La directive sur les droits d'auteur a été adoptée l’année dernière par le Parlement européen en mars. Les pays de l'UE ont ensuite dit oui à la réforme du droit d'auteur en avril. Mais, bien que la directive soit entrée en vigueur, les États membres de l'Union ont encore jusqu'en juin 2021 pour adopter les lois pertinentes dans leur propre pays. Toutefois, le gouvernement britannique n'adoptera pas la directive européenne controversée sur les droits d'auteur après son départ de l'UE le 31 janvier, bien que les politiciens disent qu'ils soutiennent toujours les "objectifs généraux" de la législation, a rapporté BBC.
Le ministre britannique des Universités, des sciences, de la recherche et de l'innovation, Chris Skidmore, a confirmé que, bien que le Royaume-Uni soit l'un des 19 pays ayant initialement soutenu la loi, il ne l'appliquera pas après le Brexit, selon la BBC. La directive sur les droits d'auteur a été adoptée en septembre 2018 et exige que les entreprises de médias sociaux comme Facebook et YouTube soient responsables des contenus sous licence sur leurs plateformes respectives.
La Directive Copyright harmonise le droit de la propriété intellectuelle dans les 27 pays membres de l’Union. Les points de controverse concernent surtout les articles 13 et 11 (maintenant rebaptisé article 17 et 15). Le premier porte sur la mise en place d’accords entre les plateformes comme YouTube et les ayants droit pour que ces derniers soient rémunérés lorsque leurs œuvres sont utilisées.
Sans accord, la plateforme en question sera tenue responsable de la publication d’œuvres protégées. Autrement dit, la plateforme aura l’obligation de placer des filtres de contenu comme le content ID de YouTube, une mesure qui pourrait entraîner une censure généralisée des contenus publiés en ligne, selon les opposants à la réforme sur le droit d’auteur. Le filtre de téléchargement exigeant de certains sites qu'ils analysent le contenu téléchargé pour voir s'il viole les droits d'auteur.
Le deuxième article controversé, en l’occurrence l’article 15, prévoit que tous ceux qui créent des liens et utilisent des extraits d'articles de presse devraient d'abord payer l'éditeur pour obtenir une licence. Ce droit, qu’on appelle communément droit voisin, prend effet pendant deux ans après la publication de l’article, une exception est toutefois faite pour les contenus ne dépassant pas quelques mots. Le texte permettrait donc de mettre un terme au « pillage » dont sont victimes les industries culturelles et les éditeurs de presse.
Ces nouvelles obligations qui visent principalement les géants du web ont été vivement débattues dans le Parlement de Strasbourg. Les eurodéputés opposés à la directive ont remis en cause les articles controversés du texte. Des députés ont appelé à supprimer l’article 13 jugé comme étant déséquilibré et favorisant plus les ayants droit.
Après un long et controversé passage dans les organes législatifs de l'UE, la directive a été modifiée pour tenter de rassurer les critiques. Des exemptions ont été ajoutées au filtre de téléchargement pour les contenus téléchargés pour "citation, critique, revue, caricature, parodie et pastiche" – une réponse aux critiques qui ont qualifié la loi d'"interdiction des mémés" –, et le filtre a également été limité aux organisations à but lucratif, ce qui signifie que des sites comme Wikipédia ne seront pas affectés.
Les opposants, dont de grandes entreprises technologiques comme Google et Facebook, soutiennent que les concessions ne sont pas suffisantes et que la directive, telle qu'elle est appliquée pays par pays dans l'UE, finira par nuire aux internautes. Susan Wojcicki, directrice de YouTube, avait également averti à l’époque que les utilisateurs de l'UE pourraient être coupés de la plateforme vidéo. Mais les utilisateurs du Royaume-Uni, cependant, n'en feront pas partie.
Le gouvernement britannique n'a pas l'intention de mettre en œuvre la directive
En mars 2019, l'actuel Premier ministre avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Boris Johnson a tweeté que la loi sur les droits d'auteur est « terrible pour l'Internet » et qu'elle est « une loi européenne classique pour aider les riches et les puissants ». Même si l’analyse n'était pas forcément correcte, la législation européenne visant principalement plutôt les grands et riches "fournisseurs de services de partage de contenu en ligne" américains comme Facebook et Google.
Alors qu'il répondait à une question parlementaire écrite, le ministre Chris Skidmore, a déclaré que le Royaume-Uni n'avait tout simplement pas le temps de mettre en œuvre la directive sur les droits d'auteur avant de quitter l'Union européenne.
« [L]e Royaume-Uni ne sera pas tenu de mettre en œuvre la directive, et le gouvernement n'a pas l'intention de le faire », a-t-il déclaré. « Toute modification future du cadre britannique en matière de droit d'auteur sera examinée dans le cadre du processus habituel de politique intérieure », a ajouté M. Skidmore.
Mais cela ne signifie pas pour autant que le Royaume-Uni n'appliquera pas des lois similaires plus tard. Lors d'un récent débat sur l'industrie de la musique, le ministre des Sports, des Médias et des Industries créatives, Nigel Adams, a indiqué que les détenteurs de droits d'auteur comme les labels de musique (qui soutiennent la directive, car elle leur donne plus de pouvoir sur les géants technologiques) pourraient influencer la politique à l'avenir.
« Nous soutenons les objectifs généraux de la directive sur les droits d'auteur », a déclaré le ministre Adams, selon un rapport du Music Producers Guild, une organisation qui promeut et représente tous les individus dans les métiers de la production musicale et de l'enregistrement au Royaume-Uni. « Il est absolument impératif que nous fassions tout notre possible pour protéger nos brillants créateurs, ainsi que les consommateurs et les droits des utilisateurs qui consomment de la musique ».
L’un des principaux bénéficiaires de la loi serait les grands éditeurs de musique. Google a mené une campagne acharnée contre les changements introduits par la loi, arguant qu'ils « nuiraient aux industries créatives et numériques européennes » et « changeraient le Web tel que nous le connaissons ».
Malgré l'application en France de la nouvelle réforme européenne du droit d'auteur censée faire obligation aux plateformes en ligne et autres agrégateurs de rémunérer la reprise des contenus des éditeurs et agences de presse, Google a décidé en septembre dernier de ne pas payer ces derniers. Mais la plateforme a aussi décidé de ne plus reprendre ces contenus sans leur accord. Face à cette décision, l'Autorité de la concurrence a décidé en début octobre de lancer une enquête « exploratoire » sur les nouvelles règles que va appliquer Google pour la présentation des contenus de la presse française dans son moteur de recherche.
Kathy Berry, avocate chez Linklaters, cabinet d'avocats britannique, a salué la position du gouvernement britannique sur la loi européenne, affirmant qu'elle « permettra au Royaume-Uni d'accepter des dispositions sur les droits d'auteur plus favorables à la technologie dans les accords de libre-échange avec d'autres pays ».
Sources : BBC, Music Producers Guild
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Le Royaume-Uni n'appliquera pas l'article 13 de la loi européenne sur le droit d'auteur,
Mais cela ne veut pas dire que le pays n'appliquera pas des lois similaires plus tard
Le Royaume-Uni n'appliquera pas l'article 13 de la loi européenne sur le droit d'auteur,
Mais cela ne veut pas dire que le pays n'appliquera pas des lois similaires plus tard
Le , par Stan Adkens
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