Cinquante femmes se décrivant comme des rescapées du trafic sexuel qui avait cours sur le portail Backpage.com aujourd’hui disparu accusent la société Salesforce d’avoir profité de chaque annonce. Elles ont récemment décidé d’attaquer l’entreprise du milliardaire Marc Benioff devant le tribunal de l’État de San Francisco. Chacune de ces femmes — identifiée sous le pseudonyme de Jane Doe — aurait été vendue à des fins d’exploitation sexuelles dans diverses régions des États-Unis.
Salesforce a connu une croissance rapide au cours des vingt dernières années et a généré un chiffre d’affaires annuel de 13 milliards de dollars au cours de l’exercice 2019. La société a réussi cet exploit en s’efforçant de rendre ses outils attrayants pour un large éventail d’organisations, des plus petites aux plus grandes entreprises du monde.
À partir de 2013, lorsque la croissance de Backpage a commencé à fléchir, Salesforce a adopté le site en tant que client et lui a fourni des outils permettant de gérer sa « ;base de données de trafiquants et de proxénètes ;», ce qui a entraîné sa résurgence, d’après les plaignants. Signalons au passage que Carl Ferrer, l’ancien PDG de Backpage, a plaidé coupable dans trois États américains pour des chefs d’accusation de blanchiment d’argent et de complot trois jours seulement après la clôture définitive de son site Web en avril 2018 dans le cadre d'une enquête fédérale. Ferrer encourt une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Estimant que les services fournis à Backpage par l’entreprise de Benioff ont contribué aux abus, viols et autres sévices dont elles ont été victimes, les plaignantes assurent que Salesforce avait sciemment soutenu Backpage en lui fournissant des outils de base de données personnalisés qui permettent de commercialiser et revendre des prostituées à des « ;proxénètes, clients et trafiquants ;».
« ;Salesforce avait connaissance du fléau que représente le trafic sexuel puisqu’il cherchait à faire de la publicité pour essayer de l’arrêter ;», selon la plainte, « ;mais en même temps, cette société cotée en bourse était, en réalité, parmi les sociétés délinquantes les plus viles, ne se souciant que de leurs résultats financiers ;».
Toutefois, ce n’est pas la première fois que Salesforce suscite la controverse en raison de sa décision de traiter avec un client particulier. En juin 2018, plus de 650 salariés du groupe ont signé une lettre demandant à Benioff de reconsidérer un contrat passé avec le service américain des douanes et de la protection des frontières (US Customs and Border Protection) en raison des politiques d’immigration de l’administration Trump, notamment en ce qui concerne la séparation des familles appréhendées après la frontière mexicaine côté étasunien. Benioff a, malgré tout, refusé d’annuler la transaction, arguant que le logiciel de Salesforce n’était pas utilisé pour perpétuer des politiques controversées.
Salesforce a confié prendre ces allégations au sérieux, mais a refusé de commenter le procès. « ;Nous sommes profondément attachés à l’utilisation éthique et humaine de nos produits ;», a déclaré à ce propos une porte-parole de Salesforce dans un communiqué. En avril prochain, la société de Benioff devrait contribuer au parrainage d’un événement contre le trafic d’êtres humains.
Source : Bloomberg
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Le , par Christian Olivier
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