Ces dernières années, l'industrie du jeu vidéo est de plus en plus basée sur des modèles de monétisation qui favorisent les achats compulsifs par les consommateurs en leur proposant, dans les jeux, des éléments de conception « manipulateurs » qui les incitent, entre autres, à dépenser de l'argent afin de progresser rapidement dans les étapes difficiles des jeux. Toutefois, cette stratégie de gain qui profite de la vulnérabilité de certains joueurs ne devrait plus prospérer encore longtemps aux Etats-Unis. Josh Hawley, sénateur républicain, a annoncé mercredi son intention d'introduire la « Loi sur la protection des enfants contre les jeux abusifs », qui viserait « l'exploitation des enfants par le biais de pratiques de monétisation « loot box » et « pay-to-win » (payer-pour-gagner) de l'industrie du jeu vidéo, selon un résumé publié par le bureau du sénateur.
Selon la publication du bureau du sénateur, cette loi interdirait la vente de loot box dans les jeux destinés aux enfants de moins de 18 ans, si elle est adoptée. En outre, les jeux accessibles par un grand public pourraient également être pénalisés par des organismes de réglementation comme la Federal Trade Commission si les entreprises permettent sciemment aux enfants d'acheter ces pochettes-surprises. Le sénateur Hawley a déclaré :
« Les médias sociaux et les jeux vidéo s'attaquent à la dépendance des utilisateurs, détournent l'attention de nos enfants du monde réel et tirent des profits de la popularisation d'habitudes compulsives ». « Quels que soient les avantages de ce modèle économique pour l'industrie technologique, une chose est claire : il n'y a aucune excuse pour exploiter les enfants par de telles pratiques », a-t-il ajouté.
Les jeux vidéo ont fortement intégré les habitudes des consommateurs depuis plusieurs années déjà et avec l’ère du streaming des jeux qui s’annonce, la dépendance aux jeux vidéo pourrait atteindre un record jamais réalisé. C’est pour cette raison que certains gouvernements ont commencé à tirer la sonnette d’alarme depuis l’année dernière en ce qui concerne la protection des joueurs les plus vulnérables, tels que les mineurs, contre les jeux qui les exploitent. Il y a plus d’un an, la justice belge a estimé que les loot box dans des jeux vidéo sont illégales et exposeraient les joueurs vulnérables à la dépendance. Il y a également plus d’un an que la sénatrice Maggie Hassan démocrate a demandé que l'industrie du jeu procède à un examen des pratiques en matière de loot box.
Selon le résumé du projet, la nouvelle loi, similaire à la COPPA (Loi sur la protection de la vie privée des enfants en ligne) déjà en vigueur, permettrait aux organismes de réglementation de déterminer si un jeu s'adresse aux mineurs. Le sujet abordé par le jeu et son contenu visuel les aideraient dans cette tâche. La FTC et les procureurs généraux des États qui seront chargés de l’application de la loi, si elle est approuvée, devraient également vérifier si un jeu contient des mécanismes dits « pay-to-win » qui manipulent le système de progression d'un jeu afin d’inciter les joueurs à dépenser de l'argent. Ou qui modifient l'équilibre concurrentiel en favorisant les joueurs qui dépensent plus dans des jeux multijoueurs.
Dans le résumé de son projet de loi, le sénateur Hawley a déclaré :
« Lorsqu'un jeu est conçu pour les enfants, les développeurs de jeux ne devraient pas être autorisés à monétiser la dépendance. Et lorsque les enfants jouent à des jeux conçus pour les adultes, ils devraient être à l'abri des microtransactions compulsives. Les développeurs de jeux qui exploitent sciemment des enfants devraient faire face à des conséquences légales. »
Les résultats d’une étude, menée par la Commission belge des jeux de hasard sur les dangers de l’implémentation des loot box au sein des jeux, a révélé que 40 % des jeux avec pochettes-surprises permettent d’échanger les objets numériques obtenus au sein de l’environnement virtuel contre des devises sur des places de marché externes – une pratique non autorisée par la législation belge. Suite à la dénonciation de loot box par la justice belge, Valve, studio américain de développement de jeux, a publié une mise à jour de Counter-Strike, son jeu de tir, et la nouvelle version applique des restrictions aux comptes des joueurs belges et néerlandais. « Les consommateurs en Belgique et au Pays-Bas n’ont plus accès aux conteneurs », avait écrit Valve après la mise à jour.
