Après le géant chinois de la technologie Huawei et 70 affiliés en mai dernier, c’est le tour de huit autres entreprises de technologie chinoises d’être ajoutées à la « liste d'entités » commerciale américaine, même si les motifs de sanction diffèrent dans les deux cas. En effet, le gouvernement américain a étendu sa liste noire en incluant certaines des plus grandes startups chinoises d'intelligence artificielle, mais cette fois, pour sanctionner Pékin pour son mauvais traitement des minorités musulmanes, a rapporté Reuters le lundi. Évidemment, cette punition de plus a exacerbé les tensions avant les négociations commerciales de haut niveau qui se tiendront cette semaine à Washington.
Cette nouvelle décision des autorités américaines vise 20 bureaux de sécurité publique chinois et huit entreprises, dont la société de vidéosurveillance Hikvision, ainsi que des leaders de la technologie de reconnaissance faciale SenseTime Group Ltd et Megvii Technology Ltd. Alors que la guerre commerciale entre les deux premières économies de la planète était repartie de plus belle cet été, le président Trump affirmant en août que « Nous ne sommes pas prêts à faire un accord » avec la Chine, Washington et Pékin ont décidé, le mois dernier, de se rencontrer à nouveau à Washington dans un nouveau round de négociations en début octobre. Mais cela n’a pas empêché cette nouvelle sanction.
Par ailleurs, les responsables américains ont déclaré que cette mesure n'était pas liée à la reprise des pourparlers commerciaux avec la Chine cette semaine, mais qu'elle n'indiquait aucun relâchement dans la position ferme du président américain Donald Trump alors que les deux plus grandes économies du monde cherchent à mettre fin à leur guerre commerciale qui dure depuis 15 mois, a rapporté Reuters.
La nouvelle mesure interdit aux entreprises d'acheter des composants avec les entreprises américaines sans l'approbation du gouvernement américain, comme avec l’équipementier Huawei, limitant ainsi leur influence. Cette décision risque d'avoir un effet paralysant pour certaines d'entre elles, d’après Reuters. En ce qui concerne Huawei, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a déclaré en mai dernier que le président Donald Trump avait soutenu la décision « d'empêcher que des entités sous contrôle étranger utilisent la technologie américaine de manière potentiellement préjudiciable à la sécurité nationale ou aux intérêts de la politique étrangère des États-Unis ».
Selon le rapport de Reuters, le ministère du Commerce a déclaré dans un dépôt que les « entités ont été impliquées dans des violations des droits de l'homme et des abus dans la mise en œuvre de la campagne chinoise de répression, de détention arbitraire massive et de surveillance de haute technologie contre les Ouïghours, les Kazakhs et les autres membres des groupes minoritaires musulmans ». « Le gouvernement et le département du Commerce des États-Unis ne peuvent tolérer et ne toléreront pas la répression brutale des minorités ethniques en Chine », a déclaré le secrétaire américain au Commerce.
Les sociétés visées par la nouvelle mesure
Hikvision, un fabricant mondial d'équipement de vidéosurveillance, qui a une valeur marchande d'environ 42 milliards de dollars. Quant à la compagnie SenseTime, qui est évaluée à plus de 7,5 milliards de dollars, est l'une des entreprises d'IA les plus précieuses au monde, selon Reuters, tandis que Megvii, soutenue par le géant du commerce électronique Alibaba, est évaluée à environ 4 milliards de dollars et prépare une introduction en bourse pour lever au moins 500 millions à Hong Kong, a rapporté Reuters.
En plus des trois premières sociétés, le Département du Commerce a aussi ajouté à sa liste noire commerciale la société de reconnaissance vocale iFlytek Co., le fabricant d'équipements de surveillance Zhejiang Dahua Technology, la société de récupération de données Xiamen Meiya Pico Information Co., la société de reconnaissance faciale Yitu Technology et Yixin Science and Technology Co. La Chine et les sociétés ont réagi à la décision du gouvernement américain.
