Le Canada fait face à une opposition ferme après l'adoption d'une loi qui exigerait de Google et de Meta qu'ils paient les médias locaux pour les informations qu'ils diffusent à travers le fil d'actualités de leurs plateformes numériques. Dans la foulée, Meta a annoncé son intention de retirer tous les contenus d'actualités de Facebook et d'Instagram au Canada et de suspendre cette fonctionnalité dans le pays, avant l'entrée en vigueur de la loi. De leur côté, les autorités canadiennes ont déclaré jeudi qu'elles considéraient les déclarations de Meta comme une menace contre le journalisme et qu'elles entendaient défendre son industrie de l'information jusqu'au bout.
La chambre haute du Sénat canadien a adopté jeudi un projet de loi qui obligera Google et Meta à rémunérer les médias locaux pour les contenus d'information qu'ils partagent ou réutilisent sur leurs plateformes. Ce projet de loi a été adopté dans un contexte d'impasse entre le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau et les géants technologiques de la Silicon Valley. Ottawa estime que la nouvelle loi, connue sous le nom de Loi sur l'information en ligne, mettait sur un pied d'égalité les géants de la publicité en ligne et l'industrie de l'information, en perte de vitesse. Mais Meta, et dans une moindre mesure Google, s'oppose vivement à cette loi.
Meta a confirmé jeudi qu'elle prévoyait de se conformer au projet de loi en mettant fin à la disponibilité des actualités sur Facebook et Instagram pour ses utilisateurs canadiens, comme elle l'avait déjà suggéré. « Nous avons plusieurs fois répété qu'afin de respecter le projet de loi C-18, qui a été adopté aujourd'hui par le Parlement, le contenu des organes d'information, y compris les éditeurs et les radiodiffuseurs, ne sera plus disponible pour les personnes accédant à nos plateformes au Canada », a déclaré Lisa Laventure, responsable des communications pour Meta au Canada. La société n'a pas voulu donner de détails sur le calendrier de cette mesure.
Toutefois, elle a indiqué qu'elle retirerait les actualités locales de ses plateformes avant que la loi n'entre en vigueur. Le projet de loi entrera en vigueur six mois après avoir reçu la sanction royale du gouverneur général. « Aujourd'hui, nous confirmons que la disponibilité des actualités sera suspendue sur Facebook et Instagram pour tous les utilisateurs au Canada avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'information en ligne », a déclaré Laventure. Facebook avait annoncé cette décision depuis des semaines, notant que les actualités n'avaient aucune valeur économique pour l'entreprise et que ses utilisateurs ne se servaient pas de la plateforme pour s'informer.
Mais cette législation a été proposée à la suite de plaintes émanant de l'industrie canadienne des médias, qui souhaite une réglementation plus stricte des entreprises technologiques afin de les empêcher d'évincer les entreprises d'information du marché de la publicité en ligne. Elle définit des règles qui obligent les plateformes telles que Facebook et Google à négocier des accords commerciaux et à payer les éditeurs de presse pour leur contenu, une mesure similaire à une loi adoptée en Australie en 2021. Les médias traditionnels et les radiodiffuseurs ont fait l'éloge de la législation, qui promet de "renforcer l'équité" sur le marché de l'information numérique.
Elle vise également à aider les salles de rédaction en perte de vitesse à gagner plus d'argent. Les géants de la technologie, dont Meta et Google, ont été accusés par le passé de perturber et de dominer le secteur de la publicité, en éclipsant les acteurs traditionnels plus modestes. Cela dit, les géants technologiques américains ont fait savoir aux législateurs canadiens que ces propositions n'étaient pas viables pour leurs activités. Google a fait valoir que la loi canadienne était plus large que celles adoptées en Australie et en Europe, en affirmant que la législation mettait un prix sur les liens d'articles d'actualité affichés dans les résultats de recherche.
Google a ajouté que la loi pouvait s'appliquer à des organismes qui ne produisaient pas d'informations. Le géant de la recherche en ligne a proposé que le projet de loi soit révisé afin que l'affichage de contenus d'actualité, plutôt que de liens, constitue la base du paiement et que seules les entreprises qui produisent des informations et adhèrent aux normes journalistiques soient éligibles. Un porte-parole de Google a déclaré jeudi que le projet de loi restait "irréalisable" et que l'entreprise cherchait d'urgence à travailler avec le gouvernement "sur une voie à suivre". Le gouvernement canadien a jusqu'à présent repoussé les propositions de changement.
Meta a déjà pris des mesures similaires par le passé. En 2021, elle a brièvement bloqué les actualités sur ses plateformes en Australie après que le pays a adopté une loi qui obligerait les entreprises technologiques à payer les éditeurs pour l'utilisation de leurs articles d'actualité. Mais la société a ensuite conclu des accords avec des éditeurs australiens. Au début du mois, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a déclaré que Meta et Google utilisaient des "tactiques d'intimidation" dans leur campagne contre la législation. Le ministre canadien du Patrimoine, Pablo Rodriguez a déclaré que le gouvernement ne cèderait pas face à ces menaces.
Rodriguez, qui a présenté le projet de loi l'année dernière, a déclaré jeudi que le gouvernement s'engagera dans un processus de réglementation et de mise en œuvre après l'entrée en vigueur de la législation. « Si le gouvernement ne peut pas défendre les Canadiens contre les géants de la technologie, qui le fera ? », a-t-il déclaré dans un communiqué. Il a accusé les géants américains de la technologie de vouloir porter préjudice à l'industrie du journalisme dans son ensemble. Selon certains analystes, le projet de Meta de se conformer à la législation en bloquant toutes les actualités sera probablement préjudiciable aux organismes de presse.
Ces derniers tirent leur trafic Web des articles postés sur les plateformes tels que Facebook et Instagram. Selon un porte-parole du gouvernement canadien, le ministère du Patrimoine a rencontré Facebook et Google cette semaine et attend avec impatience la suite des discussions. Meta effectuerait déjà un test qui bloque les nouvelles pour jusqu'à cinq pour cent de ses utilisateurs canadiens, et Google aurait effectué un test similaire au début de l'année.
Danielle Coffey, présidente du groupe industriel mondial News Media Alliance, a déclaré que le Senat canadien "devrait être applaudi pour avoir tenu tête aux Big Tech" après l'approbation du projet de loi par le Sénat. « Nous sommes encouragés par la reconnaissance croissante de la nécessité d'une action en justice pour garantir une juste compensation, tant au Canada qu'à l'étranger, et nous espérons que les États-Unis suivront cet exemple », a déclaré Coffey.
Sources : Meta, Loi canadienne sur l'information en ligne
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Le , par Bill Fassinou
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