L’Electronic Frontier Foundation (EFF) a adressé une lettre à la Cour Suprême des États-Unis cette semaine lui demandant d’annuler le verdict rendu par une cour selon lequel Google a violé les droits d’auteur d’Oracle sur les API Java lorsqu’il a développé son système d’exploitation Android. Selon l’EFF, cela a des répercussions profondes sur l'innovation en matière de développement de logiciels, de concurrence et d'interopérabilité. Dans sa requête, l’EFF espère que la Cour Suprême comprendra l’enjeu et pourra remettre la loi sur le droit d'auteur informatique sur les rails.
L’affaire ne date pas d’aujourd’hui. Elle a commencé en 2010 après le rachat de Sun Microsystems par Oracle. Ce dernier a intenté un procès à Google alléguant que le géant de la recherche a piétiné les brevets et les droits d’auteur relatifs au langage Java. Une première décision de justice a été rendue en faveur de Google, mais Oracle a fait appel de cette décision. Un nouveau verdict a été rendu, mais cette fois en faveur d’Oracle, statuant que l’usage de Google des API Java ne relève pas d’un usage loyal (fair use). La Cour a déclaré que Google les a utilisées dans un but commercial.
Toutefois, les API peuvent-elles être protégées par le droit d’auteur ? L’EFF considère que non et a adressé sa requête à la Cour Suprême du pays en soutien à Google, qui a également déposé un nouveau recours. « Dans un mémoire déposé aujourd'hui, l'EFF soutient que le Circuit fédéral, en statuant que les API étaient protégeables par le droit d'auteur, a ignoré un aspect clair et spécifique dans la loi sur le droit d'auteur qui exclut la protection du droit d'auteur pour les procédures, les processus et les méthodes de fonctionnement », a écrit l’EFF sur son site Web.
En effet, Google a toujours rejeté toute infraction dans l’affaire. Selon lui, les API ne devraient pas être protégées par le droit d’auteur parce qu’elles sont nécessaires pour écrire des programmes compatibles. Il estime d'ailleurs que si les premières entreprises de technologie avaient revendiqué de tels droits, le développement de nombreuses technologies dont nous disposons aujourd’hui aurait certainement été bloqué. Google a porté l'affaire à la Cour Suprême en janvier 2019. Cela a poussé Oracle encore une fois à ressortir ses vieux arguments.
L’EFF pense que les décisions en faveur d’Oracle sont dangereuses et erronées. Ainsi, l'organisation pense que si elles sont maintenues, elles continueront à mettre en danger la capacité des développeurs à créer tranquillement et librement des logiciels innovants qui bénéficient au public parce qu'ils peuvent être utilisés sur toutes les plateformes et dans tous les services. Selon Michael Barclay, le conseiller spécial de l'EFF, le fait de traiter les API Java comme des logiciels protégés par le droit d'auteur donne à Oracle un contrôle sans précédent sur le développement de programmes compatibles Java.
D’après Barclay, cette stratégie devrait permettre à Oracle de s’en mettre plein les poches. Pour lui, la loi sur le droit d'auteur vise à stimuler la créativité pour le bien public, et non à enfermer les développeurs dans un système de licence pour les aspects fonctionnels des logiciels. Il a aussi souligné que le Circuit fédéral n’a pas bien fait les choses, faisant une mauvaise interprétation de la loi. « Nous demandons instamment à la Cour Suprême d'appliquer correctement la loi sur le copyright dans ce cas, et de réparer ce que le Circuit fédéral a fait de mal », a-t-il déclaré.
D’un autre côté, Corynne McSherry, la directrice juridique de l’EFF a déclaré qu’au lieu de suivre la loi, le Circuit fédéral a décidé de la réécrire afin d'éliminer presque toutes les exclusions de la protection du droit d'auteur que le Congrès a inscrites dans la loi. « Les API ne sont pas soumises au droit d'auteur. La décision du Circuit fédéral a créé un dangereux précédent qui encouragera d'autres poursuites et rendra le développement de logiciels innovants d'un coût prohibitif. Heureusement, la Cour suprême peut et doit réparer ce gâchis », a-t-elle conclu.
Source : Electronic Frontier Foundation
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Le , par Bill Fassinou
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