Un cadre pour une réforme fiscale internationale a été approuvé ce mois-ci par 131 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mais l'approbation des 19 plus grandes économies et de l'Union européenne permettra de faire en sorte qu'il devienne une réalité après des années de négociations. Au terme de deux jours de tractations à Venise, les ministres des Finances du G20 ont donné samedi leur feu vert à la mise en œuvre, dès 2023, d’une grande réforme fiscale mondiale visant à taxer plus équitablement les multinationales.
« Après de nombreuses années de discussions et sur la base des progrès réalisés l'année dernière, nous sommes parvenus à un accord historique sur une architecture fiscale internationale plus stable et plus équitable », est-il noté dans un communiqué conjoint. « Nous approuvons les éléments clés des deux piliers sur la réaffectation des bénéfices des entreprises multinationales et un impôt minimum mondial efficace ».
Il reste désormais à finaliser certaines modalités techniques, surmonter des obstacles politiques qui demeurent et à vaincre des résistances isolées, d'ici à une réunion des chefs d'État et de gouvernements à Rome en octobre pour le finaliser.
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, n'a pas tardé à saluer l'accord, affirmant qu'il s'agissait d'une opportunité de réforme unique par siècle. « Il n'y a pas de retour en arrière possible. Nous mettons fin à la course fiscale vers le bas et les géants du numérique paieront désormais leur juste part d'impôts », a-t-il déclaré. Cette dynamique devrait, selon lui, venir à bout des résistances de sept pays qui rechignent encore à endosser l'accord, dont trois Européens. L'Irlande, membre de l'UE, qui a attiré Apple et Google à Dublin grâce à des taux d'imposition faibles, l'Estonie, la Hongrie, le Kenya, le Nigeria et le Sri Lanka sont toujours dans le camp des opposants à la réforme. Dans leur déclaration finale, les ministres du G20 ont déclaré qu'ils « invitent tous les membres » des négociations « qui n'ont pas encore adhéré à l'accord international à le faire ».
La réforme repose sur deux « piliers ». Le premier pilier de l'accord consiste à réaffecter une part de l'impôt sur les bénéfices payé par les multinationales aux pays dits « de marché », c'est-à-dire ceux où elles réalisent leurs activités. L'impôt ne sera donc plus dû uniquement là où leurs sièges sociaux sont installés. En ligne de mire, les entreprises qui réalisent plus de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires mondial et dont la rentabilité est supérieure à 10 %.
L’objectif est d’éviter que les multinationales et surtout les GAFA, qui ont largement profité de la pandémie de covid-19 et des confinements, paient des impôts dérisoires au regard de leurs revenus.
Le deuxième pilier correspond à l'instauration d'un taux d'impôt effectif minimum « d'au moins 15 % » sur les bénéfices des multinationales. Un État pourra taxer les profits étrangers d'une de ses entreprises nationales qui aurait été imposée à l'étranger à un taux inférieur à ce taux minimum, afin de compenser l'écart. Le taux minimum devrait concerner moins de 10 000 grandes entreprises, mais l'OCDE estime qu’il générerait 150 milliards de dollars de recettes supplémentaires par an.
Les États-Unis, la France et l'Allemagne se disent en faveur d'un taux supérieur à ce taux minimum proposé, de même que la majorité des pays émergents, comme l'Argentine. Washington plaide pour 21 %. Si l'espoir d'y parvenir est maigre, cela devrait faire l'objet de tractations dans les mois à venir. Autre détail à finaliser, le taux de redistribution local des bénéfices. Une fourchette entre 20 et 30 % a été laissée ouverte. Paris pousse pour 25 %, ce que Washington semble prêt à soutenir.
L'UE suspend son projet de taxe du numérique
La concorde internationale autour de la taxation des géants du numérique n'aura duré que le temps d'un week-end. En effet, sous la pression États-Unis, l'UE a décidé de suspendre son projet de taxe dit GAFA jusqu'en octobre. Lors d'une conférence de presse ce lundi 12 juillet à Bruxelles en marge de négociations de l’OCDE, Daniel Ferrie, porte-parole de la Commission européenne a déclaré : « Nous avons décidé de suspendre nos travaux sur notre nouvelle taxe numérique ». Et d'expliquer que « la réussite de ce processus nécessitera une dernière impulsion de la part de toutes les parties, et la Commission s'est engagée à se concentrer sur cet effort. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en pause notre travail sur une proposition de taxe numérique ».
Il faut dire que le projet européen a suscité des critiques américaines et la secrétaire au Trésor Janet Yellen avait appelé dimanche l'UE à le reconsidérer. Pour Washington, la taxe numérique européenne entre en contradiction avec le projet d'impôts des multinationales, dont l'accord politique a justement été obtenu samedi dernier lors d’une réunion du G20. Au lendemain de cette réunion, Janet Yellen a indiqué que l'accord sur la taxation des multinationales « invite les pays à accepter de démanteler les taxes numériques existantes que les États-Unis considèrent comme discriminatoires et à s'abstenir d'instaurer des mesures similaires à l'avenir ».
« Il appartient donc à la Commission européenne et aux membres de l'Union européenne de décider de la marche à suivre », avait-elle lancé devant la presse
C'est la deuxième fois que l'Europe recule face aux intérêts américains dans l’imposition d’une « taxe GAFA », après un premier renoncement en 2018.
Source : communiqué du porte-parole de la Commission européenne
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Sous la pression américaine, l'UE suspend son projet de taxe GAFA
Pour ne pas nuire à la poursuite des négociations internationales à l'OCDE sur la refonte de la fiscalité mondiale
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Le , par Stéphane le calme
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