vidéo permet de se questionner sur les responsabilités
Des parents ont déclaré que leurs enfants refusent de manger ou de se doucher à cause de leur addiction au jeu vidéo Fortnite. C’est ce qui ressortait d’une action collective en justice contre Epic Games que le juge de la Cour supérieure du Québec Sylvain Lussier venait d’autoriser.
Ce cas ramenait ainsi sur la table plusieurs questions qui divisent l’opinion à l’échelle mondiale depuis des années : Qui des éditeurs ou des parents est le plus à blâmer pour ce qui est des comportements déviants des enfants dont certains sont d’avis qu’ils résultent de l’exposition aux jeux vidéo ? De la même façon, qui des parents ou des éditeurs de sites web pornographiques est le plus à blâmer ?
Le positionnement chinois sur ces questions laisse penser qu’il revient aux parents d’assurer l’encadrement de leur progéniture. C’est la raison pour laquelle le gouvernement chinois interdit aux jeunes de moins de 18 ans de jouer à des jeux vidéo pendant plus de trois heures par semaine. L’interdiction aux adolescents de moins de 18 ans de jouer à des jeux vidéo pendant plus de trois heures par semaine s’applique aux plateformes de jeux vidéo. Le régulateur leur impose de ne proposer des jeux en ligne aux mineurs que de 20 heures à 21 heures les vendredis, week-end et jours fériés. La manœuvre s’inscrit dans ce que les autorités du pays considèrent comme la lutte contre de « l’opium spirituel. »
La posture chinoise contraste avec ceux de pays comme les USA où le gouvernement ne prend pas de position ferme. Résultat : les parents versent en aveux d’impuissance. « LN joue donc à Fortnite sur une base quasi-quotidienne depuis plusieurs mois et il devient très frustré et fâché lorsque ses parents tentent de limiter le temps qu’il passe à jouer. Lorsqu’il joue à Fortnite en réseau avec ses amis son langage est très agressif et vulgaire alors que dans la vie courante c’est un enfant sage et posé ayant un bon vocabulaire. Lorsqu’il perd il s'énerve et commence à jouer inlassablement jusqu’à ce que ses parents lui demandent d’arrêter, ce qui est une grande source de conflit. Dès qu’il invite des amis à la maison, la principale activité est de jouer à Fortnite alors que dans le passé c’était d’aller au parc, de jouer au basket, de jouer à cache-cache ou à des jeux de société, en hiver », souligne la plainte.
L’argumentaire derrière ces aveux est que les éditeurs de jeux vidéo rendent leurs titres intentionnellement addictifs ce qui met les enfants hors de contrôle des parents. « Si ses parents ne limitaient pas ses temps de jeu, LN pourrait passer des journées entières à jouer à Fortnite. D’ailleurs le fait que la console soit dans le salon familial permet d’avoir un certain contrôle sur son utilisation », indique la plainte. Néanmoins, le juge de la Cour supérieure du Québec Sylvain Lussier avait formulé l’avis selon lequel les arguments mis en avant ne sont pas suffisants pour établir qu’Epic Games use d’artifices pour rendre Fortnite très addictif.
La multiplication des projets de vérification de l’âge en ligne (dans le but de protéger les enfants) s’apparente à un alignement à la vision chinoise en matière d’Internet : contrôle total du cyberespace par le gouvernement. Pour parvenir à une telle maîtrise de son cyberespace, la Chine s’appuie sur un levier de taille : le contrôle de l’anonymat en ligne.
Il n’y a qu’à jeter un œil à l’article 6 de la réglementation chinoise en la matière. À la réalité, la question revient de plus en plus en Europe ; le cas autrichien l’illustre puisque le pays a lui aussi annoncé son intention de mettre fin à l’anonymat en ligne. On anticipe à 2020 la période à laquelle il ne sera plus possible dans ce pays de rédiger un commentaire en ligne sans fournir son nom, prénom et adresse exacts. La raison, souligne le ministère en charge des médias dans ce pays, est très simple ; en cas d’enquête, les opérateurs de plateformes seraient tenus de fournir des informations aux agences gouvernementales ou, dans certains cas, aux personnes privées en cas d'insulte ou de diffamation.
Le train est en marche ; lentement certes, mais il semble que la destination finale soit, à l’échelle globale, un Internet régulé, modéré et censuré par les États.
Et vous ?
Êtes-vous pour ou contre le recueil de données comme l’âge ou de façon plus large de pièces d'identité à l'occasion de la création de comptes sur les réseaux sociaux ou le sites web ? Pourquoi ? Que pensez-vous de l’applicabilité de telles mesures ?
Un Internet mondial piloté selon le modèle chinois relève-t-il de l’inéluctable ?
Voir aussi :
L'Allemagne veut punir d'une amende pouvant atteindre 50 millions € les médias sociaux qui tardent à retirer les fake news et les propos haineux
Macron : « Je ne veux plus de l'anonymat sur les plateformes internet », le Président français confirme qu'il veut bien la fin de l'anonymat en ligne
La fin de l'anonymat sur les réseaux sociaux n'est « pas souhaitable et pas possible » pour Mounir Mahjoubi qui vient clarifier les propos de Macron