Le tribunal de Nanterre a rendu sa décision mardi concernant l’affaire qui implique l’Union syndicale Solidaires et Amazon France Logistique. La décision, qui va obliger Amazon France à tourner au ralenti pendant la période de confinement, demande au géant du commerce électronique de n’expédier uniquement que des marchandises essentielles, sous peine de lourdes amendes. Un coup dur pour la société qui n’a pas tardé à exprimer son désaccord avec la décision.
Amazon France doit restreindre ses activités aux seules « marchandises essentielles », du moins le temps que soit établie une évaluation des risques vis-à-vis du coronavirus (Covid-19) pour les employés du groupe travaillant dans les entrepôts de l’entreprise américaine. C’est ce que dit, dans les grandes lignes, l’ordonnance judiciaire délivrée le mardi 14 avril par le tribunal judiciaire de Nanterre. Selon la juridiction, qui statuait en urgence, la poursuite de l'activité provoquait « un trouble manifestement illicite ». Pour prévenir un dommage imminent, elle a donc ordonné ces restrictions.
L’ordonnance estime que la société a « de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés ». Elle lui enjoint de restreindre son activité « aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux, sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard et par infraction constatée ». En revanche, les commandes de loisir (jouets, high tech, informatique, décoration, ustensiles pour jardiner, etc.) ou culturelles (livres, jeux vidéo, DVD, albums de musique, etc.) devraient donc être provisoirement suspendues.
Cette décision de restriction qui s’applique « dans les 24 heures » est une victoire pour l’Union syndicale Solidaires. En effet, la décision fait suite à une assignation de Solidaires qui dénonçait le 8 mars dernier la « bombe sanitaire et sociale » que représentaient les entrepôts Amazon aux quatre coins de la France. Dans un communiqué paru le 8 avril, Solidaires déclarait que la part des marchandises essentielles dans les activités d’Amazon France se situait aux alentours de 10 % - en clair, 90 % des autres commandes traitées ne relèvent pas des produits de première nécessité et peuvent donc attendre.
« Après des dizaines de salarié(e)s atteint(e)s des symptômes du Covid-19, des cas avérés ont depuis été détectés sur plusieurs des sites et un premier employé est toujours en réanimation », a déclaré la formation dans son communiqué. Solidaires a souhaité toutefois des mesures plus radicales encore, avec l’interdiction pour Amazon de continuer à employer du personnel sur ses six sites français et de les fermer par la même occasion, selon un courrier adressé en ce sens le 19 mars à Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, en mettant en avant le risque encouru par les salariés du groupe face à la propagation du virus.
Ce jugement laisse entrevoir un effet boule de neige, alors même que plusieurs entreprises envisagent de reprendre leur activité au mois de mai, incitées dans ce sens par le président Emmanuel Macron lui-même, dans l’allocution présidentielle de lundi soir. Pour Judith Krivine, l’avocate du syndicat Sud-Solidaires, « ce jugement fournit la preuve que même si Amazon communique depuis trois semaines dans tous les médias sur la mise en place de gestes barrières dans ses entrepôts, sans évaluation sérieuse des risques, cela ne sert à rien ». Cependant, la société ne compte pas s’arrêter là.
Amazon conteste la décision limitant l’exercice de son activité à une série de biens dits essentiels
Quelques heures après que le tribunal de Nanterre a rendu sa décision, Amazon a réagi par le biais de son compte Twitter. Égrainant d'abord les mesures mises en place pour protéger les "collaborateurs", le géant du e-commerce a ensuite expliqué être en désaccord avec la décision du tribunal judiciaire de Nanterre et évaluer « ses implications pour ses sites ».
« Rien n’est plus important que la sécurité de nos collaborateurs. En France, ces dernières semaines, nous avons distribué sur nos sites : + de 127 000 paquets de lingettes désinfectantes, + de 27 000 litres de gel hydro alcoolique, + de 1,5 million de masques », a dit le géant du e-commerce dans un premier tweet. « Nous avons aussi mis en place des contrôles de température quotidiens, des mesures de distanciation sociale de 2 mètres et triplé nos équipes d’entretien pour renforcer le nettoyage de 200 zones supplémentaires sur chaque site en France ».
Amazon France s’est ensuite opposé à la décision judiciaire : « Nous sommes en désaccord avec la décision du tribunal judiciaire de Nanterre et évaluons ses implications pour nos sites. Nous continuons à travailler avec toutes les parties prenantes et à apporter les éclaircissements nécessaires comme depuis le début de cette crise ».
