
La France s'apprête à créer une agence nationale de lutte contre les manipulations de l'information en provenance de l'étranger visant à "déstabiliser l'État". Ce service rattaché au SGDSN devrait voir le jour dès le mois de septembre et mobiliser à terme 60 personnes qui travailleront en sources ouvertes, c'est-à-dire à partir d'éléments publics, a-t-il précisé au cours d'une audition devant la Commission défense à l'Assemblée nationale, à un an de l'élection présidentielle.
Avec cette agence de lutte contre les ingérences numériques, « il ne s'agit pas de corriger ou rétablir la vérité, mais d'arriver à détecter les attaques quand elles viennent de l'étranger, pouvoir les caractériser et d'une certaine manière les attribuer pour pouvoir permettre aux hommes politiques, aux diplomates, à la justice et la presse de constater que sur 400 000 tweets de reprise de telle ou telle information, 200 000 viennent des comptes automatisés dans une région hors de notre pays ou que tel débat provient d'une ferme à trolls », a expliqué le SGDSN.
« Il ne s'agit pas de faire du renseignement, ce qui nous intéresse c'est ce qui est en train de devenir pandémique sur le plan informationnel et si cela émane d'un pays étranger ou d'une organisation étrangère qui visent ainsi à déstabiliser l'État sur le plan politique, a-t-il insisté. Notre objectif est de détecter le plus rapidement possible quelque chose qui est en train de monter et de pouvoir signaler l'incendiaire. Une fois que la forêt a brûlé, c'est triste, mais c'est trop tard », a-t-il ajouté. Plusieurs échéances électorales feront l'objet d'une attention particulière au cours des prochains mois, a confié le SGDSN, comme les élections législatives en Allemagne fin septembre, "pour pouvoir en tirer des leçons". La France elle-même se prépare à la tenue dans un an d'une élection présidentielle et des tentatives d'ingérences dans des scrutins passés dans ce pays, ou aux États-Unis, ont été documentées.
Plusieurs échéances électorales feront l’objet d’une attention particulière au cours des mois à venir, a confié le SGDSN, comme les élections législatives en Allemagne fin septembre. La France elle-même se prépare à la tenue dans un an d’une élection présidentielle. Le référendum d’autodétermination du 12 décembre prochain dans l’archipel français de Nouvelle-Calédonie aura aussi valeur de test dans ce domaine. Ce sera l’occasion de « regarder s’il n’y a pas des États qui ont intérêt à ce que le résultat du vote aille dans un sens qui ne serait pas forcément celui (pour lequel) les Calédoniens eux-mêmes voteraient », a commenté Stéphane Bouillon.
Outil informatique d’influence en ligne au service de l’exécutif français ?
Le SGDSN anticipe sur le risque que cette nouvelle agence passe pour un outil d’influence en ligne au service de l’exécutif français, et promet la « transparence totale » sur ses actions. Un comité d’éthique et scientifique composé d’un membre du Conseil d’État, d’un membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’un magistrat, d’un ambassadeur, de journalistes et de chercheurs a été constitué pour veiller sur les activités de cette agence.
D’autres pays ou groupes d’États se sont d’ores et déjà dotés de telles structures. L’Union européenne par exemple a créé en 2015 « East Strat Comm », spécifiquement consacrée à lutter contre les manipulations en provenance de Russie. Au Royaume-Uni, le programme NSCT rattaché aux services du Premier ministre est chargé de ces missions.
La France qui se prépare pour l'élection présidentielle de l’année prochaine a effectué une première expérimentation l’an dernier et celle-ci serait à l’origine du projet. Après l’assassinat en octobre de l’enseignant Samuel Paty, une campagne de désinformation antifrançaise fleurit sur les réseaux sociaux. L’exécutif charge alors une cellule, baptisée « Task Force Honfleur », de détecter et de caractériser ce bruit de fond qui s’avérera d’origine turque. En début d’année, Emmanuel Macron a manifesté sa volonté de voir cet effort de lutte contre la désinformation confiée à un service interministériel.
Source : Stéphane Bouillon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale
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