L'idée que la course à l'armement puisse conduire à l'avènement de Skynet est crainte par un grand nombre de personnes. Par conséquent, au cours de ces dernières années, une campagne intensive a été entreprise contre l'utilisation des technologies de pointe pour améliorer les techniques et les matériels de guerre, notamment la fabrication d'armes semi-autonomes ou autonomes létales, le montage d'armes sur les robots et les drones, etc. Ces développements sont observés aussi bien dans le domaine civil que dans le domaine militaire (aux États-Unis, en Chine, en Israël, en Russie, etc.) et soulèvent de nombreuses préoccupations en matière d'éthique.
Récemment, des élus du Massachusetts ont décidé de se lancer dans la lutte contre la prolifération de ces engins de la mort. La représentante Lindsay Sabadosa et le sénateur de l'État Michael Moore du Massachusetts ont proposé la semaine dernière un projet de loi qui interdirait la fabrication, la vente et l'utilisation de robots ou de drones équipés d'armes. Si le projet de loi est adopté, il s'agira de la première loi de ce type à être promulguée aux États-Unis. En outre, le projet de loi interdirait également l'utilisation de robots équipés d'armes pour menacer ou harceler des personnes, ainsi que leur utilisation pour contraindre physiquement des individus.
Les contrevenants s'exposent à des amendes allant de 5 000 à 25 000 dollars. Le projet de loi est soutenu par des groupes de défense des droits civils et de dirigeants de l'industrie américaine de la robotique. « Ce projet de loi établit des garde-fous raisonnables autour de l'utilisation des robots pour harceler les membres du public et introduit des règles pour les forces de l'ordre afin de renforcer la confiance du public. J'espère que, si elle est adoptée, la législation pourra servir de modèle pour une réglementation responsable de la robotique dans d'autres États et au-delà », a déclaré le sénateur Moore dans un communiqué. Cependant, il y a un problème.
Le projet de loi semble vouloir interdire uniquement aux civiles de fixer des armes sur les robots. La plupart des cas d'utilisation militaire semblent être protégés par le texte. Ainsi, l'interdiction par l'État des robots munis d'une arme ne s'appliquerait pas à l'armée américaine, aux entreprises du secteur de la défense ou aux équipes de déminage des forces de l'ordre. De plus, selon le projet de loi, les sociétés privées qui développent des technologies anti-armes, comme un robot qui s'arrête automatiquement lorsqu'il détecte des coups de feu, peuvent demander auprès du procureur général des dérogations qui seraient évaluées et proposées au cas par cas.
Le projet de loi prévoit également l'obligation pour les forces de l'ordre d'obtenir un mandat avant d'utiliser des robots pour pénétrer dans une propriété privée ou effectuer une surveillance dans des situations où un mandat serait nécessaire pour un agent humain effectuant ce travail. Boston Dynamics, basée à Waltham dans le Massachusetts, l'ACLU du Massachusetts, MassRobotics et l'Association for Uncrewed Vehicle Systems International ont apportées leur soutien au projet de loi. Boston Dynamics, qui est un acteur majeur de l'industrie mondiale de la robotique, fait régulièrement la démonstration des capacités presque inédites de ses robots.
« Les robots mobiles avancés sont des outils incroyables qui peuvent enrichir nos vies et assurer la sécurité des gens, mais les efforts improvisés pour armer les robots à usage général menacent la confiance du public et l'acceptation de cette technologie émergente », a déclaré Brendan Schulman, vice-président chargé de la politique et des relations gouvernementales chez Boston Dynamics. En effet, cette proposition de loi fait suite à un appel lancé l'année dernière par des concepteurs de robots, dont Boston Dynamics, pour que les législateurs interdisent aux consommateurs de monter des armes sur des dispositifs autonomes ou télécommandés.
Bien que Boston Dynamics et ses concurrents ne vendent pas de robots équipés d'armes, de nombreuses vidéos ont été diffusées en ligne montrant des appareils qui ont été modifiés pour être équipés d'armes. Certains sont conçus pour ressembler à Spot, un robot canin de Boston Dynamics, avec un pistolet automatique fixé sur son dos. Il s'agit de modifications que l'entreprise n'autorise pas sur ses appareils. « Ces efforts découlent des cas que nous avons observés où des personnes ont acheté des robots prêts à l'emploi, les ont armés, les ont fait se promener en tirant et ont ensuite mis ces vidéos sur YouTube », a déclaré Schulman.