De vives réactions de la part de la Chine et des sociétés concernées suite à la décision américaine
La Chine a réagi en déclarant que les États-Unis devraient cesser de s'ingérer dans ses affaires, selon le rapport de Reuters. Lors d’un point de presse, Geng Shuang, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré que la Chine continuera à prendre des mesures fermes et résolues pour protéger sa sécurité souveraine.
Selon un porte-parole américain de Hikvision, l'entreprise « s'oppose fermement » à cette décision. La société a également fait remarquer qu'en janvier, elle avait retenu les services d'un expert en droits de l’homme et d'un ancien ambassadeur américain pour conseiller Hikvision dans le cadre du respect de ces droits.
« Punir Hikvision, malgré ces engagements, dissuadera les entreprises mondiales de communiquer avec le gouvernement américain, nuira aux partenaires commerciaux américains de Hikvision et aura un impact négatif sur l'économie américaine », a ajouté la société. Hikvision a aussi indiqué qu'elle était en train d'évaluer l'impact potentiel de son inscription sur la liste noire et qu'elle travaillait sur des plans d'urgence.
Megvii a également exprimé sa ferme opposition à son ajout sur la liste noire. Selon Reuter, la société a dit qu’elle exigeait déjà de ses clients qu'ils ne militarisent pas sa technologie ou ne l'utilisent pas à des fins illégales. Quant à SenseTime, elle a déclaré dans un communiqué qu'elle était profondément déçue par la décision américaine, qu'elle respecte toutes les lois pertinentes des juridictions dans lesquelles elle opère. La société aurait même activement développé un code d'éthique d'IA pour s'assurer que ses technologies sont utilisées de façon responsable, a rapporté Reuters.
En ce qui concerne IFlytek, ses opérations quotidiennes ne sont pas très affectées par la décision américaine de l’ajouter sur la liste noire. D’après la société, son chiffre d'affaires à l'étranger représentait moins de 1 % du chiffre d'affaires total et que la plupart de ses fournisseurs étaient des entreprises nationales. Dahua a également déclaré lors d'une conférence téléphonique qu'elle était confiante, qu'elle pourrait facilement remplacer certains composants et qu'elle chercherait également d'autres solutions pour continuer à servir les clients, d’après Reuters.
Toutefois, John Honovich, fondateur de la société de recherche en vidéo surveillance IPVM, a déclaré que les sociétés Hikvision et Dahua utilisent toutes les deux Intel Corp, Nvidia Corp, Ambarella Inc, Western Digital et Seagate Technology comme fournisseurs et que l'impact sur les entreprises chinoises serait « dévastateur ».
Après l’ajout sur la liste noire de Huawei en mai, les entreprises telles que Google, ARM, Infineon ont mis fin à leurs activités avec le géant chinois. La firme chinoise a plusieurs fois rejeté les accusations selon lesquelles elle serait contrôlée par le gouvernement, l'armée ou les services de renseignement chinois. En fin mai, Huawei a déposé une plainte pour l'annulation du décret d'interdiction de ses équipements aux USA signé par Trump, qu'il avait jugé « anticonstitutionnel ».
La Chine a aussi menacé de publier sa propre liste d’entités étrangères jugées à risque qui comprendrait des entités, individus et entreprises étrangères qui bloquent la chaîne d’approvisionnement ou prennent des mesures discriminatoires pour des raisons non commerciales et qui, par leurs actions, mettent en danger les activités des entreprises chinoises ainsi que les consommateurs et entreprises mondiales.
Mais si son inscription sur la liste noire a rendu difficile pour Huawei de vendre de nouveaux produits, elle a aussi nui à bon nombre de ses fournisseurs américains qui dépendaient de la plus grande entreprise de télécommunications du monde pour leurs revenus. En juin, le New York Times a rapporté que les sociétés américaines de technologie contournaient l'interdiction de Trump pour continuer à vendre les composants à Huawei.
Reuters a noté, dans une mise à jour de son rapport, que IFlytek a chuté de 2,7 % et que Xiamen Meiya a également perdu 1,8 % mardi, les investisseurs ayant tenu compte de l’exposition limitée aux marchés étrangers des deux sociétés et du potentiel de l'action américaine pour accélérer la restructuration, selon les analystes.
Source : Reuters
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Le , par Stan Adkens
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