L’administration Macron déplore depuis plusieurs années le fait que grâce à Internet, « ;il est aisé de réaliser, de manière occulte ou sans respecter ses obligations fiscales ou douanières, une activité économique sur la toile ;», notamment de commerce des marchandises prohibées. L’une des options qu’elle a envisagées pour limiter ce problème passe par une surveillance plus étroite des plateformes du Web, et des réseaux sociaux en particulier, afin de déterminer si le train de vie affiché en ligne de tel ou tel internaute coïncide avec sa situation fiscale, comme l’avait annoncé par Gérald Darmanin, le ministre français de l’Action et des Comptes publics.
Jusqu’à présent, il est illégal pour l’État de se servir des informations tirées des réseaux sociaux pour détecter automatiquement les fraudeurs. L’État n’a pas l’autorisation des utilisateurs, encore moins celle des entreprises d’Internet, pour agir de la sorte. D’où le besoin d’une modification législative qui, d’après Bercy, permettrait de surveiller les réseaux sociaux et les plateformes de commerce en ligne, de scanner automatiquement et de collecter « ;en masse ;» les informations publiques postées par les internautes pour détecter la fraude (fiscale, douanière ou autre) par voie logicielle.
L’administration Macron a fait de ce concept qui met en avant l’intelligence artificielle (IA) l’un des objectifs majeurs du nouveau projet de loi des finances (PLF) pour 2020, précisant que ce dispositif de surveillance excluant la technologie de reconnaissance faciale n’est envisagé qu’à titre expérimental, pour une durée de trois ans. S’il fait ses preuves jusque-là dans le respect des données personnelles, il sera reconduit. Mais il ne devra être utilisé que pour « ;rechercher les manquements les plus graves ;». Le gouvernement assure, par ailleurs, que les informations ne donnant pas lieu à une analyse plus poussée de la part de l’administration fiscale seront supprimées du système après trente jours.
Les autres dispositions réglementaires prévues par la loi du 24 octobre dernier qui contribueront à l’atteinte de cet objectif devraient être introduites au même moment. Elles incluent notamment l’obligation pour les plateformes d’économie collaborative de communiquer à l’administration fiscale les revenus de leurs utilisateurs et l’adoption de mesures visant à faciliter et les échanges de données et la collaboration entre administrations.
La CNIL, le gendarme français de la vie privée qui doit être consulté pour chaque proposition de loi impliquant une exploitation des données personnelles, ne semble pas du même avis que Bercy et a émis plusieurs réserves. Même si, l’agence reconnait le caractère louable et l’utilité de l’initiative dans son rapport rendu public le 30 septembre dernier, elle est montée aux créneaux pour dénoncer un projet susceptible d’instituer une « ;collecte générale préalable de données ;» au détriment de la surveillance ciblée en cas de « ;doute ;» ou de « ;suspicions ;» qui avait cours auparavant.
L’agence de régulation estime que, dans son état actuel, le PLF défendu par Bercy soulève de graves problèmes en matière de protection des données, car il imposerait de réunir une quantité colossale de données afin d’identifier d’éventuelles infractions susceptibles d’intéresser le fisc et impliquerait l’aspiration inutile des données d’internautes n’ayant rien à se reprocher. Elle attire l’attention sur le fait qu’en vertu du droit des données personnelles, le caractère librement accessible des données publiées sur Internet ne donne pas à l’État français le droit de s’en servir comme bon lui semble, au risque de menacer la liberté d’expression sur les réseaux et plateformes visés et rappelle qu’il est essentiel que « ;seules les données réellement nécessaires à la détection de la fraude doivent être exploitées ;».
La CNIL veut au final plus de garanties et appelle les législateurs qui devront examiner ce projet de loi ultérieurement à le doter de garde-fous qui vont concourir à protéger la vie privée des Français et à lutter contre la fraude. Elle leur suggère, par exemple, de préciser les contours du dispositif envisagé, en définissant le caractère « ;librement accessible des contenus visés, la nature des traitements envisagés et celle des données pouvant être collectées ;».
Source : CNIL
Et vous ?
Que pensez-vous de cette expérimentation et des autres mesures annoncées par le fisc ?
Peuvent-elles, selon vous, être considérées comme pertinentes dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale ?
Les réseaux sociaux peuvent-ils être considérés comme des outils de surveillance / manipulation de masse ?
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Le , par Christian Olivier
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