En vertu d'une nouvelle législation, la police irlandaise aura le pouvoir d'obliger les personnes à fournir des mots de passe pour les appareils électroniques lors de l'exécution d'un mandat de perquisition. Une personne qui refuse de donner à la police le mot de passe d'un téléphone portable ou d'un autre appareil commet un délit et risque jusqu'à cinq ans de prison et 30 000 euros d'amende, selon la nouvelle législation présentée lundi. Cette mesure intervient alors que de plus en plus de crimes ont migré en ligne, où ils sont perpétrés via des téléphones, des ordinateurs et d'autres appareils protégés par des identifiants personnels.
Des sources de la Garda Síochána ou Gardaí (police irlandaise) ont déclaré aux médias irlandais que la pandémie avait accéléré la perpétration d'un grand nombre de crimes, y compris des délits mineurs tels que des transactions de drogues de faible valeur, sur des applications de messagerie alors que les contacts en personne devenaient limités. Ils estiment que cette tendance se maintiendra longtemps après la pandémie et que ce nouveau pouvoir est essentiel pour renforcer les recherches de la police afin d'inclure l'accès aux téléphones portables et autres appareils.
Le plan général du projet de loi sur les pouvoirs de la Garda Síochána, qui a été publié lundi par la ministre de la Justice Heather Humphreys, obligera également pour la première fois la police à établir un rapport écrit dans tous les cas où ils arrêtent et fouillent une personne. Cela permettra de collecter des données afin d'évaluer l'efficacité et l'utilisation des pouvoirs, selon la future loi.
Selon les médias irlandais, cette mesure, associée à un code de pratique à élaborer, permettra de dégager les tendances en matière d'interpellation et de fouille au fil du temps. Cela inclura le sexe et l'origine ethnique des personnes arrêtées. Il sera également possible de savoir dans quelles parties du pays et dans quels codes postaux les interpellations et les fouilles sont les plus fréquentes, et quels groupes d'âge sont les plus souvent interpellés.
En vertu des dispositions du projet de loi, la police ne sera plus obligée de consigner par écrit les entretiens avec les suspects et les témoins dès lors que d'autres options d'enregistrement sont disponibles. Les mises en garde de la police, qui permettent à une personne d'éviter d'être condamnée pour un crime, sont inscrites dans la loi, tout comme le droit des suspects à la présence d'un avocat lors des interrogatoires de la police.
Des mesures sont également mises en place pour aider les personnes qui sont détenues par la police, mais qui ont des enfants à charge ou qui sont handicapées d'une manière ou d'une autre, notamment en raison d'une intoxication. La ministre a déclaré que le projet de loi donnerait à la police quelques nouveaux pouvoirs, mais qu'il clarifierait et codifierait également les pouvoirs existants prévus dans des centaines de textes législatifs. Le projet de loi, a-t-elle noté, est une recommandation clé de la Commission sur la "Future of Policing" en Irlande, qui a publié une feuille de route pour la réforme de la police en septembre 2018.
« Le droit dans ce domaine est actuellement très complexe, réparti entre la common law, des centaines de textes législatifs, le droit constitutionnel et le droit européen », a déclaré la ministre Humphreys à propos du nouveau projet de loi codifiant et clarifiant les pouvoirs et les responsabilités de la police.
« En rassemblant tout cela, l'utilisation des pouvoirs de police par la police sera claire, transparente et accessible. L'objectif est de créer un système qui soit à la fois clair et simple à utiliser pour la police et facile à comprendre pour les gens qui veulent savoir quels pouvoirs la police peut utiliser et quels sont leurs droits dans ces circonstances ».
« Je pense que cela maintiendra l'équilibre crucial qui est la clé de notre système de justice pénale, tout en assurant une plus grande clarté et une rationalisation des pouvoirs de la police ». Dans un tweet, Humphreys a ajouté : « Notre nouveau projet de loi modernisera et mettra à jour les pouvoirs de la police, et il contient également des dispositions visant à garantir la protection des droits fondamentaux ».
