Digital Markets Act : vue d'ensemble
Le règlement DMA (pour Digital Markets Act) du 14 septembre 2022 est, avec le règlement sur les services numériques (DSA), un des grands chantiers numériques de l’Union européenne. Il est progressivement applicable depuis le 2 mai 2023.
Le DMA a pour but de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des grandes enseignes du numérique, tels que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), qui ont acquis une position de quasi-monopole sur le marché européen, au détriment des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et du choix des consommateurs. Le DMA impose aux plateformes numériques considérées comme des « gardiennes » du marché, c’est-à-dire celles qui ont un impact significatif sur le marché intérieur et qui servent d’intermédiaires incontournables pour les utilisateurs, de respecter un ensemble d’obligations et d’interdictions, sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires mondial.
Sont présumées être des contrôleurs d’accès, au sens de la nouvelle législation européenne, les entreprises qui :
- fournissent un ou plusieurs services de plateforme essentiels dans au moins trois pays européens ;
- ont un chiffre d’affaires ou une valorisation boursière très élevé : 7,5 milliards d'euros au moins de chiffre d'affaires annuel en Europe dans les trois dernières années ou 75 milliards d'euros ou plus de capitalisation boursière durant la dernière année ;
- enregistrent un grand nombre d’utilisateurs dans l'UE : plus de 45 millions d'Européens par mois et 10 000 professionnels par an pendant les trois dernières années.
Le 6 septembre 2023, la Commission européenne a publié une première liste de six contrôleurs d'accès. Il s'agit notamment des GAFAM américains Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook) et Microsoft ainsi que du groupe chinois ByteDance, propriétaire de TikTok.
Les entreprises désignées comme gardiennes devront nommer un ou plusieurs responsables de la conformité avec le règlement, sous peine d'amende, et respecter d'ici le 6 mars 2024 une petite vingtaine d’obligations ou d'interdictions, pour chacun de leurs services de plateforme essentiels. Certaines sont applicables à tous, d'autres seront prononcées sur mesure.
Les contrôleurs d'accès devront par exemple :
- rendre aussi facile le désabonnement que l'abonnement à un service de plateforme essentiel ;
- permettre de désinstaller facilement sur son téléphone, son ordinateur ou sa tablette des applications préinstallées ;
- rendre interopérables les fonctionnalités de base de leurs services de messagerie instantanée (Whatsapp, Facebook Messenger…) avec leurs concurrents plus modestes ;
- autoriser les vendeurs à promouvoir leurs offres et à conclure des contrats avec leurs clients en dehors des plateformes ;
- donner aux vendeurs l'accès à leurs données de performance marketing ou publicitaire sur leur plateforme ;
- informer la Commission européenne des acquisitions et fusions qu'ils réalisent.
Des législateurs américains s'inquiètent du traitement infligés aux GAFAM
Dans une lettre consultée par Reuters, 21 membres de la Chambre des représentants des États-Unis ont averti que les nouvelles règles pourraient nuire aux intérêts économiques et sécuritaires américains et ont appelé Joe Biden à obtenir des engagements de la part de l'UE quant à l'application équitable des règles.
« Assurer notre leadership dans ce secteur est impératif pour notre économie et les travailleurs américains », indique la lettre. « La désignation de grandes entreprises américaines comme "gardiens" menace de bouleverser l'économie américaine, de diminuer notre leadership mondial dans la sphère numérique et de mettre en péril la sécurité des consommateurs ».
La lettre demandait pourquoi les entreprises chinoises Alibaba, Huawei et Tencent avaient évité d’être désignées et pourquoi les entreprises européennes avaient évité tout contrôle. « L'UE a inexplicablement échoué à désigner des détaillants, des plateformes de partage de contenu, des sociétés de paiement et des opérateurs de télécommunications européens », a-t-elle déclaré.
Les signataires de la lettre (dont le représentant Lou Correa, un démocrate, et Thomas Massie, un républicain) ont appelé Biden à demander aux législateurs européens l’assurance que le DMA ne sera pas injustement utilisé pour cibler les entreprises américaines.
Le gouvernement américain a déjà mis en garde l’UE contre une réglementation excessive des entreprises technologiques américaines. Alors que le DMA était encore en cours de rédaction, le Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a déclaré aux représentants de l’UE que l’utilisation du projet de loi pour cibler uniquement les entreprises américaines entraverait leur capacité à travailler ensemble.
« Nous sommes particulièrement préoccupés par les récents commentaires du rapporteur du Parlement européen pour la loi sur les marchés numériques », a indiqué Andreas Schwab dans un e-mail daté du 9 juin 2021 et lu par le Financial Times. Et de continuer en déclarant que « le Digital Markets Act ne devrait incontestablement cibler que les cinq plus grandes entreprises américaines ».
Il a ajouté : « Des commentaires et des approches comme ceux-ci rendent la coopération réglementaire entre les États-Unis et l'Europe extrêmement difficile et envoient le message que la Commission [européenne] n'est pas intéressée à s'engager de bonne foi avec les États-Unis pour relever ces défis communs dans une manière qui sert nos intérêts communs ».
« Les mesures protectionnistes pourraient désavantager les citoyens européens et freiner l'innovation dans les économies des États membres. De telles politiques entraveront également notre capacité à travailler ensemble pour harmoniser nos systèmes de réglementation », a-t-il déclaré.
Depuis 2021, le Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis a cherché à harmoniser la réglementation technologique des deux côtés de l'Atlantique, les législateurs recherchant un consensus sur des sujets tels que la sécurité de la chaîne d'approvisionnement, les contrôles à l'exportation et les investissements étrangers. Pour mémoire, le Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis sert d’enceinte au sein de laquelle les États-Unis et l’Union européenne coordonnent leurs approches des principales questions commerciales, économiques et technologiques mondiales et approfondissent les relations commerciales et économiques transatlantiques sur la base de ces valeurs partagées. Il a été créé lors du sommet UE-États-Unis du 15 juin 2021 à Bruxelles.
Source : lettre des législateurs à Joe Biden
Et vous ?
Quelles sont les conséquences potentielles du DMA pour les entreprises technologiques américaines et européennes ?
Comment le DMA pourrait-il affecter les droits des consommateurs et leur vie privée en ligne ?
Quelle est la position de la France sur le DMA et comment se compare-t-elle à celle des autres pays européens ?
Quels sont les arguments pour et contre le DMA du point de vue de la concurrence et de l’innovation ?
Comment le DMA pourrait-il influencer les relations entre les États-Unis et l’Union européenne ?
Et vous ?
Apple se prépare à modifier les règles de l'App Store en réponse au Digital Markets Act (loi européenne sur les marchés numériques). La date limite pour la mise en conformité est fixée au 7 mars 2024