À travers son programme JEDI (Joint Enterprise Defense Infrastructure), le Pentagone veut créer un environnement de cloud standard au sein de son département de la Défense qui couvrira toutes les branches de l’Armée US. Pour cela, il a lancé un appel d’offres pour un important contrat de cloud computing estimé à 10 milliards de dollars et qui devrait s'étendre sur une période de 10 ans.
Cependant, depuis plusieurs mois, avant même que le DoD n'ouvre l’appel d'offres, les plans pour ce contrat suscitent la controverse de la part des fournisseurs et des groupes de pression technologiques. Ils ont en effet fait valoir que le fait de confier ce contrat important à un seul fournisseur pourrait nuire à l’innovation, à la concurrence et à la sécurité. Certains craignent également qu'AWS, la branche cloud du géant du commerce électronique, qui a déjà de gros contrats avec le gouvernement, soit favorisé, même si la concurrence devrait inclure Microsoft, IBM, Google et Oracle.
Dans la foulée, Oracle Corp., l’un des derniers entrants sur le marché du cloud computing, a intenté une action en justice devant la cour fédérale en décembre, alléguant que le contrat JEDI de du Pentagone destiné à être attribué à un seul vainqueur est injuste et illégal. L'action en justice d’Oracle affirmait également que le processus d’attribution a été entaché par des conflits d'intérêts, y compris des liens entre d'anciens fonctionnaires du ministère de la Défense et Amazon.
Mais l’affaire a été rejetée vendredi par la cour fédérale, ce qui donne au gouvernement de pouvoir librement attribuer le contrat à Amazon.com Inc. ou Microsoft Corp, les firmes retenues en avril dernier par le ministère de la Défense. Le juge principal de la Cour fédérale des réclamations, Eric Bruggink, a rejeté l'argument de l'entreprise selon lequel le contrat viole les lois fédérales sur les marchés publics et est injustement entaché par des conflits d'intérêts, a rapporté Bloomberg.
M. Bruggink a confirmé ainsi une thèse déjà vérifiée par deux enquêtes distinctes du DOD selon laquelle Oracle n'avait pas réussi à prouver l'existence d'un conflit d’intérêts dans le processus d'attribution du marché par le ministère. Il a par conséquent finalement souscrit aux conclusions du Département de la défense :
« Nous concluons également que les conclusions de l'agent de négociation des contrats selon lesquelles il n'y a pas de conflit d'intérêts organisationnel et que les conflits d'intérêts individuels n'ont pas eu d'incidence sur l'approvisionnement, n'étaient pas arbitraires, capricieuses et ne constituaient pas un abus de pouvoir ou autrement non conformes à la loi. La requête en jugement du demandeur sur le dossier administratif est donc rejetée ».
M. Bruggink a déclaré que, parce qu'Oracle ne répondait pas aux critères de l'appel d'offres, elle « ne peut pas démontrer un préjudice résultant d'autres erreurs possibles dans le processus d'attribution ». Selon Bloomberg, la décision finale du rejet de l’action en justice a un double effet : elle est d’abord un coup dur pour Oracle, qui risque de perdre une partie de ses activités fédérales de défense si le contrat est attribué à l’un de ses concurrents, et ensuite la décision résout une équation complexe pour le Pentagone, qui, depuis plus d'un an, était confronté aux contestations de sa stratégie du « gagnant prend tout » adoptée dans son contrat JEDI.
James Bach, analyste du renseignement chez Bloomberg a déclaré qu’« Oracle sera probablement le plus menacé par cette décision. « Ils risquent de perdre le plus de terrain sur le marché de la Défense si le DoD décide que le JEDI est la fin de tout ». Mais comment sommes-nous arrivés là ?
De l’appel d’offres du Pentagone pour le JEDI Cloud à l’élimination définitive d’Oracle de la compétition
C’est en juillet 2018 que le Pentagone a lancé l’appel d’offres pour son important contrat de cloud estimé à 10 milliards de dollars, qui devrait s'étendre sur une période de 10 ans, et dont un critère déterminant est qu’il sera attribué à un seul fournisseur de services cloud. Mais ce critère fait jusqu’à présent l’objet de critiques, non seulement, de la part des de certains candidats en course pour l’obtention du contrat, mais aussi, de la part de certains parlementaires.