Amazon dit avoir pris les mesures ci-dessus, pourtant, selon le jugement, « si la société a effectué une évaluation des risques induits par l'épidémie du Covid 19, cette dernière est insuffisante et la qualité de celle-ci ne garantit pas une mise en œuvre permettant une maîtrise appropriée des risques spécifiques à cette situation exceptionnelle ». Le risque de contamination demeure donc chez Amazon. « Il en résulte que le risque de contamination tenant aux manipulations successives des objets depuis la réception dans l’établissement à la livraison par les chauffeurs ne fait pas l’objet d’une évaluation dans les DUERP [documents uniques d’évaluation des risques professionnels] », précise le jugement.
Le jugement reproche également à Amazon de n’avoir versé au débat « aucun procès-verbal de réunions des CSE (comité social et économique) ni du CSE central depuis le début de l’épidémie. Pour Judith Krivine, cette décision est également un rappel à l’ordre du gouvernement lui-même. « Le gouvernement, le 23 mars, a indiqué que si des salariés abusaient du droit de retrait, ils s’exposaient à ne pas être payés. Il a oublié de dire que si les employeurs méconnaissent les règles, ils sont eux aussi soumis à un risque de sanction financière élevée », a dit l’avocate dans un communiqué.
Amazon France menace de suspendre ses livraisons suite à la décision judiciaire
Mardi la juridiction a pris sa décision dans le cadre de « l'évaluation des risques professionnels inhérents à l'épidémie de coronavirus sur l'ensemble des entrepôts » d’Amazon en France. Mercredi 15 avril, Amazon France a fait part de ses réflexions en cours dans un communiqué officiel. L'entreprise envisage de suspendre l'activité de ses centres dans le pays.
« La décision rendue hier par le tribunal judiciaire de Nanterre nous laisse perplexes compte tenu des preuves concrètes qui ont été apportées sur les mesures de sécurité mises en place pour protéger nos employés. Celles-ci comprennent notamment des contrôles de température, la distribution de masques et une distanciation sociale renforcée et ont reçu l’approbation d’experts de santé et de sécurité qui ont visité plusieurs de nos sites », a expliqué la société.
« Nous étudions les conséquences de cette décision et les options disponibles, et nous pensons faire appel. Cependant, notre interprétation suggère que nous pourrions être contraints de suspendre l’activité de nos centres de distribution en France », a-t-elle ajouté. Toutefois, Amazon a précisé qu'elle continue jusqu'à nouvel ordre d'opérer en France.
Il est vrai que nous sommes dans une circonstance exceptionnelle, mais c’est connu que la société du milliardaire Jeff Bezos n’est pas le meilleur des employeurs. Certains travailleurs de l’entreprise dénoncent depuis plusieurs années déjà des conditions de travail brutales dans les entrepôts d’Amazon. Que pensez-vous de cette décision judiciaire ?
Sources : Twitter, Solidaires
Et vous ?
Que pensez-vous de la décision du tribunal de restreindre les activités d’Amazon en France ?
Quel impact cette décision peut avoir sur Amazon France alors que le président Macron a incité à la reprise des activités en mai prochain ?
Selon vous, quel impact peut avoir l’arrêt des activités d’Amazon en France dans cette période du Covid-19 ?
Lire aussi
Voici comment Amazon surveille et licencie automatiquement ses ouvriers d'entrepôt, ceci pour des raisons de productivité
Amazon a fait de Jeff Bezos l'homme le plus riche du monde, mais pourquoi maltraite-t-elle autant ses salariés, victimes d'accident de travail ?
Jack Dorsey, PDG de Twitter / Square, fait don d'un milliard de dollars pour financer l'aide Covid-19, et d'autres organisations caritatives une fois que la pandémie sera terminée
Amazon France répercute la « taxe Gafa » sur ses tarifs aux entreprises françaises, comme il l'avait annoncé il y a quelques mois
Amazon « en désaccord » avec la décision du tribunal judiciaire qui ordonne à Amazon France
De se limiter à la livraison des « marchandises essentielles »
Amazon « en désaccord » avec la décision du tribunal judiciaire qui ordonne à Amazon France
De se limiter à la livraison des « marchandises essentielles »
Le , par Stan Adkens
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !