Le ministre de la Santé Olivier Véran est accusé de "favoritisme" dans la gestion de l'application TousAntiCovid par l'association ANTICOR. Elle a déposé une plainte devant la Cour de justice de la République (CJR), estimant qu'un marché public aurait dû être passé pour sélectionner les entreprises travaillant sur ce dispositif de contact tracing de 6,5 millions d’euros, le code de la commande publique rendant une telle procédure impérative pour les marchés de fourniture et de services supérieurs à un certain seuil. ANTICOR écarte également l’argument potentiel de l’urgence liée à la crise sanitaire qui pourrait avoir conduit à passer outre un appel d’offres.
L’actualité de l’application TousAntiCovid rebondit, mais cette fois en justice. Le lundi 22 mars, l’association ANTICOR a annoncé avoir saisi la Cour de justice de la République pour lui signaler une possible infraction pénale dans les conditions d’attribution des contrats pour concevoir ce programme de traçage des contacts. La plainte a été déposée en janvier contre le ministre de la Santé Olivier Véran pour "favoritisme" dans la gestion de l’application StopCovid devenue TousAntiCovid, avant qu’elle ne soit rendue publique le lundi dans un article.
« Annoncé le 8 avril, le développement de l'application a été présenté comme fait à titre gratuit par différentes entreprises privées, parmi lesquelles Dassault Systèmes, Capgemini, Orange ou Withings, mais l'Obs avait révélé en juin qu'une fois l'application lancée, son exploitation et sa maintenance feraient l'objet d'une facturation », a rappelé lundi l’AFP.
En juin 2020, le coût d’exploitation de l’application StopCovid (qui n’était pas encore renommée TousAntiCovid) était évalué entre 200 000 et 300 000 euros par mois. L’hébergement du serveur de l’application est assuré par Outscale, une filiale de Dassault Systèmes. À la fin du même mois, Cédric O, secrétaire d’État en charge du numérique, détaillait les postes de dépense au cours d’une conférence de presse :
40 000 euros mensuels pour l’hébergement informatique ; 40 000 à 80 000 euros par mois pour la maintenance et le développement de l’application ; 50 000 euros par mois d’appui au support utilisateur ; 30 000 euros par mois pour les frais de déploiement.
À l’époque, Cédric O avait considéré que ces dépenses n’étaient pas si élevées compte tenu de la pandémie, du coût que la crise fait peser sur l’hôpital et de l’échelle à laquelle doit évoluer l’application, au niveau de tout un pays.« Ce montant est epsilonesque par rapport aux coûts et aux effets délétères évités d’une admission en réanimation par exemple », avait-il fait remarquer.
Dans sa plainte, l’association anticorruption, défendue par Me Jean-Baptiste Soufron et Patrick Rizzo, rappelle l’évaluation d’un rapport parlementaire de novembre selon lequel le coût global de cette application destinée à lutter contre l’épidémie de coronavirus a été estimé à 6,5 millions d’euros du début juin à fin octobre.
ANTICOR considère que le coût engendré par l’application « va bien au-delà des seuils réglementaires permettant une dispense de procédure d’appel d’offres ». « Le bilan financier StopCovid rendu public fin novembre révèle que l’application StopCovid a coûté bien plus cher à l’État » : « Les licences (69.676 € TTC/an), le support utilisateur (720.000€ TTC/an), l’animation du déploiement (432.000€ TTC/an), l’hébergement (576.000€ TTC/an) ainsi que la campagne de communication (2.793.000€ TTC/an) », a rappelé l’association.
Selon ses calculs, le montant total étant de 6,5 millions euros TTC alors que « le gouvernement est tenu de procéder à un appel d’offres à partir de 139.000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services ». L’absence d’appel d’offres dans les cas où il est obligatoire est susceptible de constituer l’infraction pénale de favoritisme, a indiqué l’association.
ANTICOR estime aussi que la liste des entreprises du secteur privé ayant développé l’application au côté d’acteurs publics, tels que Santé publique France ou l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), n’est pas précisément connue.
Le caractère d’urgence n’autorise pas de s’affranchir des règles en vigueur
ANTICOR ne discute pas le bien-fondé de créer une application mobile devant appuyer la lutte contre la crise sanitaire due au coronavirus. Mais elle estime néanmoins que cela n’autorise pas de s’affranchir des règles en vigueur, et cela même si la situation revêtait un caractère inédit et d’urgence. Elle estime qu’entre le lancement du projet et son aboutissement début juin, le gouvernement avait deux mois pour faire ces procédures jugées nécessaires.
L’association avait d’ailleurs déjà saisi en juin 2020 le parquet national financier, pour une possible atteinte aux finances publiques. Le 10 juin, l’association dénonçait « un prix très supérieur aux pratiques du marché ».
« Pour des marchés publics portant sur des montants aussi importants, la mise en concurrence était obligatoire pour garantir la transparence, d’une part dans l’attribution des marchés et d’autre part dans l’usage de l’argent public », justifie ANTICOR. « Les manquements aux règles relatives à la commande publique ont un impact sur la vie démocratique, mais également sur les comptes publics ».
Impossible de connaître le verdict de la CJR, mais cette nouvelle procédure s'ajoute aux nombreux couacs de TousAntiCovid qui reste en encore trop peu utilisé pour être véritablement efficace dans la lutte contre le covid-19. Boudée pendant de longs mois par les Français qui s’inquiétaient pour leur vie privée, et même désinstallée plusieurs centaines de milliers de fois, l’application StopCovid est devenue TousAntiCovid mi-octobre et a connu un plus grand nombre de téléchargements. Plus de 13,9 millions de personnes l’ont téléchargée et activée depuis le 2 juin 2020, a indiqué l’application du gouvernement le lundi 22 mars.
Source : ANTICOR
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Voir aussi :
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Application TousAntiCovid : un coût de 6,5 millions d'euros sans appel d'offres,
ANTICOR saisit la Cour de justice de la République
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Le , par Stan Adkens
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