Faisant appel d'une décision du Second Circuit interdisant au président Donald Trump de bloquer ses critiques sur Twitter, le ministère de la Justice a demandé jeudi à la Cour suprême d'annuler la conclusion selon laquelle les fonctionnaires du gouvernement doivent s'ouvrir à un débat controversé sur les médias sociaux avec d’autres utilisateurs. Selon la pétition déposée, la Cour suprême devrait annuler une décision d'un tribunal inférieur qui avait jugé que le président Trump avait violé le Premier amendement en bloquant des personnes sur Twitter à cause de leurs opinions.
« En jugeant que le président agit de manière anticonstitutionnelle en bloquant les comptes des personnes concernées sur son compte Twitter personnel, la cour d'appel a mal appliqué plusieurs doctrines du Premier Amendement », lit-on dans une requête déposée auprès de la haute Cour par l’avocat général intérimaire des États-Unis, Jeffrey Wall.
« Plus fondamentalement, la Cour a considéré à tort le discours du président sur son compte (ses tweets), au lieu de se concentrer sur la restriction contestée du président sur le discours des répondants (son blocage de leurs comptes) », déclare la pétition. « Cette erreur a conduit la cour d'appel à la conclusion erronée que le gouvernement des États-Unis, plutôt que Donald J. Trump, avait interféré avec l'utilisation préférée de Twitter par les répondants ».
Tout a commencé en 2017 lorsque le président Trump, qui compte aujourd'hui plus de 85 millions de followers sur Twitter, selon USA Today, a déclenché une bataille judiciaire en bloquant certains des utilisateurs du réseau social de suivre son compte Twitter. Sept d'entre eux sont allés devant les tribunaux, accusant Trump de chercher à « réprimer la dissidence ». Un tribunal fédéral de district a condamné le président en 2018, et un panel de la Cour d'appel américaine pour le 2e Circuit a suivi en 2019. Au début de l'année, la cour d'appel au complet a refusé d’entendre à nouveau l'affaire, selon USA Today.
« Ces tweets sont publiés par un agent public revêtu de l'autorité de l'État qui utilise les médias sociaux comme outil de gouvernance et comme canal officiel de communication sur une plateforme publique interactive », a écrit le juge Barrington Parker de la cour d'appel, a rapporté USA Today. Mais l’avocat général par intérim a déclaré jeudi aux juges que le compte de Trump avait été créé en 2009 alors qu'il était un simple citoyen. Wall a déclaré que le président a continué à l'utiliser pour des déclarations personnelles et officielles.
« Le président utilise son compte pour parler au public, et non pour donner aux membres du public un forum pour lui parler et parler entre eux », a déclaré Wall. « Lui refuser le pouvoir d'exclure les comptes de tiers de son compte personnel - un pouvoir que possède tout autre propriétaire d'un compte Twitter - dissuaderait les titulaires de son bureau d'utiliser les nouvelles technologies pour communiquer efficacement avec un large public », a-t-il ajouté.
En 2017, l’Amendment Institute de l'Université de Columbia, qui a engagé des poursuites au nom des sept utilisateurs de Twitter bloqués, avait rappelé au président américain que « le fait d’interdire à quelqu’un l’accès à ce genre de forum à cause de ses opinions est anticonstitutionnel », même si c’est le sien, en invoquant le Premier Amendement qui interdit au Congrès US (et par extension au gouvernement) de voter des lois ou d’entreprendre des actions pouvant limiter la liberté de religion et d’expression des citoyens. L’institut Knight avait ajouté : « vos comptes Twitter sont des espaces d’expression privilégiés au sein desquels vous communiquez vos idées et vos décisions en tant que président, mais ils représentent également des forums rassemblant des millions d’individus qui répondent, posent des questions ou donnent leur point de vue ».
La décision de la cour d'appel mettra en péril la capacité des fonctionnaires à protéger leurs comptes de médias sociaux contre le harcèlement
Le président "tweete" régulièrement sur @realDonaldTrump, souvent plusieurs fois par jour. Selon USA Today, depuis la création du compte, il a "tweeté" plus de 54 000 fois, soit une moyenne d'environ 13 fois par jour. Les personnes bloquées d'un compte Twitter ne peuvent pas lire les tweets, ni y répondre directement, ni contribuer aux fils de commentaires.
Après la décision du tribunal de district en 2018, le président Trump a débloqué les sept personnes, bloquées sur Twitter en 2017, qui avaient porté l'affaire devant le tribunal, ainsi que d'autres personnes bloquées en raison de leurs points de vue. Mais, selon USA Today, la Maison-Blanche n'avait pas débloqué ceux qui ne pouvaient pas préciser le tweet qui avait poussé Trump à les bloquer, ni ceux qui ont été bloqués avant qu'il ne devienne président.
« En ignorant la distinction critique entre les déclarations (parfois) officielles du président sur Twitter et sa décision toujours personnelle de bloquer les followers de son propre compte, l'opinion brouille la ligne entre l'action de l'État et la conduite privée », a déclaré Wall en demandant à la Cour suprême d'entendre l'affaire. « Après tout, il pourra toujours bloquer les comptes individuels des personnes à partir de son compte personnel après avoir quitté ses fonctions - ce qui aura exactement le même effet sur leur capacité à interagir avec tous les tweets sur son compte », indique la pétition.
« Le résultat de la nouvelle décision de la cour d'appel sera de mettre en péril la capacité des fonctionnaires - du président des États-Unis au conseiller municipal - à protéger leurs comptes de médias sociaux contre le harcèlement, les trolls ou les discours de haine sans contrôle judiciaire invasif ».
Dans une déclaration jeudi, Jameel Jaffer, le directeur exécutif du Knight First Amendment Institute qui a plaidé l'affaire devant le Second Circuit, a déclaré que les juges devraient rejeter l'appel du gouvernement :
« Cette affaire défend un principe fondamental pour notre démocratie et fondamentalement synonyme du Premier Amendement : les fonctionnaires du gouvernement ne peuvent pas exclure les gens des forums publics simplement parce qu'ils sont en désaccord avec leurs opinions politiques », a déclaré Jaffer. « La Cour suprême devrait rejeter la requête de la Maison-Blanche et laisser en place la décision prudente et raisonnée de la cour d'appel », a-t-il dit. La Cour suprême décidera probablement au cours des mois à venir si l'affaire doit être entendue.
Source : La pétition de la Maison-Blanche
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Selon vous, un président a-t-il le droit de bloquer des personnes sur ses comptes publics sur les réseaux sociaux ?
Pensez-vous que la Cour suprême accordera au président Trump de faire le ménage sur son compte comme il l’entend ?
Voir aussi :
USA : Donald Trump a-t-il le droit de bloquer des personnes sur ses comptes Twitter publics, ou serait-ce anticonstitutionnel ?
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Trump demande à la Cour suprême de le laisser bloquer les critiques sur Twitter,
Le président n'utilise pas un compte « pour donner aux membres du public un forum pour lui parler »
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Le , par Stan Adkens
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