Les sœurs saoudiennes Maha et Wafa al-Subaie, en attente d’un asile en Géorgie, après avoir échappé à l’étreinte de leur famille en Arabie Saoudite, ont exhorté Apple et Google à retirer de leur boutique en ligne l’application « inhumaine » Absher, qui permet aux hommes saoudiens de surveiller et de contrôler les déplacements des femmes de leur famille, leur permettant ainsi de piéger les filles dans des familles violentes. Les deux sœurs âgées respectivement de 28 et 25 ans ont déclaré que l’application Absher était mauvaise pour les femmes, car elle soutenait le système strict de tutelle masculine de l'Arabie saoudite.
Wafa a déclaré : « Cela donne aux hommes le contrôle sur les femmes ». « Ils doivent la supprimer », a-t-elle ajouté, en faisant référence à Google et Apple. En effet, Absher est disponible dans la version saoudienne des boutiques en ligne de Google et Apple. Les deux géants de la technologie ont été accusés en février dernier d’avoir aidé à « faire respecter un système d’apartheid des genres » en Arabie saoudite, en proposant une application qui permet aux hommes de suivre les femmes et de les empêcher de quitter le pays.
Absher est un système géré par l'État qui contient l'expression en ligne des lois restrictives de l'Arabie saoudite sur la tutelle masculine. C’est un service Web gouvernemental qui permet aux hommes de spécifier quand et comment les femmes peuvent franchir les frontières saoudiennes et en permettant de mettre à jour ou de retirer l'autorisation de voyager à l'étranger pour les femmes de leur famille. L’application gratuite créée par le ministère de l'Intérieur permet également aux tuteurs de recevoir des alertes SMS si les passeports des femmes ont été utilisés, et bien d’autres choses telles que tels que le renouvellement des passeports, la prise de rendez-vous et la consultation des infractions routières.
La tutelle masculine du royaume islamique oblige les femmes saoudiennes à obtenir l'autorisation d'un parent masculin pour travailler, se marier et voyager. Selon le Guardian, ce système ultraconservateur a fait l'objet d'un examen minutieux à la suite de récents cas de femmes saoudiennes cherchant refuge outre-mer.
Depuis la parution de l'article de Insider rendant compte de l'existence d'Absher, Human Rights Watch et Amnesty International ont tous deux exprimé leur inquiétude quant au rôle de Google et d'Apple dans l'hébergement de l'application, qui a été installée sur un smartphone plus d'un million de fois. La représentante démocrate Jackie Speier, Ilhan Omar, et Rashida Tlaib, et 11 autres membres du Congrès avaient exigé le 21 février que Google et Apple retirent l'application de leur boutique.
Le PDG d'Apple, Tim Cook, a déclaré en février qu'il n'avait pas entendu parler d'Absher, mais qu'il s'était engagé à « y jeter un coup d'œil ». Google aussi avait fait la même promesse d’examiner en profondeur l’application. Mais, plus tôt en mars, Google a décidé de ne pas retirer de Google Play Absher, l'application controversée qui rend la fuite de l'Arabie Saoudite si difficile pour les femmes qui cherchent à échapper aux conditions difficiles de vie pour trouver exile à l’étranger, parce qu’elle n’est pas en violation avec ses conditions de service.
Le Guardian rapporte qu’aucune des deux sociétés n'a commenté l’appel des sœurs au moment où il publiait son article le jeudi.
Selon le Guardian, pour échapper à ce système de surveillance les sœurs al-Subaie ont dû voler le téléphone de leur père pour se procurer des passeports et l'autorisation de prendre l'avion pour Istanbul. Les sœurs ont déclaré connaître des dizaines d'autres jeunes femmes qui cherchaient à échapper à des familles violentes. Elles ont dit que Google et Apple pourraient contribuer au changement en Arabie saoudite en retirant Absher de leur boutique et en insistant pour que les femmes puissent organiser leur voyage de manière indépendante - ce qui entraverait considérablement le système gouvernemental de tutelle.
Wafa a déclaré : « Si[ils] retirent cette application, peut-être que le gouvernement fera quelque chose ».
L’appel des sœurs al-Subaie n’est qu’une action parmi tant d’autres entreprises depuis que l’existence de l’application a été rendue publique par Insider en début février. Des groupes de défense des droits, des diplomates et des politiciens américains et européens continuent d’exhorter les deux entreprises pour que l'application soit retirée des magasins en ligne.
Selon le Guardian, la responsable des droits de l'homme des Nations Unies, Michelle Bachelet, a déclaré mercredi qu'elle avait posé, ce mois-ci, aux entreprises technologiques de la Silicon Valley des « questions difficiles » sur les « menaces » posées par des applications comme Absher. Dans un communiqué, elle a déclaré :
« La technologie peut, et doit, être une question de progrès. Mais les pouvoirs extrêmement envahissants qui sont libérés risquent de causer des dommages incalculables s'il n'y a pas suffisamment de contrôles en place pour faire respecter les droits de l'homme ».
Avant les deux sœurs, une adolescente saoudienne avait réussi à s’échapper du royaume islamique. Après que son cas ait fait la une des journaux, elle a finalement reçu une offre d'asile au Canada lorsqu'elle a refusé de quitter un hôtel de l'aéroport thaïlandais en janvier.
Lynn Maalouf, directrice de recherche au Moyen-Orient pour le groupe de défense des droits humains Amnesty International a déclaré : l'augmentation du nombre de femmes fuyant le pays témoigne de la situation des femmes en Arabie saoudite ». « Malgré quelques réformes limitées, [elles] ne sont pas suffisamment protégées contre la violence domestique et la maltraitance et, plus généralement, font l'objet de discrimination », a-t-elle ajouté, en parlant des femmes saoudiennes.
En effet, le Prince héritier Mohammed ben Salman a introduit des réformes, telles que la levée de l'interdiction de conduire pour les femmes, et a indiqué l'année dernière qu'il était favorable à la suppression du système de tutelle, sans avoir vraiment soutenu son annulation.
La déclaration le mois dernier des 11 militantes, selon laquelle elles avaient été torturées alors qu'elles étaient en détention pour des motifs liés au travail en faveur des droits humains et aux contacts avec des journalistes et diplomates étrangers, a renforcé les critiques occidentales à l'égard du royaume islamique.
Selon le Guardian, le procureur a nié les allégations de torture et a déclaré que les femmes avaient été arrêtées parce qu'elles étaient soupçonnées d'avoir porté atteinte aux intérêts saoudiens et d'avoir soutenu des éléments hostiles à l'étranger.
Cependant, supprimer l’application mobile du système gouvernemental persuaderait-il les hommes saoudiens d’arrêter l’utilisation du service en ligne ? L’application pourrait être téléchargée d’une autre source et le système pourrait être également exploité à partir des navigateurs bureau même si cette utilisation n’est pas aussi pratique que sur les téléphones mobiles.
Source : The Guardian
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Le , par Stan Adkens
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