En novembre dernier, The Guardian a publié que l'éditeur de jeux Square Enix allait retirer en Belgique trois jeux parmi les plus grands titres de son portfolio de jeux pour plateformes mobiles à la suite de l'introduction d'une loi dans le pays qui interdit les loot box considérés comme forme de jeu de hasard.
Dans une déclaration suite à l’annonce de la nouvelle loi du sénateur Hawley, La Entertainment Software Association (ESA) a dit :
« De nombreux pays, dont l'Irlande, l'Allemagne, la Suède, le Danemark, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, ont déterminé que les loot box ne constituent pas des jeux de hasard. Nous avons hâte de partager avec le sénateur les outils et les renseignements que l'industrie fournit déjà et qui permettent aux parents de garder le contrôle sur les dépenses en jeu. Les parents ont déjà la possibilité de limiter ou d'interdire les achats en jeu grâce à un contrôle parental facile à utiliser ».
Cette position est partagée par une publication du site spécialisé kotaku.com qui a rapporté l’an dernier les propos de l’éditeur Electronic Arts selon lesquels loot box et paris ne sont pas liés. « À l’inverse d’une machine à sous, le gamer reçoit toujours quelque chose en contrepartie », a argumenté l’éditeur de jeux.
En novembre dernier, la FTC avait promis de se pencher sur la question des pochettes-surprises pour lesquelles les gamers doivent payer, lors d’une audience du Congrès, lorsque Joseph Simmons, président de la FTC répondait aux questions de la sénatrice Maggie Hassan. M. Simons, n'a pas confirmé l'existence d'une enquête concernant les pratiques des éditeurs de jeux, mais a néanmoins dit à Hassan que la commission organiserait une série d'ateliers avec des défenseurs des consommateurs et l'industrie du jeu sur les loot box, plus tard cette année.
Cette décision de la FTC est intervenue environ neuf mois après l'envoi par Hassan d'une lettre au Entertainment Software Ratings Board, leur demandant de revoir le processus d'évaluation des loot box, d'examiner leur commercialisation auprès du public, notamment, des plus jeunes et de revoir les pratiques de développement liées à cette forme de microtransactions.
Si la nouvelle loi est approuvée, les procureurs généraux des États seraient habilités à intenter des poursuites contre les sociétés de jeux au nom des résidents de leur État sur des questions telles que la vente de loot box. Cependant, il y a encore du chemin à parcourir avant que la nouvelle loi n’arrive à cette étape, surtout qu’en dehors de cette interaction entre la FTC et la sénatrice Hassan et des ateliers prévus sur la question par la FTC pour cette année, les autorités américaines n'ont pas agi avec autant d'agressivité contre les loot box comme en Belgique où la réaction des organismes de réglementation ont conduit au retrait des loot box par les éditeurs comme Blizzard et EA.
Les efforts législatifs déployés pour contenir les boîtes aléatoires dans l'État de Washington, à Hawaii et en Indiana n'ont pas encore abouti à l'adoption de lois concrètes. Toutefois, la déclaration de M. Hawley pourrait être le signe que le gouvernement fédéral fera face dans les mois à venir au problème des pratiques abusives des éditeurs de jeux qui exploitent les joueurs les plus vulnérables.
Ce long silence des autorités fédérales américaines a permis aux éditeurs de réaliser jusqu'où ils pouvaient pousser leur système de microtransactions sans qu'il n’y ait de réplique. Ce n’est pas trop tôt, mais espérons tout de même que la nouvelle loi puisse être approuvée.
Source : Josh Hawley
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Les studios de jeux seraient interdits de vendre des loot box aux mineurs,
En vertu du nouveau projet de loi des Etats-Unis
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Le , par Stan Adkens
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