Accusé d’avoir bloqué un concurrent direct sur le marché il y a plus d'une décennie, Reuters rapportait mercredi en citant des personnes qui connaissent bien le sujet que Qualcomm, le numéro un mondial de la fabrication de puces, pourrait être frappé par une seconde amende antitrust de l'UE dès ce jeudi. C’est désormais chose faite. Le géant américain des composants électroniques Qualcomm a été sanctionné, ce jeudi, d’une amende de l’Union européenne de 242 millions d’euros pour ses pratiques anticoncurrentielles, dix-huit mois après une première amende d’un milliard d’euros pour un comportement similaire.
L'entreprise américaine a fait l’objet de critiques en 2015 lorsque la Commission européenne l'a accusée de pratiquer des prix d'éviction entre 2009 et 2011 afin d'évincer Icera, le fabricant britannique de logiciels de téléphonie, qui fait désormais partie de Nvidia Corp, a rapporté Reuters mercredi. L’affaire est basée sur une plainte déposée en 2015 par Icera au travers de laquelle ce dernier souhaitait dénoncer les pratiques anticoncurrentielles menées par Qualcomm au cours de cette période mentionnée plus haut. D’après Icera, ce fabricant de semi-conducteurs utilisait sa position sur le marché pour négocier des prix artificiellement bas pour les puces UMTS afin d’évincer des concurrents comme Icera de ce marché.
Selon un Communiqué publié ce jeudi sur le site Web de la Commission européenne, l’institution européenne a ouvert sa procédure formelle d'examen le 16 juillet 2015, avant d’adresser, en décembre 2015, une communication des griefs à Qualcomm, exposant ses préoccupations préliminaires dans cette affaire. Une communication complémentaire a été publiée en juillet 2018, suivie d'une lettre envoyée à Qualcomm en février 2019 exposant des éléments factuels supplémentaires pertinents pour la décision finale.
Selon le communiqué, l’enquête de Bruxelles portait spécifiquement sur le marché des composants permettant à un appareil mobile de se connecter à Internet. Le géant américain est accusé d’avoir abusé de sa position dominante en mettant en place cette pratique – dite de « prix d’éviction » – entre mi-2009 et mi-2011, avec deux de ses clients, les géants chinois des télécommunications ZTE et Huawei. L’objectif était d’« éliminer » l’entreprise britannique Icera, « son principal concurrent de l’époque », qui « était en train de devenir un fournisseur viable », a déclaré dans le communiqué la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager.
Mme Vestager, qui a marqué les cinq années qu'elle a passées en tant que responsable de la lutte antitrust en Europe en imposant de lourdes amendes, en particulier aux des géants américains de la technologie, a résumé l’affaire dans un tweet en disant : « Qualcomm a vendu ces produits à un prix inférieur aux coûts [de fabrication] à de gros clients dans le but d’éliminer un concurrent ».
Ce n’est pas la première amende que l’UE inflige au fabricant américain de semi-conducteurs. En janvier 2018, la Commission européenne a infligé à Qualcomm une amende de 997 millions d'euros pour abus de position dominante sur le marché des chipsets de bande de base LTE. Ce montant représentait 4,9 % du chiffre d’affaires de l’entreprise en 2017.
En expliquant le motif de cette sanction, la commissaire Vestager a déclaré à l’époque : « Qualcomm a illégalement évincé ses concurrents du marché des chipsets de bande de base LTE pendant plus de cinq ans, consolidant ainsi sa position dominante sur le marché. L'entreprise a versé des milliards de dollars à un client majeur, Apple, pour que celui-ci ne s'approvisionne pas auprès de ses concurrents. Ces paiements n'étaient pas de simples réductions de prix, mais étaient effectués à la condition qu'Apple utilise exclusivement des chipsets de bande de base de Qualcomm dans tous ses iPhone et ses iPad ».
Qualcomm conteste la décision de la Commission européenne et forme un recours
Qualcomm ne compte pas en rester là et a donc fait appel de la décision de l’UE. Don Rosenberg, le directeur juridique de Qualcomm, a réagi en disant que « Nous attendons avec impatience un revirement en appel ». Pour lui, la décision de Bruxelles « n’est pas étayée par la loi, les principes économiques ou les faits du marché ». Selon lui, ZTE et Huawei ont choisi les puces de son groupe « non pas en raison du prix, mais parce que les puces concurrentes étaient technologiquement inférieures ».
Suite à la publication de la communication complémentaire en juillet 2018, la firme avait déclaré : « nous sommes déçus de voir cette enquête se poursuivre et nous commencerons immédiatement à préparer notre réponse à cette communication supplémentaire de griefs. Nous pensons qu’une fois que la Commission aura examiné notre réponse, elle constatera que les pratiques de Qualcomm sont favorables à la concurrence et pleinement compatibles avec les règles de concurrence européennes ». Apparemment, ses arguments n’ont pas suffi à faire reculer la Commission.
Pour minimiser l’effet de la deuxième sanction infligée au géant américain de la technologie par l’UE, Bruxelles précise que ces 242 millions d’euros d’amende ne représentent que « 1,27 % du chiffre d’affaires de Qualcomm en 2018 », alors qu’il qui peut infliger des peines allant jusqu’à 10 % des revenus de l’entreprise sanctionnée. Il pourrait s'agir de la dernière sanction prise par Margrethe Vestager, à l'encontre d'une entreprise technologique avant la fin de son mandat, le 31 octobre.
La politique de la commissaire Vestager lui a valu la colère du président américain Donald Trump. En effet, pendant son mandat, ses services ont enquêté sur Apple, Facebook ou Google. La Commission européenne a, pendant cette période, infligé trois lourdes amendes à Google pour abus de position dominante relatif à son système d’exploitation pour smartphone Android (4,34 milliards d’euros, un record), son comparateur de prix Google Shopping (2,42 milliards d’euros) et sa régie publicitaire AdSense (1,49 milliard d’euros). Elle a également ouvert mercredi une « enquête approfondie » sur le géant américain du commerce en ligne Amazon, soupçonné d’enfreindre les règles européennes de concurrence.
Pour avoir, à plusieurs reprises, imposé des amendes aux entreprises américaines, Mme Vestager est dans la ligne de mire du président américain Donald Trump, qui l’accuse de détester les Etats-Unis.
Cependant, le fabricant de semi-conducteurs Qualcomm n’est pas seulement ciblé par l’UE, elle est également dans la ligne d'autres autorités pour ses pratiques commerciales. En mai, elle a perdu un procès antitrust intenté par la Federal Trade Commission, le juge ayant rendu une décision antitrust radicale contre l'entreprise. Un peu plus tôt en octobre 2017, la Federal Trade Commission de Taïwan (TFTC) avait annoncé qu'elle infligeait à Qualcomm NT une amende de 23,4 milliards de dollars taïwanais (soit 654 millions d’euros) pour avoir enfreint la loi sur la concurrence sur le marché des puces.
Source : La Commission européenne, Reuters
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Le , par Stan Adkens
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