Sabadosa, qui représente une circonscription centrée sur Northampton, a déclaré qu'elle était sensible aux préoccupations soulevées par les entreprises de robotique concernant l'utilisation abusive de leurs produits. « Nous nous trouvons à un moment où la technologie est en plein essor et où les choses changent vraiment. Il était donc important d'adopter une loi le plus rapidement possible », a-t-elle déclaré. Elle a également que les innovations des entreprises dans le domaine de la robotique avaient besoin d'être protégées. Selon elle, les robots offrent de bonnes perspectives et pourraient améliorer les conditions de vie humaine à l'avenir.
« Les entrepreneurs ont besoin de la stabilité et de la prévoyance de notre législature, les communautés ont besoin de sécurité face à cette technologie qui évolue rapidement et, surtout, nous devons agir pour garantir la confiance et la sécurité du public. La robotique peut façonner, façonne et façonnera nos économies et nos vies pour le meilleur, et il est du devoir de mes collègues et de moi-même de maintenir notre attention sur cette technologie en développement », a déclaré Sabadosa. Le projet de loi sera assigné aux comités législatifs concernés, qui pourraient tenir des audiences sur la proposition plus tard cette année ou en 2024.
« Nous espérons que cette proposition trouvera un écho auprès des gens, que nous ferons un travail d'éducation et que nous pourrons la faire avancer », a déclaré la représentante Sabadosa. Selon certains experts ayant étudié les questions liées à l'éthique de l'IA, l'approche des élus du Massachusetts est logique et pourrait donner lieu à des garde-fous solides. Juliet Floyd, professeur de philosophie à l'université de Boston, a déclaré : « étant donné que l'utilisation de drones et de robots en tant qu'armes est déjà probablement illégale, il ne serait pas particulièrement contraignant, et ce serait une bonne chose d'interdire de leur attacher des armes ».
Nir Eisikovits, directeur du centre d'éthique appliquée de l'université de Boston (UMass Boston’s Center for Applied Ethics), a également soutenu l'approche du projet de loi. Il a averti les législateurs que l'utilisation de robots par les forces de l'ordre pourrait être problématique. « Il existe des préoccupations crédibles quant à la partialité des forces de l'ordre, même lorsqu'elles ne sont pas équipées de systèmes d'armes autonomes. Il est difficile de trouver un argument pour l'autoriser à utiliser de telles armes. C'est d'autant plus vrai que les systèmes d'IA sont eux-mêmes souvent en proie à des problèmes de partialité algorithmique », a-t-il déclaré.
Denise Garcia, professeur à la Northeastern University et membre de l'Institute for Experiential Robotics de l'école, souhaiterait que les législateurs aillent encore plus loin et bloquent les robots armés et automatisés, même sur le champ de bataille. « L'armement des drones et des robots, qu'ils soient ou non assistés par l'IA, devrait être interdit. Les États-Unis sont déjà le pays le plus violent et le plus meurtrier de l'ensemble des pays développés. L'armement des robots et des drones pourrait aggraver la situation », a déclaré Garcia, qui est également vice-présidente du Comité international pour le contrôle des robots armés.
De nombreux experts critiquent la législation en raison des exemptions faites au cas d'utilisation militaire. En fait, ces formes d'utilisation sont jugées problématiques et contraires à l'éthique, et les critiques souhaitent que le projet de loi interdise purement et simplement tout robot équipé d'une arme. Ils appellent à une législation beaucoup plus stricte au niveau fédéral. « La dernière chose que vous voulez, ce sont des robots piratés équipés d'armes. Des robots non piratés armés, c'est déjà bien assez. Tous les logiciels comportent des bogues. Il est tout simplement impossible de tester toutes les conditions dans le monde réel », écrit un critique.
Source : le projet de loi du Massachusetts
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