Mais le département de la Défense, qui est resté sur sa position, a fourni des détails des raisons de sa décision dans un rapport envoyé au Congrès US. Dans son rapport, le DoD a expliqué que l'attribution du contrat de cloud à plusieurs fournisseurs « imposerait probablement au département des coûts et une complexité technique supplémentaires ». Le Pentagone a ajouté aussi que même si la sécurité des données dans le cloud est en grande partie standard et automatique, la gestion de la sécurité et de l'accessibilité des données dans un environnement multicloud nécessiterait une configuration manuelle et introduirait donc des vulnérabilités de sécurité potentielles, en plus de réduire l'accessibilité et d'augmenter les coûts.
Dès le début du mois d’octobre 2018, Google a décidé de se retirer de la course, faisant valoir que le projet pourrait entrer en conflit avec ses valeurs. Google a publié une déclaration à propos de sa décision :
« Bien que nous travaillions pour aider le gouvernement américain avec notre cloud dans de nombreux domaines, nous n’allons pas soumettre d’offre pour obtenir le contrat JEDI car, tout d’abord, nous n’avons aucune assurance que cela correspondrait à nos principes concernant l’utilisation de l'IA, ensuite, nous avons déterminé qu'il y avait des portions du contrat qui étaient hors de portée avec nos certifications gouvernementales actuelles. Si le contrat de JEDI avait été ouvert à plusieurs fournisseurs, nous aurions présenté une solution convaincante pour certaines parties ».
Google Cloud, qui a estimé qu'une approche multicloud est dans l'intérêt des agences gouvernementales, avait décidé plus tôt de ne pas renouveler un précédent contrat avec le Pentagone dans le cadre du projet Maven, à cause des protestations de ses employés auxquelles l'entreprise a fait face.
Précédemment à l’action devant les juges fédéraux, Oracle avait déposé une plainte auprès du Government Accountability Office (GAO) en août dernier avec les mêmes arguments. Le GAO s'est prononcé contre Oracle en novembre en déclarant que « ....la décision du ministère de la Défense d'adopter une approche à prime unique pour obtenir ces services dans les nuages est conforme aux lois (et règlements) applicables parce que l'organisme a raisonnablement déterminé qu'une approche à prime unique est dans le meilleur intérêt du gouvernement pour diverses raisons, notamment des préoccupations en matière de sécurité nationale, comme le permet la loi ».
En avril dernier, le Pentagone a annoncé les deux finalistes dans le processus de contrat de cloud JEDI et Oracle n'en faisait pas partie. En dépit de poursuites judiciaires, de manifestations officielles et même de reproches adressés au président par Oracle, les deux finalistes désignés sont Microsoft et Amazon.
Après le rejet de l’action d’Oracle, Elissa Smith, porte-parole du ministère de la Défense, a déclaré dans un communiqué que la décision du juge principal « réaffirme la position du DOD : le processus d'approvisionnement JEDI Cloud a été mené comme un concours équitable, complet et ouvert, que l'agent de négociation des contrats et son équipe ont exécuté conformément à la loi ».
Amazon Web Services qui s'était joint à l'action dans le cadre du processus judiciaire, a déclaré dans un communiqué que la société « est prête à soutenir et à servir ce qui est le plus important - la mission du DoD de protéger la sécurité de notre pays ». Selon Bloomberg, Amazon Web Services a été largement considéré comme le favori du concours parce qu'il avait déjà remporté un contrat de 600 millions de dollars de la Central Intelligence Agency qui l'a aidé à obtenir les approbations de sécurité dont il avait grand besoin.
Microsoft, qui avait remporté en novembre un contrat de 480 millions de dollars pour fournir à l'armée des Etats-Unis des prototypes de systèmes de réalité augmentée pour des missions de combats, est en train de rattraper Amazon grâce à ses progrès dans l'obtention de telles autorisations.
Après avoir vu l’action en justice de la firme être rejetée, Deborah Hellinger, une porte-parole d’Oracle a dit dans un communiqué que la société se réjouit de « travailler avec le ministère de la Défense, la communauté du renseignement et d'autres agences du secteur public pour déployer des solutions modernes et sécurisées de cloud computing qui répondent à leurs besoins ». Aucune procédure d’un appel de la décision n’a été rendue publique par l’entreprise. Le choix final du gouvernement est attendu pour le mois d’aout.
Source : Bloomberg
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Le , par Stan Adkens
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