Créer une nouvelle infraction pénale spécifique de refus de mot de passe
Parmi les autres nouveautés, citons des périodes de détention plus longues pour les enquêtes sur des infractions multiples, pouvant aller jusqu'à 48 heures, ainsi qu'une semaine de détention pour les suspects d'infractions liées à la traite des êtres humains – actuellement soumise à un maximum de 24 heures.
Selon le projet de loi, la personne qui refuse de communiquer son mot de passe doit être suspectée d'un crime et d'entrave à l'enquête sur ce crime principal pour pouvoir être condamnée pour le refus du mot de passe.
Le nouveau projet de loi créera une nouvelle infraction pénale spécifique de refus de mot de passe et les cas les plus graves seront jugés par mise en accusation, devant un juge et un jury, où les sanctions les plus sévères s'appliqueront. Toutefois, même dans les cas moins graves où les mots de passe n'ont pas été fournis, une personne pourrait toujours être poursuivie sommairement. En cas de condamnation, la sanction pourrait aller jusqu'à 12 mois d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende.
En vertu du nouveau projet de loi, la police irlandaise sera également habilitée à arrêter et à détenir une personne jusqu'à ce que l'authenticité du nom et des autres données d'identité qu'elle a fournies à la police soit vérifiée. Ils auront également de nouveaux pouvoirs pour arrêter et fouiller les véhicules, les arrêts aléatoires étant autorisés dans le cadre d'enquêtes sur des cas d'enlèvement d'enfants ou de traite des êtres humains.
Heather Humphreys est ministre irlandaise de la Justice à titre temporaire depuis avril 2021 et a occupé les fonctions de ministre du Développement rural et communautaire et de ministre de la Protection sociale depuis juin 2020.
Pendant ce temps, dans certaines juridictions, la police ne peut pas forcer un utilisateur de smartphone à le déverrouiller. L’année dernière, la Cour suprême de l'Indiana aux États-Unis a statué que le cinquième amendement permet à une femme accusée de harcèlement de refuser de déverrouiller son iPhone. La Cour a estimé que la règle du cinquième amendement contre l'auto-incrimination protégeait la prévenue en empêchant la police d'accéder à des données potentiellement incriminantes sur son téléphone. Par cette décision, l'Indiana a rejoint la Pennsylvanie, qui considère également que le respect d’une ordonnance de déverrouillage forcé d’un smartphone était une forme de "témoignage" au sens de cet amendement.
En avril 2019, une décision de justice rendue par la cour d’appel de Paris, la Cour a estimé que le fait, pour un prévenu, de ne pas révéler le code de déverrouillage de son téléphone portable n’est pas constitutif de poursuites devant la justice. Il faut rappeler que le mis en cause avait été arrêté avec 97 grammes de produits stupéfiants et avait été jugé une première fois en septembre 2018 devant le tribunal de grande instance de Créteil où il avait écopé de sept mois d’emprisonnement. Mais la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt de la cour d’appel de Paris. Elle a arrêté à son tour que le refus de fournir un code de déverrouillage d’un téléphone peut constituer une infraction s’il est prouvé qu’il existe un lien avec le chiffrement sur le terminal.
Source : Département de la Justice
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Que pensez-vous de ce projet de loi qui donne à la police des pouvoirs sur les mots de passe d'un téléphone ou d'un ordinateur ?
Voir aussi :
La Cour suprême de l'Indiana statue que la police ne peut pas forcer un utilisateur de smartphone à le déverrouiller, annulant ainsi une ordonnance d'un tribunal inférieur
Il refuse de donner son code de portable en garde à vue et la justice française lui donne raison, créant ainsi un précédent
France : le refus de fournir un code de déverrouillage de téléphone aux autorités peut constituer une infraction, s'il est prouvé que ce dernier a un impact sur le chiffrement des données du terminal
Nouvelle-Zélande : refuser de déverrouiller son smartphone pour une fouille numérique des douanes, expose désormais à une amende de jusqu'à 5000 USD
La police irlandaise va recevoir des pouvoirs sur les mots de passe des téléphones et des ordinateurs,
Le refus de les fournir va devenir une infraction pénale
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Le refus de les fournir va devenir une infraction pénale
Le , par Stan Adkens
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