Le projet de loi de l’Union européenne pour obliger les médias sociaux à supprimer les contenus terroristes dans un délai d’une l'heure sous peine d'une lourde amende passe le cap de la commission de la justice et des affaires intérieures de l'Assemblée de l'UE. Il a été adopté le lundi par cette commission par 35 voix contre une, avec 8 abstentions, après un blocage momentané du vote à cause des craintes que ces nouvelles mesures ne nuisent aux petites plateformes en ligne ou n'empiètent sur les droits civils. La proposition doit maintenant être approuvée la semaine prochaine lors d'un vote en plénière.
Pour rappel, en mai 2016, les principales plateformes de contenus en ligne ont signé un code de conduite sur Internet, par lequel elles se sont engagées volontairement auprès de l'UE à respecter certaines prescriptions dans le but de retirer les contenus illicites d’Internet. En mars dernier, la Commission a décidé de renforcer l'action de l'UE contre ce type de contenus, en donnant de nouvelles consignes à Google, YouTube, Facebook et Twitter afin se doter d'outils plus efficaces et de technologies proactives pour détecter et supprimer tout contenu illicite. Il s’agissait aussi pour ces entreprises de, non seulement, s'engager dans une coopération plus étroite avec les autorités, mais aussi, d’aider les petites entreprises d’Internet en partageant par exemple avec elles des solutions technologiques, notamment des outils de détection automatique de contenus.
Les contenus illicites d’Internet qui préoccupent l’UE, ce sont ceux à caractère terroriste. Pour cette question en particulier, la Commission avait donc demandé que les contenus signalés par les Etats membres soient désormais retirés dans l'heure et non dans les 24 heures, comme pour les contenus incitant à la haine. « Le contenu à caractère terroriste en ligne représente un risque particulièrement grave pour la sécurité des Européens, et sa diffusion massive doit être traitée de toute urgence », expliquait la Commission européenne. Les entreprises du Net ont alors reçu un ultimatum de trois mois, pour faire des progrès sur la question, avant que l'UE envisage des mesures législatives.
Mais, en septembre dernier, vu que le délai accordé était passé sans que les efforts volontaires faits par les plateformes numériques ne soient satisfaisants, la Commission européenne a décidé de passer à la vitesse supérieure. Elle a fait une proposition visant à forcer ces entreprises à supprimer le contenu extrémiste en ligne dans un délai d'une heure après signalement par la police et les autorités compétentes ou faire face à des amendes, qu’elle a soumise ensuite au Parlement européen.
Et selon un article de Reuters publié hier, les législateurs de l'UE soutiennent l'imposition d'amendes aux entreprises du numérique qui ne suppriment pas les contenus extrémistes dans l’heure qui suit après qu’ils aient été signalés. La proposition de loi qui a été approuvée par les États membres l'année dernière prévoit des amendes allant jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial. Cette décision se précise dans un contexte où l’une de ces plateformes, Facebook, a été le théâtre de la diffusion en direct de fusillades par un tireur solitaire, qui a tué 50 personnes dans deux mosquées néo-zélandaises le vendredi 15 mars dernier.
Pour lutter contre les contenus extrémistes, les entreprises du numérique comptent sur leurs équipes de modérateurs humains et des outils automatisés de détection et de suppression de ces contenus illicites. Leurs efforts ont d'ailleurs été reconnus en janvier 2018, quand la Commission européenne a félicité Facebook, Twitter et YouTube pour avoir supprimé 70 % des contenus haineux signalés. Cependant, lorsque des contenus illégaux sont retirés d'une plateforme, ils se retrouvent souvent sur une autre, ce qui met à rude épreuve la capacité des autorités à contrôler le Web.
C’est pour cette raison que les autorités de l’UE, qui estiment que la première heure est la plus importante pour enrayer la propagation virale des contenus en ligne, ont décidé de réglementer après avoir jugé que les entreprises de l'internet n'en faisaient pas assez avec des mesures volontaires.
Après la diffusion en direct de fusillades sur sa principale plateforme, Facebook a déclaré avoir retiré 1,5 million de vidéos contenant des images de l'attaque néo-zélandaise dans les 24 heures qui ont suivi la fusillade. Ce qui n’est pas satisfaisant pour l’UE qui exige désormais que les contenus terroristes soient retirés dans un délai d’une heure.
En septembre dernier, lorsque l’UE initiait la proposition de l’imposition d’amendes, Facebook avait déclaré : « Il n’y a pas de place pour le terrorisme sur Facebook et nous partageons l’objectif de la Commission européenne de le combattre, et nous pensons que ce n’est que par un effort commun entre entreprises, société civile et institutions que les résultats peuvent être atteints ». Il a ajouté que « Nous avons fait des progrès significatifs dans la recherche et la suppression rapides de la propagande terroriste et à grande échelle, mais nous savons que nous pouvons faire plus ».
Selon Reuters, les législateurs ont déclaré que les autorités devraient prendre en compte la taille et les revenus des entreprises concernées afin de tenir compte des préoccupations de l'industrie selon lesquelles les petites plateformes n'ont pas les mêmes ressources pour se conformer aussi rapidement à ces nouvelles règles plus strictes. Aussi, il est retenu que les entreprises qui sont visées pour la première fois par la mesure de suppression de contenus recevraient également 12 heures de plus pour se conformer à la mesure.
Pour une mise en œuvre efficace de la nouvelle mesure, les gouvernements nationaux de l’Union sont appelés à mettre en place les outils permettant d'identifier les contenus extrémistes en ligne et une procédure de recours. Les amandes interviendront lorsqu’une entreprise du numérique, après avoir reçu une notification de contenus extrémistes sur sa plateforme de la part des instruments nationaux de détection de ces contenus, ne parvient pas à les éradiquer dans l’heure qui suit.
Les législateurs ont, toutefois, abandonné un autre projet contraignant qui leur faisait obligation de surveillance des contenus téléchargés ou partagés sur leurs sites à la recherche de signes d'activité illégale. « Nous risquons d'enlever trop de contenu, car les entreprises adopteraient naturellement une approche axée sur la sécurité d'abord », a déclaré Daniel Dalton, l'eurodéputé britannique qui a été désigné rapporteur pour la Commission LIBE (la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen) sur le règlement de censure antiterroriste. « Il ne peut pas non plus conduire à un contrôle général du contenu par la porte dérobée. »
En janvier dernier, après la publication du projet de rapport sur la proposition de l’imposition des amendes des eurodéputés, la Quadrature du Net, l'association française de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, a estimé que l'UE était en passe de « sous-traiter la censure de l'Internet à Google et Facebook, détruire les autres acteurs de l’Internet et laisser à la police le pouvoir d’ordonner le retrait en une heure de contenus qu’elle juge illicites, et cela sans autorisation judiciaire ».
Trois rapporteurs spéciaux des Nations unies pour les droits de l'homme et l'organe de surveillance des droits de l'homme de l'UE ont exprimé leur inquiétude quant à l’utilisation abusive de ces proposions qui sont en train d’être adoptées au Parlement européen.
Selon Reuters, la Grande-Bretagne a également proposé lundi de nouvelles règles qui pénaliseraient les entreprises qui ne parviennent pas à protéger les utilisateurs contre les contenus préjudiciables.
Source : Reuters
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Le , par Stan Adkens
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